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de son séjour au Japon, plusieurs individus vivans de cet animal curieux et rare qui
u'habite que les contrées élevées de l'intérieur. Remarquable par ses dimensions vraiment
colossales, cette espèce l'est encore par son affinité dans la taille et pour les formes
avec la grande S a l ama n d r e fosKsile, qui semble avoir peuplé les eaux de notre Europe,
et qu'on peut mettre au rang des productions antidiluviennes les plus intéressantes.
Elle oltre encore une grande analogie, quant aux formes, avec la Salam. ménopome
de l'Amérique septentrionale; mais elle en diffère par les dimensions et par l'absence
des orifices branchiaux. Comme elle a les habitudes complètement aquatiques, la
nature l'a munie d'une queue très-haute, excessivement comprimée el en forme de
large aviron; ses yeux sont petits et verticaux; ses narines se trouvent rapprochées
du bout du museau; sa téte est remarquablement déprimée et large; ses flancs enfui
sont pourvus d'une frange de la peau, destinée h faciliter la natation.
Nos voyageurs n'ayant pu se procurer des individus à l'état de têtard, nous ne
sommes pas à mérûe de rien dire sur la métamorphose que doit subir cette espèce
dans sa première jeunesse. Le plus petit des individus trouvé par M. de Siebold
est long environ d'un pied; il n'offre plus aucune trace de branchies ou d'orifices
branchiaux. Plusieurs autres individus, envoyés au Musée par M. Bürger, sont de
deux pieds environ. L'individu vivant rapporté en Europe en 1829 par M. de Siebold,
portait en longueur totale à peu-près un pied; croissant rapidement, il est parvenu
en 1835, à ime longueur d'environ trois pieds; depuis, il n'a rien gagné en longueur
et parait avoir atteint le terme de sa croissance. Les moeurs de ce grand reptile.
pour autant qu'il a été possible de les observer à l'état de captivité, n'offrent
guère des faits intéressans. C'est un animal inerte et stupide, dont tous les mouvemens
sont très lents. Se tenant habituellement tranquille au fond du réservoir dans
lequel nous le gardons, il ne vient à la surface de l'eau que pour respirer l'air atmosphérique,
ce qui se fait d'abord par les narines, ensuite par la bouche: à cet effet il
lui suffit de mettre le museau hors de l'eaii; se retirant ensuite lentement pour reprendre
sa position accoutum.ée, il fait souvent entendre un grognement sourd, produit par l'air
atmosphérique superflu qu'il chasse par les narines et quelquefois par la bouche. Cet
acte de l'inspiration est ordinairement réitéré tous les cinq ou dix minutes, mai.s
l'animal peut rester jusqu'à une demi-heure au fond de l'eau avant de renouveller l'air
contenu dans les poumons. Plongé, pour ainsi dire, dans une apathie continuelle,
il montrait, à son arrivée en Europe, un naturel assez doux, et ne cherchait jamais
à mordre ceux qui le retiraient de l'eau, même en le faisant passer longtemps
d'une main à l'autre. Mais, souvent irrité par de nombreux visiteurs, il a contracté
des moeurs plus sauvages, et se défend en mordant lorsqu'on l'inquiète. Il faut
cependant des provocations réitérées pour le déterminer à cet acte, qu'il exécute en
se dirigeant lentement vers l'objet de son ressentiment, qu'il cherche à attraper en élançant
tout d'un coup la téte hors de l'eau et tachant de mordre. M. do Siebold le nourrissait
pendant le trajet du .Japon à Java et de là en Europe, de poissons fluviátiles
emportés vivans de ces deux pa^s, dans des barils remplis d'eau douce; mais, ayant
consumé la provision de poissons dont M. de Siebold l'avait pourvu, il ne lui restait
plus rien à manger pendant les deux derniers mois du voyage, et il faisait des abstinences
pendant ce temps, sans que cela paraissait lui être nuisible. Nous le
nourrissons également de petits poissons, particulièrement du genre Cyprinus dont
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on conserve toujours un bon nombre dans le même réservoir qu'habite la Salamandre.
