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daiis son filet un Spliargls, ne pouvait se lasser de mo parler de la merveilleuse agilité
de cet animal, et de la force qu'il avait déployée en se débattant. La Tortue
iranclie peut vivre encore longtemps sur le rivage; mais ce n'est plus alors qu'ime
lourde masse d'écaillés. La terre n'est pas son élément.
Aucun des Chélouiens proprement dits ne reste stationnaire dans les mers du Japon.
Ces reptiles ne viennent pondre que sur le bord des lies inhabitées, et l'on y trouve
souvent leurs oeufs sous les racines- des arbres. Le cabotage animé et la quantité
innombrable de peclieurs qui côtoient les autres lies, ont eflaroucbé les Cbéloniens,
qui évitent des lieux où ils ne peuvent espérer de repos. S'il n'en était
ainsi, on aurait peine à comprendre que, pendant un séjour de plus d'un mois dans
le bras de mer parsemé d'ilots qui sépare Nippon de Sikok, je n'aie pas aperçu
une seule tortue.
Au commencement de l'été, les lits rocailleux des torrens guéables cachent souvent des
troupes nombreuses de petites tortues, à longue queue et d'un brun foncé. Elles traversent
en rampant les espaces desséchés, pour se rendre d'un filet d'eau à un autre; puis ellfis
se tapissent sous les pierres. Lorsqu'elles grandissent, on les voit errer çà et là sur
terre; mais dans leur vieillesse, ordinairement solitaire, elles peuvent vivre hors de
l'eau pendant des mois entiers. Ces tortues très communes au Japon et existant aussi,
à ce qu'on prétend', à Jezo et à Korai, sont de l'espèce de l'Emyde vulgaire,
variété qui présente une ressemblance presque complète avec celle d'Europe. Les
contrées plus chaudes, comme Kiousiou, Sikok et les provinces du sud-est de l'ile de
Nippon, sont le séjour d'une autre tortue d'eau douce, notre Trionyx étoilé, qui
habite constamment les fleuves et les ruisseaux, comme toutes les autres espèces du
même genre. Le Trionyx se nourrit de petits poissons et de vermisseaux; il est très
vorace et se laisse facilement prendre à l'hameçon, quand l'eau n'est pas trop limpide.
Il me paraît douteux que cette tortue réside dans le nord du Japon.
A l'instar de nos lézards verts, on rencontre dans les pays montagneux, sur des terrains
pierreux exposés au soleil, tels que les collines et les lisières des bois, le Tokagué, ou
S c i n q u e à cinq raies, qui aime la chaleur et qu'on surprend quelquefois se chauffant
aux rayons du soleil. De Novembre à AVTH, il se retire dans les creux des arbres,
sous des pierres ou sous des racines. Ses petits se montrent en Juin et en Juillet;
et quand, dans leur marche ondoyante, leur robe pompeuse réfléchit les feux du soleil,
ils brillent d'un éclat non moins vif que celui du diamant.
Ce Saurien se trouve aussi à Jezo, suivant Mogami Tok'nai, auteur digne de foi,
qui en cite deux variétés dans sa description des produits de celte ile. J'ai observé
plus rarement le Lézard tachydromoïde, dont les moeurs, du reste, sont les
mêmes que celles de notre lézard vulgaire.
Les Japonais ont donné à un petit Gecko le surnom assez heureux de Yamori,
c'est-à-dire Gardien de maisons, parceque ce doux et charmant animal s'établit
ordinairement dans les corridors et les vestibules. Qiiand il prend la fuite, ou quand
il fait la chasse aux moucherons et à d'autres insectes, il marche avec une extrême
légéreté sur les murs ou sur la boiserie des plafonds. Il se cache le jour entre les
fentes dos murailles et des solives, et ne sort que le soir pour chercher sa proie;
c'est alors qu'il fait entendre quelques sons glapissans. Il faut un climat plus chaud
que celui du Japon au Ya ori, qui est rare dans cet empire; et je suis porté à
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croire qu'il y a été introduit par mer des pays du midi, aussi bien que le Sorex
m o s c h c a t u s , la Blatte et tant d'autres.
