On voit par ce tableau, que les espèces de reptiles observées dans les îles japonaises
et dans les mers environnantes, sont au nombre de vingt-neuf, dont vingt deux vivent
sur terre ferme et dans l'eau douce, et dont sept habitent la mer.
Les mers intertropicales sont le séjour ordinaire des Cbéloniens proprement dits
et des Serpens de mer dont il est question dans cet ouvrage. Les ims et les autres
ne se montrent sur les côtes du Japon que pendant les chaleurs, et, selon les
pêcheurs, on les voit le plus souvent dans la mer qui baigne au Sud et il l'Ouest le
littoral de Sikok. Je doute même qu'ils se trouvent sous une latitude plus septentrionale
que le 34^ au nord de l'équateur. Les serpens de mer et la plupart des
Chéloniens proprement dits, comme les autres animaux de passage, reculent ouressèrent
les bornes de leurs empire, selon que la température s'élève ou s'abaisse. L'hiver ils:
disparaissent des mers qui s'étendent sous les zones tempérées. Dans les iles de Mounin,
sous le 27" de lat. septent. qui, par leur végétation de palmiers et de fougères arborescentes,
se rapprochent des pays des tropiques, on voit déjà les tortues, hors celles
qui demeurent isolement dans la mer, quitter vers la fin d'Octobre les anses qu'elles
ont couvertes depuis le mois de mars. L'instinct de la propagation pousse surtout
les Chéloniens à faire de longs voj'ages; et il arrive fréquemment alors que les vents
et les courans les jettent sur la côte. C'est à la même cause que je crois devoir
attribuer l'apparition de la Luth, qu'on rencontre très-rarement sur le littoral du
Japon. (') Les serpens de mer aussi sont exposés à de pareils dangers. Sur la côte de
Satsouma, sous le de lat. sept., on a reconnu parmi des varees restés sur le rivage
à la suite d'un ouragan, un Hydrophis pélamide^ qui vivait encore, P) et je ne
sache pas que ce serpent ait jamais été rencontré en pleine mer au-delà du 27° de lat. sept.
Rigoureusement, ces hôtes rares et passagers des mers du Japon ne font point partie
de la Faune de cet archipel; et si nous les y avons compris, c'est que nous désirions
étendre par quelques données nouvelles la sphère de leur distribution géographique.
D'un autre côté, ces animaux eux mêmes étaient trop remarquables, pour que nous
pussions négliger l'occasion d'enrichir leur histoire d'une description exacte et de
plusieurs observations qui ne seront point lues sans intérêt. Aussi mes collaborateurs
n'ont ils eu en vue que l'intérêt de la science, lorsque, au lieu de se borner à décrire
les Chéloniens peu nombreux de la Faune du Japon, ils ont rédigé une
monographie de cet ordre de reptiles. Ils ont ajouté, dans le même but, un essai
synoptique sur les Salamandres connues de l'Europe et de l'Amérique septentrionale,
accompagné de quelques considérations générales sur les Protées, animaux très curieux
qui rappellent par leur organisation, ou par leur formes hétérogènes, tantôt
les têtards des Salamandres, tantôt les poissons du genre anguille.
Il restait à exécuter un travail, dont le besoin se faisait impérieusement sentir.
Il s'agissait de soumettre à une critique approfondie les différentes familles dont nous
(1) Pendant mon séjour diins cet empire je n'ai TU que deux de ces Chéloniens.
(2) Je dois ajouter que c'était l'IIydropii is de deux teintes uniiorines, gcncralemeiil connu sous le iioiu do
Pel amy s bicolor. L;i belle Tariélé que nous avon.s représentée dans la planche avec des taches et des bandes noires
sur un fond jaune, me parait appartenir exclusivement aux mers intertropicales et môme aux mers équatoriales.
Pendant mon voyaj^e de Java au Japon, je l'ai observée sous le 1" 29" de lat. sept., et j'ai vu des échantillons de
celle espèce qui ont été pris sur la còle occideniale de Bornéo et de Célébès.
IX
venons de parler; de détruir la confusion qui provient des synonimes; de rejeter des
espèces souvent purement nominales ou formant double emploie, et d'assigner à des
espèces déjà connues ou encore nouvelles la place qu'elles doivent occuper dans les
méthodes. Ce problème difficile ne pouvait être résolu que par le concours des circonstances
les plus favorables. La multitude d'individus de la même espèce, mais de
patrie, d'habitation et d'âge différens, qui ont été examinés et compai'és au Musée
des Pays-Bas; les renseignemens pleins d'intérêt et de nouveauté fournis cet établissement
par des voyageurs hollandais ou étrangers; ses rapports avec les principaux
musées publics et particuliers de l'Europe, et les relations de mes collaborateurs avec
les naturalistes les plus distingués de notre époque, <•) toutes ces ressources contrit
huèrent ¿1 perfectionner la monographie des Chéloniens, et permirent de joindre à la
Faune une revue du genre Salamandre, qui en rehausse considérablement la
valeur.
Il est temps de retourner aux reptiles existant sur le sol japonais, soit qu'ils lui
appartiennent exclusivement, ou qu'ils lui soient communs avec d'autres régions de
l'ancien et du nouveau monde.
Dans un Essai sur la distribution géographique des Ophidiens, qui termine son Essai
sur la physionomie des serpens, M. Schlegel détaille les faits remarquables que lui
ont fournis les riches collections zoologiques formées au Japon par M. Bürger et par
moi, et il en tire des argumens en faveur de sa doctrine, qu'il expose eu ces termes ;
»L'étude des animaux du Japon offre les plus beaux résultats pour justifier ma
»manière de voir, savoir de rapprocher les animaux qui, étant modelés sur le même
» type, se représentent mutuellement dans les diverses contrées du globe, et de les
»comprendre sous un même nom spécifique, admettant, comme subdivision, des
«variétés locales ou de climat."!-)
Cette opinion, que je partage entièrement, nous a décidés à n'employer, dans la
détermination des espèces des animaux vertébrés en général et des reptiles en particulier,
que les noms systématiques des espèces déjà connues, lorsque nous pouvions
y retrouver le type primitif des individus dont j'avais fait la découverte au Japon.
C'est de ce point de vue qu'il faut considérer les combinaisons de M. Schlegel à
l'égard de la distribution géographique des reptiles japonais:
» Les reptiles de cette contrée donnent lieu à une observation assez remarquable, en ce
»que les Sauriens et les Ophidiens appartiennent sans exception à des espèces
»qui ne se trouvent point en Europe; taudis qu'on observe parmi les deux autres
»ordres de reptiles des races analogues de la même espèce dans ces deux contrées:
»telles sont nos deux grenouilles et la rainette (Rana esculenta, temporaria et ffyla
n arborea) qui sont exactement les mêmes au Japon; puis notre tortue vulgaire (Emys
vulgaris) connue aussi sous le nom A'Emys caspica ei luia.ria, qui forme, au Japon,
»une variété locale constante; le crapaud du Japon enfin, quoique très voisin du nôtre
»pour l'ensemble des formes et des teintes, s'en éloigne cependant par plusieurs points
»de son organisation. Les serpens du Japon se réduisent, à l'exception des Hydrophis,
»i\ trois espèces du genre couleuvre, ii deux Tropidonotes et à un Trigonoeéphale.
(1) Voir l'Essai sur la physionomie des serpens, partie générale paj. XVII—XXVII.
(2) Voir l'Essai sur la physionomie des serpens, partie (jénérale pa<;. 222.