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se sont rais en embuscade ou renfermés sous le limon
à une petite distance du rivage, on les découvre par
le moyen de l’élévation que leur corps donne au sable
ou à la vase, et qu’alors on les harponne et les enlève’.
Du temps de ce grand philosophe, on pensoit que
les pleuronectes, que l’on nommoit bothes, peignes,
rhombes, lyres, soles, etc. engraissoient beaucoup plus
dans le même lieu et pendant la même saison, lorsque
le vent du midi soufïloit, quoique les poissons
alongés ou cylindriques acquissent, au contraire, plus
de graisse lorsque le vent de nord régnoit sur la mer.
Columelle* nous apprend que les étangs marins
que l’on formoit aux environs de Rome pour y élever
des poissons, convenoient très-bien aux pleuronectes,
lorsqu’ils étoient limoneux et vaseux ; qu’il suffisoit
de creuser pour ces animaux très-plats, des piscines
de soixante ou soixante-dix centimètres de profondeur,
pourvu que , situées très-près de la côte , elles
fussent toujours remplies d’une certaine quantité
d’eau ; que l’on devoit leur donner une nourriture plus
molle qu a plusieurs autres- habitans des eaux, parce
qu’ils ne pouvoient mâcher que très-peu; et qu’un aliment
salé et odorant leur convenoit mieux que tout
autre , parce que , couchés sur un côté , et ayant leurs
deux yeux tournés vers le haut, ils cherchoient plus
H is l. anim. IV* 8.
souvent leur nourriture par le moyen de leur odorat
qu’avec le secours de leur vue.
- ' Il faut observer que le côté supérieur de ces poissons
, celui, par conséquent, qui, tourné vers l’atmosphère
, reçoit, pendant les mouvemens ainsi que
pendant le.repos de l’animal, l’influence de toute la
lumière qui peut pénétrer jusqu’à ces osseux, présente
souvent des couleurs vives, des taches brillantés et
régulières, des raies ou des bandes variées dans leurs
nuances, pendant que le côté inférieur, auquel il ne
parvient que des rayons réfléchis, n’offre qu’une teinte
pâle et uniforme. Cette diversité est même moins
superficielle qu’on ne le croiroit au premier coup-
d’oeil ; et les écailles d’un côté sont quelquefois très-
différentes de celles de l’autre, non seulement par
leur grandeur, mais encore par leur forme et par la
nature de la matière qui les compose. Ces faits ne
sont-ils pas des preuves remarquables des principes
que nous avons cherché à établir, en traitant de la
coloration des poissons, dans notre premier Discours
sur ces animaux?
Pour mieux ordonner nos idées au sujet des pleuronectes
, et pour les distribuer dans l’ordre qui nous
a paru le plus convenable, nous en avons d’abord
.séparé les espèces qui sont entièrement dénuées de
nageoires pectorales, et par conséquent privées des
organes que l’on a comparés à des bras. Nous avons
formé de ces espèces un genre particulier, et nous