40.6 H I S T O I R E N A T U R E L L E
•varie suivant les individus, et même selon quelques
(circonstances particulières et passagères. Harmèr,
Bloch et Gibelin ont écrit que l’on devoit à peine
supposer trois cent mille oeufs dans une perche de
vingt-cinq décagrammes (ou une demi-livre) de poids.
Mais voici une observât ion d’après laquelle nous devons
croire q.u’en général les perches femelles pondent
un plus! grand nombre d’oeufs qu’on ne Ta pensé. Le
lei-tojen Pieojt de Genève, le digne ami de feu l’illustre
Saussure, m’écrivoit en floréal de l’an 6 , qu’il venoit
d’ouvrir une perche du lac sur les bords duquel il
habite , que ce poisson pesoit six cent cinquante
grammes ou environ, qu’il avoit trouvé dans l’intérieur
de cette persèque une bourse qui contenoit tous
les oeufs, que ces oeufs pesoient le quart du poids total
de l'animal,, et que leur nombre étoit de neuf cent
quatre-vingt-douze mille.
(Communément les oeufs de perche éclosent quoique
la chaleur du printemps soit encore très-foible; et
n’est-ce pas une nouvelle preuve de la convenance de
l ’espèce avec les climats très-froids?
Le poisson que nous décrivons, vit de proie. Il ne
peut attaquer avec avantage que de petits animaux;
mais il se jette avec avidité non seulement sur des
poissons très-jeunes ou très-faibles, mais encore sur
des campagnols aquatiques , dés salamandres , des
grenouilles, des couleuvres encore peu développées.
Il se nourrit aussi quelquefois d’insectes ; et lorsqu’il
d e s p o i s s o n s, 407
fait très-chaud , en le voit s’élever à la Surface des
lacs ou des rivières, et s’élancer avec agilité pour
sa isir les cousins qui*.se pressent par milliers au-dessus
de ces rivières ou de ees lacs.
La perche est même si vorace, qu’elle se précipite
fréquemment et sans précaution sur des ennemis dangereux,
pour elle par leurs armes,s'ils; ne le sont pas
par leur force. Elle veut souvent dévouer des épinoches;
mais ces derniers poissons s’agitant avec vitesse, font
pénétrer leurs piquans dans le palais de la perche ,
qui dès-lors ne pouvant ni les avaler, ni les rejeter, ni;
fermer sa bouche, est contrainte de mourir de faim.
Lorsqu’elle peut se procurer facilement la nourriture
qui lui est nécessaire, et qu’elle vit dans les eaux
qui lui sont le plus favorables, elle est d’un goût
exquis. Sa, chair est d’ailleurs blanche , ferme, et très-
salubre. Les Romains la rechêrchoient dans, le temps
où le luxé de leur table étoit porté au plus haut degré;
elle consul Ausone, dans son poème sur la Moselle,
la compare au mulle rouget, et la nomme délices des
Jeslins.
Les perches du Rhin sont particulièrement très-esti-
f f léesUn ancien proverbe très-répandu en Suisse
prouve la bonne idée qu’on a toujours eue de leurs
qualités agréables et salutaires , et on a fait pendant
long-temps à Genève un mets très—délicat de très-
*'Cysat, Description de la Suissr.