qu’auparavant; elles -y parviennent à des dimensions
telles, qu’elles pèsent neuf ou dix kilogrammes ; et en
y engraissant elles acquièrent des qualités qui les ont
toujours fait rechercher beaucoup plus que celles qui
vivent dans la mer proprement dite. On a préféré
sur-tout, dans les départemens méridionaux de la
France, celles qui avoient vécu dans les étangs d Hières,
de Martigues , et de Latte , près du cap de Cette. Les
anciens Romains les plus difficiles dans le choix des
objets du luxe des tables, estimoient aussi les dorades
des étangs beaucoup plus que celles de la Méditerranée
: voilà pourquoi ils en faisoient transporter
dans les lacs intérieurs qu’ils possédoient, et particulièrement
dans le fameux lac Lucrin. Columelle
même, dans ses ouvrages sur l’économie rurale, co'p-
seilloitde peupler les viviers, de ces spares ; ce qui
prouve qu’il n’iguoroit pas la facilité avec laquelle on
peut accoutumer les poissons marins à vivre dans l’eau
douce, et les y faire multiplier. Cette convenance des
eaux des lacs non salés, des rivières et des fleuves,
avec l’organisation des spares dorades, et la supériorité
de goût que leur chair contracte au milieu de ces
rivières, de ces lacs et des viviers, n’ont pas échappé
à Duhamel ; et nous partageons bien vivemeut le désir
que Bloch a exprimé en conséquence, de voir 1 industrie
de ceux qui aiment les entreprises utiles, se porter
vers l’acclimatation ou plutôt le transport et la multiplication
des dorades au milieu de ces eaux douces
qui perfectionnent leurs qualités.
DE S P O I S S O N S . y3
Au reste, lorsqu’on veut jouir de ce-goût agréable
de la chair des dorades, il ne suffit pas de préférer
celles de certaines mers , et particulièrement de la
Méditerranée, à celles de l’Océan, comme Rondelet et
d’autres écrivains l’ont^recomraandé , de rechercher
plutôt celles de^s étangs salés que celles qui n’ont pas
quitté la Méditerranée, et d’estimer, avant toutes les
autres, les dorades qui vivent dans de l’eau douce : il
faut encore avoir l’attention de rejeter ceux de ces
spares qui ont été pêchés dans des eaux trop bourbeuses
et sales, les dorades trop grandes, et par conséquent
trop vieilles et trop dures; et enfin d’attendre,
pour s’en nourrir, l’automne, qui est la saison où les
propriétés de ces poissons ne sont altérées par aucune
circonstance. C’est pour n’avoir pas usé de cette précaution
, que l’on a souvent trouvé des dorades difficiles
à digérer, ainsi que Celse l’a écrit; et c’est, au
contraire, parce que les anciens Romains ne la négli-
geoient pas , qu’ils avoient des dorades d’un goût-
exquis, et d’une chair légère et très-salubre : aussi
en ont-ils donné de très^grands prix , et un Romain
nommé Serge attachoit-il une sorte d’honneur à être
surnommé Ornta, à cause de sa passion pour ces spares.
Les qualités médicinales qu on a attribuées a ces
poissons , et particulièrement la vertu purgative, et la
faculté de guérir de certaines, indigestions , ainsi que
de préserVer des mauvais effets de quelques substances
vénéneuses, ont de même, pendant quelques siècles,
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