« Les fruits dtant cueillis par un beau lemps, on les porte dans la Iruiteric; on
les dispose de façon qu'ils ne se touchent pas les uns les autres. On met chaque
espèce séparément, et on pose les poires sur l'oeil, parce que, les indices de
maturité paroissant d'abord sur l'antre extrémité, elle doit être en éridence. Le
papier dont quelques-uns enveloppent chacun des fruits les plus beaux et les
plus précieux, ne peut que contribuer à leur conservation.
, Quand les derniers fruits sont placés dans la fruiterie, on ne l'ouvre plus
que dans le milieu du jour, et seulement lorsque le temps est beau et sec; et
dès que la saison devient rude et fâcheuse, on la lient exactement fermée,
Cependant on la visite fréquemment, tant pour reconnoître l'état des fruits,
que pour retirer ceux qui sont gdtés, dont la pourriture pourroit se communiquer
à leurs voisins. *
La fruiterie du potager de Versailles est telle que demande Duhamel. Son
pourtour est garni d'armoires dans lesquelles on enferme les fruits, et elle est
beaucoup plus sèche qu'humide. Cependant cette fruiterie ne réunit pas toutes
les qualités désirables : sa grande sécheresse fait transpirer trop abondamment
les fruits et nuit à leur prolongation; ceux qui se trouvent enfermés dans les
armoires sont souvent gâtés par leurs propres émanations. Une bonne fruiterie,
selon nous, ne devroit être ni sèche ni humide; il faudroit que les fruits y
pussent ni transpirer ni absorber. Un cellier sec nous semble le lieu le plus propre
à la conservation des fruits; du moins se conservent-ils mieux dans un tel
endroit que dans la fruiterie de Versailles, dont le plus grand défaut, selon
nous, est d'être trop sèche. Nous connoissons plusieurs personnes qui ont fait
placer des tablettes dans leur cave pour recevoir leurs frnits, qui s'y conservent
d'autant mieux que la cave est moins humide. Enfin, la meilleure fruiterie est
celle où les fruits transpirent et absorbent le moins possible, et où la température
se tient constamment à six ou huit degrés au-dessns de zéro.
ARTICLE IV. Des propriétés alimentaires et médicamenteuses des fruits.
Pour donner quelques idées des propriétés des fruits considérés en général
il est nécessaire d'établir entfe eux certaines divisions, au moyen desquelles ceux
qui ont des qualités communes se trouvent groupés ensemble. Cependant cette
distinction ne peut être faite que d'une manière bien incomplète, puisqu'il
en est quelques-uns qui ont des propriétés tellement propres, qu'on ne pourroit
les faire connoître exactement qu'en les considérant dans chacun isolément : tels
sont les châtaignes, les amandes, les noix et plusieurs encore, qui sont en général
solides, contiennent peu ou point de suc et sont formés d'une matière féculente
renfermant plus ou moins d'huile, si on en excepte toutefois la châtaigne. Ils
sont éminemment nutritifs, et jouissent de peu de propriétés médicamenteuses,
si ce n'est l'huile qu'on en retire.
Tons les autres fruits se distinguent par une grande abondance de suc, une
matière sucrée, quelques acides, et le plus souvent un arôme particulier et une
matière colorante : ce sont les fruits proprement dits. Nous les diviserons en
fruits acerbes et en fruits doux.
Les premiers forment une division bien tranchante, dans laquelle se trouvent
naturellement placés les coings, certaines poires acides, le verjus, les
fruits sauvages ou encore verts, et quelques autres dont l'acerbité est telle qu'on
ne peut les employer comme alimens qu'après leur avoir fait subir certaines préparations,
mais principalement la coction. Comme médicamens ils sont astringens,
peuvent suppléer les acides végétaux dans quelques cas, et ils provoquent
la constipation.
Tous les fruits doux ou sucrés sont ceux dont le sucre est assez abondant
pour que l'acide paroisse doux, ou dont l'acide est assez doux pour que le sucre
domine : tels sont les fruits rouges, cerises, groseilles, fraises, framboises, mûres,
etc., les prunes, les pêches, les abricots, les poires, les pommes, les figues, les
oranges, et surtout les raisins. Ces fruits sont pourvus d'une grande abondance
de suc, qui se prend facilement en gelée, pour peu qu'on y mêle du sucre.
Ils sont en général peu nourrissans et très-rafraichissans; mais il faut remarquer
qu'ils sont d'autant plus nourrissans qu'ils ont moins de suc, et qu'ils sont
d'autant plus rafraîchissans qu'ils en contiennent davantage et que ce .suc est
plus acide. Ainsi la figue est plus nourrissante que la cerise; la groseille est
plus rafraîchissante que l'abricot.
Tout le monde connoît les différentes préparations qu'on fait subir aux
fruits : elles ont pour objet d'en diminuer l'acidité ou d'en rendre la .saveur
plus agréable. Mais de là résulte nécessairement dans la propriété rafraîchissante
une diminution proportionnée à la quantité de sucre ajouté, jusqu'au point d'en
faire une substance échauffante, quand cc dernier est surabondant.
Telles sont, mais d'une manière bien générale, les propriétés alimentaires et
médicaïuenteuses des fruits. Quant aux accidens qu'ils peuvent causer, il faut
presque toujours les rapporter à l'abus ou au mauvais choix. C'est ainsi qu'on
trouve ordinairement la source d'un cours de ventre qui résulte de leur usage
dans l'excès qu'on en a fait, ou dans la qualité de ces fruits trop verts ou
détériorés. C'est encore ainsi que les fruits qui ont subi spontanément un commencement
de fermentation acide, produisent dans notre estomac une acidité
tellement active, qu'il en résulte des douleurs assez affreuses pour simuler la
colique de plomb.
Duhamel, après avoir indiqué la manière de ranger les fruits dans la fruiterie,
paroît renvoyerde suite le jardinier continuer ses travaux, en ajoutant ce qui suit:
« En novembre on laboure les plates-bandes des espaliers, et si l'on soupçonne
que la langueur de quelques arbres vienne de la maigreur ou de l'épuisement du
terrain, on fait à un on deux pieds de distance du pied de l'arbre une tranchée