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et leur agilité les plus sûrs moyens de conservation. Ces qualités ne se trouvent
point réunies chez les serpens venimeux proprement dits, qui sont d'un naturel timide
et farouche, mais plus inintelligens et moins agiles que les autres Ophidiens.
Leur engourdissement léthargique, quand ils sont couchés au soleil ou à l'ombre,
les rend d'autant plus dangereux, qu'on les heurte avant d'en être aperçu. Il en
est de même du Firakoutsi venimeux, avec lequel je me suis deux fois trouvé face à
face, au moment ou j e m'y attendais le moins. Je manquai de l'écraser la première
fois, en sautant d'une terrasse; et la seconde il se présenta à mes yeux pendant que
j e me baissais pour ceuillir une fleur. Heureusement la présence de ce dangereux
reptile est une exception au Japon.
Passons aux Batraciens, ces animaux innoccns et craintifs, qui se cachent dans les
roseaux des eaux stagnantes, sous la terre et les rochers, dans les coins humides des
bois épais, et qui peuplent ces lieux depuis le niveau de la mer jusqu'à une hauteur
de 6,000 pieds. Les noms systématiques que portent les Batraciens anoures de
notre Faune rappellent les espèces européennes, dont les moeurs sont généralement
connues; mais les premiers diffèrent de leurs frères d'Europe par leur extérieur et
leurs habitudes, autant que les Japonais diffèrent des Européens, Ces Batraciens,
considérés comme habitans de cet archipel, ont un caractère également particulier,
et, s'il est permis de s'exprimer ainsi, ils y vivent à la Japonaise.
La Grenouille commune se plait dans des lieux bas et humides, tels que les
champs de riz inondés et d'autres plantations de végétaux aquatiques; la Grenouille
r o u s s e cherche un asile dans les montagnes, sous l'ombrage des bambous soufroutescens
et sous les hautes herbes; et la Grenouille ridée, qui ressemble plutôt au
crapaud, choisit, corame notre Bombinateur , les étangs et les mares. Pendant la
journée, elle sort la téte de Teau; toute la nuit, et même dans les chaudes soirées
d'été, elle fait résonner l'air de son chant mélancolique. Ces grenouilles se trouvent
en grande quantité au Japon; et on a remarqué dans les deux premières espèces des
émigrations par bandes larges de soixante dix pieds, qui prenaient leur direction
vers le sud.
La Rainet t e commune d'Europe se rencontre aussi au Japon mais elle y est de
nuance et de grandeur différentes. Ces variétés sont fort remarquables, et je n'ose
pas encore affirmer, que ces dissemblances tiennent au climat ou à l'âge des individus,
car les observations que j'ai été à même de faire, n'ont pu me conduire à constater
chez les mêmes sujets les changemens tels qu'on voit dans la Tab. III, fig. 5 et 6.
Les Japonais distinguent des espèces différentes, et ils prétendent que la belle variété
marbrée vit de préférence sur les sapins et autres conifères. La Rainet t e commune
du Japon a cependant les mêmes habitudes que la nôtre lorsqu'elle est cachée
sous les feuilles d'arbres, elle découvre sa retraite, par le son aigu de sa voix.
Je n'ai rien à dire sur la Rainet t e de Bürger; car ni moi ni mes amis japonais
n'avons eu l'occasion de l'étudier.
Le Crapaud de ces contrées éloignées ressemble tellement i notre Crapaud
commun, que quoique M. Boie l'ait décrit comme une espèce nouvelle (Bufo
praetextatus), nous le regardons comme une variété du climat ou comme uu individu
de la race de l'espèce, qu'on voit en Europe. Ses habitudes et ses moeurs sont ii
peu près les mêmes, et ces Batraciens généralement répandus dans l'empire japonais,
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se tiennent ordinairement à l'entour des habitations, dans les jardins, dans les masures
et les fentes qui existent dans les constructions Cyclopéenes qu'on retrouve iiu
Japon. A l'époque du frai ils se retirent dans les étangs et dans les mares. Les
maisons et les temples au Japon, élevés sur pilotis au dessus du niveau du sol, servent
d'asile aux crapauds, aux serpens et quelques espèces des crabes (des Grapses);
et comme ccs animaux ne sont pas nuisibles à l'homme, on les tolère et ils jouissent
en quelque sorte du privilège de la domesticité, mais entre eux ils vivent en
ïuerre et se détruisent l o es uns et les autres.
Ce sont les Batraciens, que le voyageur rencontre à chaque pas sur le sol japonais,
ils fréquentent les lieux habités et peuplent les fertiles vallées, d'où une culture
millénaire il banni les oiseaux et les autres animaux sauvages. Fuyant la lumière
et les lieux habités, la famille des Batraciens à queue généralement désignée par le
nom de Salamandre, se retire dans les eombres des montagnes riches en sources et
en ombrage. L'existence de différentes espèces de Salamandre au Japon, est d'une
haute importance pour l'étude de la distribution géographique de ces reptiles, auxquels
on a assigné jusqu'iV ce jour l'Europe et l'Amérique du Nord pour pati-ie; mais
ce qui est plus important encore c'est la découverte d'une espèce de Salamandre, qui
par sa taille extraordinaire et sa forme spécifique, rappelle une création antédéluvienne,
cette Salamandre le Géant des Batriciens est le représentant d'une race appartenant
k cette longue période de notre globe qui sépare les formations houillères
des terrains tertiaires, et qui vit apparaître aux milieu de mers des reptiles gigantesque
et d'organisations bizarres. Je veut parler de Vliomo dilumi iestis, la célèbre
S a l a m a n d r e fossile des carrières d'Oeningen qui depuis Scheuchzer jusqu'cV Cuvier
dont les écrits ont jété une si vive lumière sur le monde primitif, a été l'objet des
spéculations des naturalistes.
Notre grande Salamandre (Salamandra maxima) vit dans les profondes vallées
des hautes montagnes de Nippon entre le 34° et 36" de lat. N.; elle séjourne dans les
ruisseaux, dans les bassins et dans les lacs formés par les eaux pluviales au milieu
des cratères des Volcans éteints à une hauteur de 4 à 5000 pieds au dessus du niveau
de la mer. Quelquefois elle quitte pendant la nuit les eaux qui lui servent
d'asile; mais son organisation et ses habitudes la rappellent bientôt dans cet élément,
ou elle trouve plus facilement que sur terre, une nourriture qui consiste on petits
poissons, en grenouilles et en vers. C'est à Sakanost'a petit village situé aux pieds
du mont Souzougayama à 15 Ili environ à l'est de Miyako, que j'observai pour la
première fois cette Salamandre. Un de mes disciples, le Docteur TstÔAN, avait chargé
un herboriste qui habite cette montagne de faire la recherche de ce rare et curieux
animal. D'après les renseignements des montagnards le San siô ouivo — c'est le nom
indigène vulgaire de la grande Salamandre — se trouve le plus souvent dans les
montagnes d'Okoude yama. J'ai eu le bonheur d'en rapporter une vivante en Europe.
Elle existe encore au Musée des Pays-Bas, ou elle a atteint une longueur d'environ
trois pieds, taille extraordinaire que je n'ai jamais observée même au Japon. Cet individu
a été depuis plusieurs années l'objet des observations de M. Schlegel, qui en
a donué nue description complète sous tous les rapports.
Parmi les autres Salamandres du Japon ou en trouve deux qui se rapprochent par
leur forme et leurs habitudes des Salamandres terrestres; c'est la Sala