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au bout de vingt-quatre heures; et il n’est pas rare
de trouver quatre ou cinq flétans pris aux crochets.
On tue aussi les hippoglosses à coups de javelot,
lorsqu’on les surprend couchés pendant la chaleur sur
des bancs de sable , ou sur.des fonds de la mer, très-
rapprochés de la surface : mais lorsque les pêcheurs
les ont ainsi percés de leurs dards, ils se gardent
bien de les tirer à eux, pendant que ces pleuronectes
jouiroient encore d’assez de force po.ur renverser leur
barque; ils attendent que ces poissons très-affoiblis
aient cessé de se débattre; ils les élèvent alors, et les
assomment à coups de massue.
Vers les rivages de la Norvège , on ne poursuit les
flétans que lorsque 1« printemps est déjà assez, avancé
pour que les nuits soient claires, et que l’on puisse
les découvrir facilement sur les bas-fonds. Pendant
l’été on interrompt la pêche de ces animaux, parce
que, extrêmement gras lorsque cette saison règne, ils
ne pourroient pas être séchés convenablement, et que
les préparations que l’on donneroit à leur chair ne
l’empêcheroient pas de se corrompre même très-
promptement.
On donne le nom de rajf aux nageoires du flétan ,
et à la peau grasse à laquelle elles sont attachées; on
appelle roeckel, des morceaux de la chair grasse de ce
pleuronecte, coupée en long; et on distingue par la
dénomination de skare flog, ou de square quelle, des
lanières de la chair maigre de ce thoracin.
Ces différens morceaux sont salés, exposés à l’air
sur des bâtons, séchés et emballés pour être envoyés
au loin. On les sale aussi par un procédé semblable
à celui que nous décrirons en parlant des chipées
harengs. On a écrit que le meilleur raff et le meilleur
roeckel venoient dé- Samosé, près de Berghen en * Norvège.
Mais ces sortes d’aliment ne conviennent guère,
dit-on , qu’aux gens de mer et aux habitans des campagnes
, qui ont un estomac fort et un tempérament
robuste. Auprès de Hambourg et en Hollande,
la tête fraîche du flétan a été regardée comme un mets
un peu délicat. Les Groenlandois ne se contentent pas
de manger la chair de ce poisson, soit fraîche , soit
séchée; ils mettent aussi au nombre de leurs comestibles
le foie et même la peau de ce pleuronecte. Ils
préparent la membrane de son estomac, de manière
quelle est assez transparente pour remplacer le verre
des fenêtres.
Quelque grand que soit le flétan , il a dans les dauphins,
des ennemis dangereux, qui l’attaquent avec
d’autant plus de hardiesse, qu’il ne peut leur opposer,
avec beaucoup davantage, que son volume, sa masse
et ses mouvemens, et qui employant contre lui leurs
dents grosses, solides et crochues, le déchirent, emportent
des morceaux de sa chair , lorsqu’ils sont
contraints de renoncer à une victoire complète, et le
laissent ainsi mutilé traîner, en quelque sorte,une misérable
existence. Quand il est très-jeune, il est aussi
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