apathique, dont l'immense population semble hors de toute proportion avec l'dtendue
du territoire qu'elle occupe. De brillantes missions diplomatiques et scientifiques, et
les offres d'un puissant monarque européen dont l'empire s'dtend aussi très avant dans
l'Asie, n'ont pu éblouir le caractère éminemment national d'un peuple, voué de coeur
par sa religion, par ses lois et par ses habitudes aux antiques croyances de ses aneétres,
dont les dogmes et l'état social remontent à des siècles antérieurs à l'apparition
de la première lueur de civilisation en Europe.
Depuis la découverte des Portugais, vers le milieu du seizième siècle (1) jusqu'à
nos jours, le Japon est demeuré stationnaire au milieu des élans de l'esprit humain.
Les Portugais qui se firent expulser de cet empire pour avoir voulu imposer à ces
peuples une religion nouvelle, y sont, après plus de deux cents ans, sous la même
interdiction et y inspirent le même éloignemeut qu'aux jours de leur expulsion (2).
Si, avant et depuis cette époque jusqu'à nos jours, le pavillon des Pays-Bas y a été
accueilli, ce n'est que sous des restrictions très limitées que les b¿U¡meus de ce pays
y sont admis, dans le seul intérêt du commerce. Le gouvernement colonial des Indes
néerlandaises y possède une factorerie, composée de plusieurs employés et dont le chef,
ainsi que deux ou trois autres fonctionnaires, sont autorisés à faire à des intervalles
fixes de quatre années, le voj^age de la capitale, pour y présenter leurs hommages à
l'empereur; ce voyage se fait par une route d'étapes fixée d'avance; il a lieu sous une
surveillance pompeuse et il est accompagné d'un appareil militaire imposant, dans lesquels
on n'admet aucune innovation, et qui ne permettent pas la moindre liberté aux
membres, dont l'ambassade est composée.
Sous ces auspices défavorables, on sent, qu'il a été de tous temps très difficile,
souvent même impossible, d'obtenir des renseignemens authentiques sur ce pays.
Kaempfer et Thunberg, tous les deux attachés à la factorerie de Nagasaki comme exerçant
l'art médical, y firent un court séjour, le premier en 1690 et le second en 1775-
mais ils furent entourés de maintes difficultés, et ne purent rassembler qu'un herbier
très médiocre et imparfait. Depuis cette époque jusqu'en 1780 nulle tentative n'eut
lieu. A dater de cette année jusqu'en 1784 le chef de la factorerie M. Titsingh, sut
mettre à profit le temps de son séjour auprès des Japonais; mais les matériaux rassemblés
par cet estimable et habile fonctionnaire furent perdus pour la gloire littéraire
de la Hollande. Plus tard des révolutions et des guerres continentales et maritimes; la
perte de notre existence nationale en Europe et de notre pouvoir dans l'Inde, envahis,
l'un et l'autre, par deux puissantes nations rivales, mirent obstacle à toute tentative
scientifique. Cependant, au milieu de ce conflit d'évènemens divers, et lorsque le nom
Hollandais semblait destiné à être effacé de la liste des peuples européens, le pavillon
national des Pays-Bas n'a pas cessé d'être arboré sur l'île Dezima, factorerie néerlandaise
au Japon; tant est grande et fortement enracinée chez ce peuple, cette teadance
innée de ne pas déroger aux anciennes habitudes de ses ancêtres.
Pendant cette époque de désastreuse mémoire pour les Pays-Bas, l'empereur de
Russie fit partir en 1804 pour ce pays, une ambassade et une mission scientifique,
(1) Le Japon fut connu des Portugais dès l'année 1543.
(2) Ce bannissement général de tous les chrétiens eut lieu en 1640; les seuls Iiollandais en furent exceptés;
ils étaient étaUis dans le pays des 1(509.
qui aborda sous le contre-amiral de Krusenstern dans la rade de Nagasaki; mais elle ne pût
se faire admettre, et les savans MM. Langsdorff et Tilesius qui en faisaient partie, n'ont
pu rassembler, malgré toutes leurs tentatives, que quelques matériaux scientifiques
dont ils ont enrichis leur atlas, composé en grande partie de renseignemens précieux
sur la géographie et l'hydrographie. Postérieurement, c'est-à-dire, en 1811, le capitaine
Golownin ne réussit guère mieux dans son entreprise; sa captivité et les détails
qu'il donne sur ce peuple, ont été publiés et sont connus, mais ils n'ont point coatribué
à augmenter la somme de nos connaissances sur les productions de cette partie
du monde.
Les Pays-Bas et le gouvernement colonial de l'Inde, ayant été remis en 1813 en possession
de nos établissemens d'outre-mer, les employés de la factorerie de Dezima
et le chef du commerce M, Blomhoff, ont fait d'honorables tentatives, soit pour rassembler
des collections d'histoire naturelle et d'ethnographie, soit pour publier des
fragmens sur le Japon, dont MM. van Overmeer Fisscher et Doeff sont les auteurs. Mais
ce n'est qu'à partir de 1823 qu'il s'est opéré un changement plus propice relativement à
la connaissance du Japon. Plus heureux que ses devanciers, en même temps mieux
inspiré qu'eux sur les moyens d'établir des relations amicales avec les savans les plus
distingués de ce pays, M. Ph. Fr. de Siebold, sachant parfaitement, que c'est par
le concours des indigènes et eu se conciliant leur bienveillance que la réussite de ses
plans pouvait devenir probable, n'a rien négligé, dès lors, pour s'insinuer dans les bonnes
grâces des hommes les plus marquants par leur savoir; c'est en leur communiquant et
en leur faisant apprécier la science européenne dans l'art de la médecine et des connaissances
en histoire naturelle, qu'il sût obtenir en retour ces communications scientifiques,
ces données locales sur la vie intellectuelle et politique de ces peuples, de
leur histoire, de leurs dogmes religieux, de leur littérature, comme aussi des productions
du sol et de toutes les tentatives déjà faites par eux pour étudier et pour connaître
les animaux qui vivent dans leur pays; par leur intermédiaire, il parvint à
recueillir de riches collections ethnographiques, de manuscrits, de livres, de cartes,
de dessins, de monnaie, d'instrumens etc.; il rassembla en outre les élémens de la
faune et de la flore de cette contrée, jusqu'alors si peu connue du reste du monde.
Ces principaux matériaux qui doivent servir à illustrer l'histoire naturelle du Japon,
ont été enrichis et très considérablement augmentés depuis le retour de M. de Siebold
en Europe, par le soin et le zèle, que son successeur, M. le docteur Burger a mis en
oeuvre pour ne pas laisser tiédir l'ardeur que les Japonais ont mis à entretenir les
communications scientifiques, si savamment combinées et ménagées avec tant d'art par
M. de Siebold. Ce voyageiu- présume, et nous ne sommes pas éloignés de nous ranger
de son opinion, que la presque totalité des animaux qui vivent ou sont de passage
dans le domaine et les dépendances de l'empire du Japon vient d'être rassemblée par
les deux voyageurs mentionnés; d'autant plus que les manuscrits, les dessins et les
peintures japonaises, dont M. de Siebold a rassemblé une brillante collection, n'indiquent
point d'espèces marquantes dont nous ne soyons pas en possession. Quelques
animaux de la classe des Rongeurs, lui nombre plus grand de Chéiroptères, et peutêtre
aussi des espèces d'Insectivores de petite taille, quelques habitans des côtes maritimes,
qui, vivant dans les mers glaciales, visitent périodiquement ou accidentellement
les côtes du Japon, ont pu échapper jusqu'ici, môme à la connaissance des indigènes.