18
L E S B A L E m E S .
LA BALEINE DES MERS AUSTRALES . (BALAENA AHTARCIICA).
Pl. XXVI I I et XXIX.
La Baleine j dont nous publions la figure sur nos planches 28 et 29, est celle qui ,
fréquentant périodiquement les côtes du J a p on, fournit aux habitans de cet empi re,
nn objet de pêche d'autant plus précieux qu'on n'est pas obligé d'aller le chercher
dans des mers lointaines et au milieu des intempéries du climat glacial. Dans l'impossibilité
de rapporter en Europe la dépouille d'un animal aussi volumineux que l'est
la Ba leine, Mr. de Siebold eut l'heureuse idée de faire f a i r e , par un modeleur habile
et sous les yeux d'un capitaine baleinier expérimenté, un modèle en terre de porcelaine,
d'après un individu frais et adulte de cette Ba leine, et c'est d'après ce modèle que nos
figures ont été copiées. L e grand talent qu'ont les artistes japonai s , d'imiter, dans
leurs peintures et sculptures, toutes sortes d'animaux avec une jus tes se et un fini
d'exécution vraiment étonnans, la facilité qui se présente au Japon d'étudier les
Baleines que l'on apporte en ent ier , après les avoir harponnées, près des habitations
situées sur les bords de la me r : tout cela nous fait supposer, que le modèle de la
Baleine dont nous venons de parler doit être de la plus grand exactitude.
Un coup d'oeil jet é sur la figure de cette Baleine et sur celle de la Baleine franche,
(la meilleure est celle de Scoresby), sufBt pour faire remarquer qu'elles appartiennent
à deux espèces très-différentes l'une de l 'aut re; un examen plus rigoureux nous
a démontré que celle du Japon appartient à l'espèce des mers aus t rales , observée au
Cap par Delalande, et dont le squelette a été décrit par G. Cuvier, dans les Recher -
ches sur les ossemens fos s i les , sous le nom de Baleine du Cap.
Nous avons plusieurs raisons pour admettre cette assertion. C'est d'abord la coincidence
des caractères assignés à cette espèce par Delalande et Scoresby. L e dernier
voyageur nous apprend, A c c o u n t I I , p. 529, que la tête de cette espèce est toujours
teinte de blanc et recouverte de bernaches, caractères qui existent dans notre individu
du J apon, mais non pas dans la Baleine franche comme l'a déjà observé Scoresby.
Selon les communications faites à Mr. Desmoulins par Delalande, (Diet, class, d'hist.
na t . . Tome I I , p. 161) , la Baleine du Cap offre une tête plus déprimée que celle
des mers a r t iques , ses nageoires pectorales sont plus longues et se terminent plus
en pointe, les lobes de la queue sont séparés par une échancrure plus profonde, et
la couleur de l'animal est d'un noir uniforme. Nous retrouvons, dans notre individu
du J a p on, tous ces caractères à l'exception du dernier, qui nous parait trop peu
essentiel pour décider la question difficile de l'identité ou de la diversité de deux
espèces d'animaux sujet s , comme l'a démontré Scoresby, à varier infiniment sous le
rapport de la distribution des teintes; aussi se peut - i l , que Desmoulins ait en partie
dressé sa description sur l'individu nouveau né , figuré dans le même ovrage Pl. 140,
fig. 3. Nous trouvons pour démontrer que notre individu du Japon appartient ii la
Baleine des mers aus t rales , une autre preuve, plus forte que les précédentes, dans la
conformation de la tête de cette espèce, qui diffère sous beaucoup de rapports de
celle de la Baleine des mers arct iques , uotamment par sa grande largeur à la région
des yeux, par un museau plus gros , et avant tout , parceque le bord de la mâ-
19
choire supérieure se courbe, vers les yeux, fortement en bas et en dehors. Or , en
comparant le crâne des deux espèces connues de Baleines O, on verra que ces caractères
conviennent en tout point au crdne de la Baleine des mers aus t rales , et que
ce sont ces caractères mêmes , tirés de la conformation du crâne, qui servent à distinguer
cette espèce de la Baleine des mers arctiques. L e fait enfin, que plusieurs
animaux, habitans de l'hémisphère aus t ral , s'avancent jusque sur les côtes du .Japon,
ne contribue pas moins que les preuves alléguées ci-dessus, à corroborer l'asser
t ion, que la Baleine dont nous avons donné la figure, doit être considérée comme
appartenant à l'espèce appelée a u s t r a l e ou a n t a r c t i q u e P).
