tableau, il a le devant de chaque mâchoire garni de
dents petites, pointues, un peu recourbées , serrées
lune contre l’autre ; et derrière ces sortes d’incisives,
l’on voit plusieurs rangées de dents bien plus petites,
plus courtes , plus serrées, et émoussées. La langue
est lisse ; les jeux sont gros ; la nuque est large et
arrondie; chaque opercule composé de deux pièces;
la couleur générale d’un rouge mêlé de jaune; le
ventre argenté ; la teinte des nageoires rougeâtre ;
chaque côté du poisson rajé longitudinalement de
jaune; et la base de chaque pectorale marquée d’une
tache noire, ainsi que le voisinage de chaque opercule.
Le pagre remonte dans les rivières; et Elien raconte
que, de son temps, l’apparition de cet osseux dans le
Nil causoit une joie générale parmi la multitude ,
parce, que l’arrivée de ce spare ne précédoit que de
peu de jours le débordement du fleuve.
Ainsi que dans beaucoup d’autres circonstances-,
ce qui d’abord n’avoit paru qu’un signe agréable,
avoit été métamorphosé ensuite en une cause utile:
on étoit allé jusqu’à attribuer l’heureux événement de
l’inondation fécondante à la présence du poisson ; et
bien loin de le poursuivre pour s’en nourrir, on l’avoit
placé parmi les animaux sacrés , et on lui rendoit les
honneurs divins.
La chair du pagre est moins délicate pendant la
saison où il vit dans les eaux douces des fleuves, que
pendant le temps qu’il passe au milieu des flots salés
de la Méditerranée- ou de l’Océan. Cette différence
doit venir de la plus grande difficulté qu’il éprouve
pour se procurer dans les rivières l’aliment qui lui
convient le mieux. Il paroît préférer, en effet, des
crustacées , des animaux a coquille, et le frai des
sèches ou d’autres sépies que l’on ne rencontre point
dans l’eau douce. Quoi qu’il énsoit, il abandonne les
rivières et les fleuves , lorsque l’hiver approche; il
se retire alors dans la haute mer, et s j enfonce dans
des profondeurs où la température de l’atmosphère
n’exerce presque aucune influence. Pline peusoit que
si quelque obstacle empêchoit le pagre d’user de ce
mojen de se soustraire à la rigueur de l’hiver, et le
laissait exposé à l’action d’un très-grand froid , ce
sparè'perdoit bientôt la vue. En rappelant ce que nous
avons dit dans plusieurs endroits de cette Histoire, et
notamment dans l’article du scombre maquereau , 011
verra aisément qu’un aflbiblissement dans l’orgàne delà
vue , et une sorte de cécité passagère , doivent être
comptés parmi les principaux et les premiers effets de
l’engourdissement des poissons, produit par un froid
très-intense ou très-long.
Willughbj, qui a observé le pagre sur la côte de
Gênes, paroît être le premier qui ait remarqué dans
cet animal cette qualité phosphorique, commune à
un grand nombre de poissons vivans, sur-tout dans-
les contrées chaudes ou tempérées, et par une suite