
nous couchâmes sur le gazon frais, et
nous y achevâmes notre repas, interrompu
par l'aventure du thermomètre, en y
ajoutant pour dessert les fraises que nou$
avions sous la main.
Puis, en considérant ce lieu de verdure,
ce bois solitaire, l’heure de m id i, le si-
lence qui règnoit autour de nous, en nous
voyant ainsi couchés sur l’herbe avec notre
écuyer , tandis que nos chevaux paissoient
paisiblement à quelques pas de là, mon
imagination s’échauffa j et dans une espèce
de délire, il me sembloit à chaque ins-
tant que nous allions voir paroître sur la
scène, Renaud, ou Marfise ou Mandricard ,
ou bien Angélique fugitive, ou tels autres
héros ou héroïnes de romanciers. En
effet , je n’ai jamais rencontré dans ma
vie un lieu plus romanesque, et plus res-
semblant aux bois enchantés de l’Arioste 3
que cette prairie et le bois qui l’entouroit,
sur-tout à l’heure oh nous nous y trouvions.
Cependant, après avoir repris le chemin
qui descend à Sd Flora, le désir de voir
des lieux nouveaux , et sur-tout la soif
nous conduisirent à une source d’eau excellente
qui se trouve dans une vallée entre
ces montagnes appelées dans le pays la
fonte delle Monache , (la fontaine des Religieuses.
) Après avoir encore descendu jusqu’à
la région des châtaigniers, nous prîmes
un peu à main droite pour visiter la
valle dello Sprofondato. Cette vallee fort
belle, fort longue , est couverte d’herbe et
plantée de gros châtaigniers : elle est bordée
dans toute sa longueur, d’un côté par les
penchans de la montagne, et de l’autre,
par une chaîne de rochers de peperino,
11 y arrive des montagnes supérieures une
grande quantité d’eau , qui , après s’être
réunie du côté où sont les rochers, se
précipite sous terre et disparoît totalement.
C ’est ce qui a fait donner à cette vallée
Fépitèthe de sprofondato (défoncée).
Après avoir parcouru cette vallée avec
beaucoup d’attention, comme il nous
restoit encore deux heures de jour, nous
retournâmes en arrière par le chemin qui
Conduit de ( Ga$tel del piano à S ,a Flora r