que leur est venu le nom de pleuronectes* e l l e est
une dépendance du emplacement de leurs yeux, soit
que l’on veuille croire que cette réunion des deux
_yeux sur une seule face de la tête les ait forcés a ne
se mouvoir qu’en tournant vers le bas le côté opposé
à cette face, afin de tenir les organes de la vue 'dans
la position la plus favorable à la vision; soit que l’on
préfère de penser qu’un très-grand aplatissement
latéral ne leur a pas permis de tenir leur corps et
leur queue dans un sens vertical, comme les autres
poissons; que les efforts de leurs pectorales très-petites
et très-foibles n’ont pas pu maintenir en équilibre
une lame très-étroite, très-hâute,!eé très-exposée, par
conséquent, à l’agitation tumultueuse des flots; que
renversés bientôt sur un de leürs côtés, forcés de
conserver cette position, et obligés de nager dans
cette posture , ils ont commencé une suite de tentatives
perpétuellement renouvelées, pour ne pas perdre
tout-à-fait l’usage de l’oeil attaché au côté inférieur;
qu’après un très-long temps, et même après une très-
grande série de générations, des altérations successives
dans l’organisation extérieure et intérieure de
la tête auront amené l’oeil inférieur , de proche en
proche , jusque sur le côté supérieur, et par ce transport
auront produit, sans doute, une position des
* Pleuronecte vient de -plevron, qui, en grec*, veut dire c ô t i , et de
pyetes^ qui signifie nageur.
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organes de la vue bien extraordinaire, mais néanmoins
auront fait naître, dans la structure de la tête , des
changemens bien moins grands et bien moins profonds
que les modifications apportées par le temps
-et par une contrainte permanente dans les parties
molles ou solides de plusieurs autres animaux.
En considérant la manière de nager qui appartient
aux pleuronectes, il est facile de voir que leurs pectorales
très-peu étendues, nt, situées l’une au-dessus
et l’autre au-dessous du corps, ne peuvent pas servir
d’une manière sensible à diriger ou accroître les
mouvemens de ces poissons. Leurs thoraeines étant
aussi extrêmement petites , sont de même inutiles à
leur natation.
Mais l’anale et la dorsale peuvent servir beaucoup
à accélérer la vitesse de ces animaux , et à leur imprimer
les véritables directions qui leur sont nécessaires;
elles sont très-longues et assez hautes ; elles s’étendent
le plus souvent depuis la tête jusqu’à la queue;
elles présentent donc unè grande surface : d’ailleurs,
dans la position habituelle des pleuronectes, elles sont
situées horizontalement, puisque l’animal est, pour
ainsi dire , couché sur un côté. Dès-lors on peut les
considérer comme deux pectorales très - étendues , et
par conséquent comme deux rames qui seroient très-
puissantes, si elles étoient mues librement et par des
muscles très-vigoureux.
Et c’est précisément parce qu’elles influent beau-
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