plutôt que pour attaquer, doivent être plus timides,
plus réservés, plus précautionnés, plus rusés que plu-
sieurs autres habitans des mers. Cependant, au bout
de quelques jours , un de ces poissons se hasardoit à
saisir quelques parcelles de la pâture qui lui étoit
offerte : le pêcheur l’examinoit avec attention, comme
l ’auteur de son espoir et de ses succès, et lobservoit
assez pour le reconnoître facilement. L’exemple de
l ’individu plus hardi que les autres n’avoit pas d’abord
d’imitateurs : mais après quelque temps il ne
paroissoit qu’avec des compagnons dont le nombre
augmentoit peu à peu ; et enfin il ne se montrait
qu’avec une troupe nombreuse d’autres anthias qui se
fàmiliarisoient bientôt avec le pêcheur, et s’accoutu-
moient à recevoir leur nourriture de sa main. Ce
même pêcheur cachant alors un hameçon dans l’aliment
qu’il présentoit à ces animaux trompés,-les rete-
noit, les enlevoit, les jetoit avec vitesse et facilité
dans son petit bâtiment, mais avoit un grand soin de
ne pas saisir l’anthias imprudent auquel il devoit la
bonté de sa pêche, et dont la prise auroit à l’instant
mis en fuite tous ceux qui ne s’étoient avancés vers le
navire qu?en imitant sa témérité, et en se mettant,
en quelque sorte, sous sa conduite.
Oppien raconte que lorsque dans d’autres circonstances
un anthias est pris à l’hameçon , ses compagnons
s’empressent de l’aider à le détacher du fatal
crochet, ou de la ligne, en le poussant avec leur dos;
et que même quelquefois l’individu retenu par la
corde, la coupe avec l’aiguillon long et dentelé de sa
nageoire dorsale. Si ce dernier fait étoit vrai, fl faudrait
l’attribuer à un autre poisson que l’anthias, et
peut-être à quelques grands silures ; car le long .aiguillon
delà dorsale du lutjan dont nous nous occupons,
quoique fort et en quelquesorte un peu tranchant*,
ne présente aucune dentelure. C’est aussi a des espèces
différentes de celle que nous décrivons, qu’il faut
rapporter ce qti’Éliëri'et'”d’autres ‘anciens ont écrit
des couleurs, de quelques formes et des dimensions
des anthias, desquels ils ont dit que si la taille de ces
animaux étoit inférieure à celle des thons, ils l’em-
portoient par leur force sur ces derniers osseux. Au
reste, on pourra recueillir beaucoup de lumières à
ce sujet dans l’ouvrage de l’habile professeur Schneider,
intitulé Synonymie des poissons d’Artedi, etc. p, 81.
N’oublions pas de dire que l ’anthias jÿijf de petits
crustacées et de jeunes poissons.
Le lutjan de l’Ascension se trouve auprès de l’isle
du même nom, dans l’Océan atlantique. Les deux
pièces de chacun de ses opercules sont dentelées; et
le second aiguillon de sa dorsale présente aussi une
dentelure.
Les Indes sont les contrées préférées par le lutjan
* C’est cet aiguillon qu’on a comparé à un rasoir, et qui a fait donner,
far plusieurs naturalistes, le nom de barbier à notre anthias.