
la place que je remplis $ jamais je n’auroîs
pu me condamner à passer au fond de
mon cabinet le temps des yacances de
l’Université à laquelle je suis attaché. J’ai
donc aussi voyagé $ mais mes voyages,
destinés à acquérir une parfaite cônnois-
sance des productions de ma patrie et à
en faire en même temps une ample collection
, ne s’étendent pas au-delà de la
Toscane.
Je sais très-bien qu’on ne fait pas com^
munément grand cas de ceux qui , sans
sortir de leur pays, ne s’occupent qu’à en
faire connoïtre les productions et à en dér
veiopper les avantages , tandis que l’on
admiré et que l’on envie même le sort
de ceux qui vont promener leur curiosité ,
et souvent leur insuffisance dans des régions
plus éloignées.
Je sais que pour plaire au vulgaire, il ne
suffit pas de faire des narrations simples et
üdeiles; qu’au contraire,il lui faut présenter
des choses merveilleuses,des tempêtes épouvantables,’
des naufrages sur des côtes incon-
nues et désertes : il faut que des hommes
à longue queue , des géans, des pigmées,
des cannibales qui tiennent des boucheries
de chair humaine, de grands singes qui
enlèvent des files , les entretiennent de$
ftnnées entières dans les bois, et leur prodiguent
des caresses excessives, embellissent
les relations j il faut peindre des élé-
phans qui vont seuls au marché acheter la
provision de leur maître, des hippopotames
qui d’un coup de dent renversent
des barques chargées d’hommes, des crocodiles
dociles à la voix de l’enfant monté
sur leurs dos, des baleines si grandes et
tellement couvertes de plantes et d’animaux
, qu’on les prend pour des ifles
flottantes ; mille autres contes semblables,
servent à amuser la curiosité stupide du
commun des hommes.
Je conviens que, dans l’espèce d’énumération
que je vais faire des productions de
la Toscane , je ne pourrai citer aucune
mine d’o r , ni de diamans, ni d’autres matières
rares et précieuses, parce qu’elles
ne s’y trouvent pas. Les personnes peu
instruites , qu’ennuieroit la lecture de mon
liv re , pourront le rejeter , le mépriser, et
n’y attacher aucune espèce de valeur,
ce n’est pas leur suffrage que j’ambitionne.
Mon zèle pour ma profession, l’amour de
ma patrie, l’espoir de m’occuper utilement
et d’être approuvé par les gens sensés y voilà
les vues que je me suis proposées , et
seule récompense que je désire.