Nous avons vu jusqu'à quel point les serpens de mer ont droit de bourgeoisie au
Japon. En me rendant de Java à Dezima, j'eus l'occasion d'observer des individus
de plusieurs espèces. Les Ilydrophis pélamides se montraient en grande quantité
pendant le calme: souvent ils demeuraient immobiles sur les flots; puis on les voyait
tendre la tête, remuer la queue, nager pendant quelques minutes à fleur d'eau avec
mille ondidations, et disparaître dans la profondeur de la mer, pour se montrer
bientôt un peu plus loin.
Les mers des tropiques sont cependant la patrie des Ilydrophis pélamides. L'Ilyd
r o p h i s couleuvrin et l'IIydrophis pélamidoïde apparaissent plus vers le nord,
et l'IIydrophis strié étend son domaine jusqu'aux côtes du Japon, oii il passe
même l'hiver, s'il faut en croire im écrivain de ce pays, qui raconte qu'à l'approche
des premiers froids les serpens de mer se retirent par troupes dans les cavernes du rivage.
Les serpens qui vivent sur terre se fixent instinctivement là oii, indépendamment
des conditions physiques nécessaires à leur existence, ils peuvent le mieux trouver
leur nourriture, échapper aux poursuites, et perpétuer leur race. Les couleuvres
du Japon séjournent souvent dans des lieux fréquentés par l'homme et quelquefois à
peu de distance de sa demeure. Les paysans, qui ne tuent jamais d'animaux sans
répugnance, les épargnent, sachant qu'elles ne peuvent leur nuire; et la mansuétude
qui les distingue parait être née de cette bonne intelligence entre elles et les hommes,
dont le contact a adouci leurs moeurs. Et eu effet, la Couleuvre quatre-bandes
est un animal fort utile, car elle se niche dans le chaume des toits et sous le plancher
des chambres, ou elle détruit les rats et toute sorte de vermine. Les deux
autres Couleuvres, qui sont plus rares, évitent les lieux habités et se tieunent dans
les montagnes, mais sans beaucoup s'éloigner des champs. L'une d'elles, la Coul
e u v r e à lunettes, occupe de préférence le bord des ruisseaux qui arrosent les plaines
fertiles, et l'autre, la Couleuvre quatre-bandes, s'établit sous les haies et
les broussailles, qui, dans les provinces montagneuses, entourent les champs et les
routes. Toutes les deux vivent de petits oiseaux et d'insectes. Un auteur indigène
qui, en décrivant le Serpent-corbeau (la Couleuvre quatre-bandes), laisse un libre
cours à son imagination, ne fait manger à ce reptile aucun corps animé et lui fait
boire la rosée des fleurs. On voit qu'au sens de ce savant il existerait des serpens
dont l'estomac ne refuse pas les liquides.
Les Tropidonotes en général aiment les marécages et le voisinage de l'eau;
notre Tropidonote Vibakari cherche l'ombre et l'humidité; le Tropidonote
p a n t h è r e habite le bord des étangs et des ruisseaux, et visite souvent les champs
de riz inondés, où les grenouilles, les insectes et les mollusques lui fournissent une
abondante îiourriture. Néanmoins l'eau n'est pas sa demeure habituelle; et ces
serpens dits d'eau douce ne nagent que pour atteindre leur proie ou pour fuir
leurs ennemis. Ce sont là tous les serpens terrestres non venimeux. Je n'en connais
au .lapon qu'un seul qui soit venimeux; c'est le Trigonocéphale de Blomhoff;
car tout ce que Kaempfer et les naturalistes japonais et chinois ont dit sur le Vibak
a r i , s'applique, comme nous le montrerons plus tard, au Fi rakoutsi ou Trigon
o c é p h a l e . Les bêtes féroces et nuisibles possèdent dans leur astuce, leur timidité