Gloutonne comme la plupart des reptiles, elle se nourrit aussi de Batraciens, et
n'épargne pas même sa propre espèce, ayant tué et dévoré une grande Salamandre
femelle, compagne de son voyage pendant le trajet du Japon en Europe. Elle avale
ordinairement une vingtaine de poissons de suite, faisant après des abstinences pendant
huit ou quinze jours. En prenant sa nourriture, elle s'approche lentement de
sa proie qu'elle saisit avec les dents en faisant vm mouvement latéral très véloce de
la tête; la tenant ordinairement pendant quelque temps dans la gueule, son second
mouvement est celui de l'avaler. Très souvent, pour s'en emparer, elle attend tranquillement
jusqu'à ce que le hazard fasse passer près d'elle les petits poissons qui,
ne se doutant point de la présence d'un ennemi aussi vorace, choisissent souvent
un lieu de refuge sous le ventre de la Salamandre même. Cet animal, rendant toujours
ses excrémens dans l'eau, il n'est guère possible d'en reconnaître la nature; il
faut cependant qu'elle ait les sucs de la digestion assez actifs, puisqu'on ne retrouve
jamais dans l'eau aucune trace des parties solides des poissons qu'elle a avalés, mais
seulement les lentes cristallines de l'oeil, ou quelquefois des parties des os de
Grenouilles. Il n'existe chez cette espèce aucune période fixe pour le changement
d'épiderme; il parait que cette tunique se renouvelle continuellement et à mesure que
la peau se dépouille de l'ancienne épiderme, qui se détache par lambeaux. Retiré de
l'eau, cet animal ne parait pas se trouver à l'aise: la peau devient sèche, et il suinte
des pores une liqueur fétide très tenace, quoique peu abondante. Il ne s'engourdit
point en hiver, vivant alors dans une chambre chauffée. Il parait également bien
supporter un froid rigoureux et les fortes chaleurs de l'été. Il est arrivé plusieurs
fois, que l'eau de la cuve oii il se trouve, s'est revêtue de glace pendant les nuits
excessivement froides du mois de Janvier 1838: cependant l'animal ne paraissait
pas le moins en souffrir. Il mange beaucoup moins en hiver qu'en été. La force
de réproduction est assez considérable dans cet animal; il est déjà arrivé plusieurs
fois, que les doigts ou la pointe de la queue s'étant usés ou se trouvant totalement
détruits par des accidens, ces parties se sont reproduites en peu de temps.
Les observations faites sur cette Salamandre vivante, semblent prouver que ce ne
peut avoir été d'un animal semblable, que sont provenues les célèbres impressions du
grès de Ilildbourghausen, comme il a été présumé selon l'une des nombreuses hypothèses
inventées pour expliquer l'origine de ces impressions. Notre Salamandre du
Japon ne saurait même marcher imparfaitement comme le font nos espèces d'Europe;
lorsqu'elle est à terre, elle traine péniblement sa lourde masse et ne laisse, en
cheminant sur un fond de sable humide, que des traces assez confuses qui sont
tout-à-fait méconnaissables. Le poids de cet individu adulte vivant est actuellement
de neuf kilogrammes.
La grande Salamandre du Japon présente des formes assez robustes. Les pieds de
devant portent quatre, ceux de derrière cinq doigts, qui sont peu développés, libres
et un peu calleux au bout; ou voit sous les plantes, ainsi que sous les palmes des
pieds, une petite callosité placée à la base du pouce. La queue qui occupe un tiers de
la longueur totale, est grosse à la base et assez comprimée vers l'extrémité, qui est
de forme lancéolée et un peu arrondie. Ce membre est excessivement haut, remplit
les fondions de rame et devient le principal agent de la locomotion; mais il est secondé
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