moins il j avoit beaucoup plus de poissons qu’aujour-
d’hu i, parce que toutes les divisions opérées par la
mer dans les terres augmentoient nécessairement le
nombre des rivages propres à recevoir les germes de
leur reproductipn.
Mais remontons plus avant dans le cours du temps.
Crojons pour un moment avec plusieurs géologues,
que , dans les premiers âges de notre planète, le globe
a été entièrement recouvert par les eaux de l’océan.
Alors les oiseaux n’existoient pas encore.
Alors aucune partie de la surface de notre planète
ne présentoit de l’eau douce séparée de l’eau salée :
tout étoit océan.
Mais cet océan étoit désert j mais cette mer universelle
u’étoit encore que l ’empire de la mort, ou plutôt
du néant. Comment les germes des poissons, qui'ne
peuvent éclore qu’auprès des*côtes, se seroient-ils en
effet développés dans un océan sans rivage ?
Bientôt les sommets des plus hautes montagnes
dominèrent au-dessus des eaux,, et quelques côtes
parurent : elles furent entourées de bas-fonds ; les
poissons naquirent. Ils se multiplièrent. Mais leur
nombre, limité par des rivages très-circonscrits , étoit
bien éloigné de celui auquel ils sont parvenus, à
mesure que les siècles se sont succédés , et que les
contours des continens ou des isles sont devenus plus
grands.
A cette époque cependant, les poissons que la Nature
D E L A N A T U R E ,
a relégués depuis dans des mers particulières , les
pélagiens, les littoraux, ceux que nous vojous chaque
année remonter dans les fleuves , ceux qui ne quittent
jamais l’eau douce des lacs ou des rivières , les grandes
espèces qui se nourrissent de proie, les petits ou les
foibles qui se contentent des débris-de corps organisés
qu’ils trouvent dans la fange, vivoient, pour ainsi
dire, mêlés et confondus dans cet océan encore presque
sans bornes, qui baignoit uniquement quelques
chaînes de pics élevés. Où il n’j avoit pas de diversité
d’habitation, il ne pouvoit pas y avoir de différence
de séjour, Où il n’y avoit pas de limites véritablement
déterminées, il ne pouvoit pas y avoir d’espèce reléguée
, ni d’espace . interdit.
Lors donc qu’une catastrophe terrible donnoit la
mort à une grande quantité de ces animaux, ceux que
nous appelons aujourd’hui marins, et ceux que nous
nommons flu v ia tiïe s , périssoient ensemble , et gisoient
entassés sans distinction sur le même fond de l’océan.
Seroit-ce à cette époque de submersion presque universelle,
qu’il faudrait rapporter les bouleversemens
sous lesquels ont succombé les poissons que l’on découvre
de temps en temps, enfouis à des profondeurs
plus ou moins considérables , recouverts par des
couches de diverse nature , pressés quelquefois sous
des débris volcaniques*, et qui forment ces amas
* On doit distinguer dans les éruptions volcaniques, celles qu’il faudroit