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Je crois que nous devons regarder comme une variété
du sai’gue un poisson que le naturaliste Cetti a
fait connoître dans son Histoire intéressante des amphibies
et des poissons de la Sardaigne, et que le
professeur Gmelin a inscrit parmi les spares sous le
nom spécifique de puntazzo, dans la treizième édition
de Linnéi qu’il a donnée au public. Ce puntazzo ne
nous a paru, en effet, différer du sargue, que par des
traits très-peu nombreux ou très-peu essentiels, à moins
que la forme de la caudale de l’un ne soit aussi peu
semblable à la forme de la caudale de l’autre que la
phrase du professeur Gmelin paroît l’indiquer; ce dont
nous doutons cependant d’autant plus que ce savant
lui-même fait remarquer de très-grands rapports de
conformation, de grandeur et de couleur, entre le
sargue et le puntazzo.
L’oblade a la mâchoire inférieure hérissée de dents
petites, aiguës et nombreuses. Son dos est d’un bleu
noirâtre. Plusieurs raies longitudinales brunes s’étendent
sur les côtés, qui sont argentés, et sur lesquels
on voit aussi quelques taches grandes, le plus souvent
très-irrégulières et d’une nuance obscure. Une de ces
taches, placée près de la caudale, j représente une
bande transversale.
Ce spare ne pèse communément que cinq hectogrammes.
Mais si les individus de cette espèce sont
foibles, leur instinct leur donne les petites manoeuvres
de la ruse : il est assez difficile de les prendre dans une
nasse, au filet, et sur-tout à l’hameçon ; on dirait que
l’habitude de n’être poursuivis par les pêcheurs que
pendant le beau temps , leur a donné celle de se tenir
tranquilles et cachés dans le sable ou dans le limon
lorsque le ciel est serein et que la mer est calme. Mais
si les ondes sont bouleversées par les vents déchaînés,
ils parcourent en grandes troupes de très-grands
espaces marins ; ils vont au loin chercher l'aliment
qu’ils préfèrent, sans être retenus par les flots agités
qu’ils sont obligés de traverser, et s approchent sans
crainte des rochers des rivages, si ces rives battues
par la mer courroucée leur présentent une nourriture
qui leur convienne. Des pêcheurs industrieux ont
souvent choisi ces temps de tempête pour jeter dans
l’eau de petites masses de pain et de fromage pétris
ensemble, que les oblades avaloient sans danger, dont
ces spares pouvoient revoir l image sans méfiance., et
auprès desquelles on plongeoit bientôt des hameçons
garnis d’une composition semblable, dont les précautions
ordinaires de ces thoracins ne les éloignoieut
plus. Duhamel nous apprend que les habitans de la
côte voisine d’Alicante en Espagne attirent ces animaux
avec de petites boules de soufre ; et nous trouvons dans
Pline, qu’auprès d’Uerculanum et de Stabia les oblades.
s’approchoient assez de la rive pour prendre le pain
qu’on leur jetoit,mais qu’elles avoient assez d attention
et d’expérience pour distinguer lappat perfide qui
tenoit à un hameçon.