pour apprécier ensuite en quelle mesure elles coïncident
avec les caractères anthropologiques.
S’il était vrai qu’un Australien puisse être rendu
l’égal d’un Européen ; s’il était vrai que l’Australien
ne cultive pas son sol uniquement parce que le sol
de sa patrie est ingrat et stérile et qu’il lui manque
les végétaux propres à être cultivés ; s’il était vrai
que l’Australien ne se livre à presque aucune industrie,
parce qu’il est asservi aux usages de sa nation,
évidemment l’anthropologie devrait cesser d’attacher
une importance sérieuse à la forme du crâne et aux
autres caractères. Qu’importerait que les os maxil-
liares soient plus ou moins développés, le coronal plus
ou moins déprimé, l’occipital plus ou moins allongé,
la masse cérébrale plus ou moins volumineuse, s’il
ne devait en résulter aucun changement sérieux dans
la nature de l’homme. Alais il n ’en est pas ainsi,
l’Australien apprend à lire et à écrire aussi facilement
qu’un Européen, bien , voilà qui est admis , on parvient
à donner ce commencement d’instruction à
l’homme le plus b ru te , acquiert-il pour cela des idées
propres? cela commence à devenir autre chose. Si les
Européens, comme nous l’ayons déjà fait remarquer,
n ’ont pas mieux réussi à civiliser les Polynésiens,
tels que les naturels des îles Marquises, des îles de
la Société, des îles Sandwich, ils ont bien moins
réussi encore près des Australiens.
«Une différence frappante, dit M. P ic k e r in g ',
‘ The races o f iiian , p. 141.
» entre les Australiens et les Américains aborigènes
» et peut-être tous les autres peuples connus, se voit
» dans le rejet absolu par ces tribus sauvages de
» toute innovation. Les coutumes et les articles
» de manufactures européens n’ont pas fait le plus
» léger progrès parmi elles ; les relations commer-
» ciales continuent de leur rester totalement in-
» connues. »
Les efforts des Européens amènent chez les naturels
de l’Amérique, des relations et un progrès qui
dénotent une lueur de civilisation. Chez les Polynésiens,
sans doute, inférieurs aux Américains, ces
efforts ont encore un léger succès. Chez les Australiens,
que leurs caractères anthropologiques nous
montrent comme inférieurs aux précédents, tous les
efforts imaginables ne conduisent à aucun résultat.
De tels faits ne prouvent-ils pas qu’on ne fera jamais
des Australiens et des Papous des nations civilisées,
que ces peuples n ’imiteront jamais les exemples qui
leur sont fournis par les Européens. Les choses les
plus remarquables, le genre de vie le plus préférable
au leur, tous les avantages possibles sur eux ne paraissent
éveiller dans leur esprit aucune idée d’amélioration
, idée pourtant que nous voyons apparaître
fréquemmient chez des hommes d’une intelligence
des plus médiocres.
Tout ceci nous prouve qu’il est nécessaire dans
tous les cas de peser la valeur des remarques des
voyageurs, lorsqu’elles tiennent à des impressions
produites par quelques faits isolés.