Le s caractères ostéologiques de cette espèce ont été très-bien exposés par G. Cuvier
ainsi que nous l'avons pu vérifier sur le squelette et le crâne d'un très-vieux
suj e t , envoyés tous les deux du Cap de Bonne Espérance au Musée des Pays -Bas .
Nous y ajouterons les caractères extérieurs, tirés de notre modèle du J a p on, et trèsincomplètement
connus jusqu' à présent par les indications de Scoresby et de Delalande.
Quant à la figure de cette espèce, fournie par Delalande, elle représente un
individu nouveau n é , et parait avoir été faite à la hâ t e ; aussi la tête offre-t-elle une
forme tellement bizarre dans ce des s in, que nous le regardons, avec Mr. Fr. Cuvier,
Cétacés p. 391, comme peu fidèle et trop grossier pour offrir quelque intérêt scientifique.
L a Baleine des mers australes ne parait pas atteindre une taille aussi considérable que
la Baleine des mers arctiques. Scoresby lui donne seulement 35 à 40 pieds de longueur
totale; mais notre grand crâne, portant treize pieds en longueur, doit provenir
d'un individu long de plus de cinquante pieds , si toutefois les proportions entre
la tête et les autres parties du corps restent les mêmes, que dans l'âge moyen. Dans
notre squelet te, qui est long en tout de 31 pieds , le crâne en occupe sept pieds et
demi; dans le dessin, la tête, mesurée depuis les yeux, occupe environ le quart de
la longueur totale. Ces mesures, comparées à celles que Scoresby a fournies de six
individus de la Baleine arctique prouvent que dans cette espèce, la tête e s t , proportions
gardées , plus volumineuse que dans la Baleine antarctique. Selon Scoresby,
la longueur relative de la tête et du corps de la Baleine arctique est cependant
sujette à var ier , de sorte que dans les uns , la tête occupe de la longueur
totale, dans d'autres à peine ce qui fait comme terme moyen à peu près
un troisième. Ce chiffre pourra par conséquent servir à exprimer la longueur comparative
de la tête de la Baleine des mers a rc t iques ; et ce serai t , selon nos observat
ions , celui d'un qua r t , qui indiquerait cette proportion dans la Baleine des mers
antarctiques. «
L a configuration de la tête de cette espèce est très-différente de celle de la Ba -
leine artique. Son diamèt re, pris de l'un à l'autre oeil, est beaucoup plus considérable.
Le museau est plus large et plus g ro s , particulièrement à l'extrémité, et
il exi s te, en dessus, au tiers antérieur de sa longueur, une forte proéminence,
(1) Voiv Cuvier , Oss. ios s . , T. V, Pl. 25.
(2) Peut -ôl rc faut-il cgnlemeiu rapporter à cette espèce le pliysahis du Kamt s cha tka , décr i t par Kargïn a p.
Pa l l a s , Zoogr. , I , p. 2 9 0 , et le mcdòle N°. fi de Mr. de Ohamisso.
(3) La longueur de In l i t e , comparée A la longueur totale de l 'animal , était dans ces six indiyidus en
raison de 6 à 1 7 , de 8 i à 2 8 , de 16 à 5 1 , de 15 à 5 0 , de 19 i 5 8 , de 20 i 5 2 . Notez cfue les n u -
méros expriment des pieds anglais.
â - i à r i i ;