Il
botanique à Montpellier. Apres avoir rccucilli toutes les plantes des environs
de cette ville, il parcourut le premier, en habile botaniste, les Pyrénees, où
il fut plusieurs fois dépouillé jusqu'à la chemise par les Miquelets. Brûlant de
s'instruire de plus en plus, il vint à Paris, foyer lumineux de toutes les sciences,
où son rare mérite le fit presque aussitôt nommer professeur de botanique au
Jardin du roi. En 1692, le roi créa une académie des sciences à Paris, et
Tournefort fut inscrit le premier sur la liste des savans qui dévoient la composer.
L'école de médecine le reçut dans son sein en 1698. Après avoir publié divers
ouvrages de médecine et de botanique, i! mit au jour, en 1700, ses fameuses
Institutiones rei herharioe, ouvrage immortel, qui non-seulement a placé son
auteur infiniment au-dessus de tous les botanistes qui avoient paru jusqu'alors,
mais que l'on consultera toujours comme une oeuvre de génie et de savoir.
Aussitôt après la publication des Institutions de botanique, le roi chargea
Tournefort de parcourir les îles de l'Arcbipel en historien, en géographe et en
naturaliste. Deux ans furent employés à ce voyage, dont la relation a été publiée
en deux volumes in-f^.", à Paris, en 1717. On trouve mentionnée dans cette
relation, tome II, page une poire d'Angora, très-estimée à Gonstantinople
et dans tout le Levant, et qui étoit restée inconnue en France jusqu'en
1832 ; alors, par l'obligeance de M. le général Guilleminot, notre ambassadeur
à Constantinople, M. Léon Leclerc, poniologiste très-zélé, à Laval, en obtint
deux pieds, ainsi qu'un pommier également inconnu chez nous. Ces arbres ont
bien réussi; des greffes en sont distribuées sur différons points, et bientôt nous
serons à même d'en juger le fruit.
Tournefort, mettant au nombre des caractères spécifiques des plantes la
grandeur, la couleur, la saveur, etc., a considéré tous les arbres fruitiers
comme des espèces naturelles. Il les a en conséquence consignés dans ses Institutions,
et leur a appliqué à chacun une phrase botanique, qui indique la
forme, la couleur, et souvent la saveur de leur fruit. C'est ainsi qu'il mentionne
Il espèces d'abricots, 28 prunes, 23 pèches, 29 cerises, 5 amandes,
88 poires et 37 pommes.
Tournefort jouissoit de sa célébrité, lorsque malheureusement une voiture
le heurta dans la poitrine, et lui causa la mort le 28 Novembre 1708.
5.® G. LINNÉ, Species et Généra plantarum; Philosophia botanica, etc.
1730 — 1772.
Charles Linné, le plus célèbre naturaliste qui ait encore paru, naquit en
Suède, dans un bourg de la province de Smoland, en 1707. La nature
sembloit l'avoir formé pour être son interprète. Dès sa plus tendre jeunesse,
il faisoit ses délices de l'étude des plantes. Doué d'une activité sans exemple,
du génie le plus vaste, d'une pénétration des plus profonde cl d'une justesse
d'esprit admirable, il apporta bientôt dans toutes les branches de l'histoire
naturelle des vues si lumineuses, qu'il réédifia le vaste édifice de cette science,
et l'enrichit de tant de nouvelles observations, qu'il en est regardé à juste titre
comme !c créateur. Mais si, quand nous faisons de l'histoire naturelle, notre
admiration pour Linné est au-dessus de toute expression, nous sommes bien
tentés de commettre un blasphème quand nous nous occupons des arbres fruitiers.
Nous approuvons ses réformes, nous adoptons ses innovations, nous nous soumettons
à ses mille lois; pourquoi donc faut-il qu'avec un malheureux axiome
de sept ou huit mots, il ait fait dégringoler du temple de Flore et de Pomone
des légions de tulipes, de jacinthes, d'anémones, de renoncules, de roses, et
mille autres fleurs accompagnées de tous nos arbres fruitiers ? Dans ce
maliieurcux axiome, Linné prouve sans réplique que les chardons, les ronces
et les épines sont l'ouvrage de Dieu, et que les roses si suaves, les tulipes si
brillantes, les poires si savoureuses, les pèches si succulentes et les excellens
chasselas ne sont que le produit des inventions humaines, et en conséquence
indignes de l'attention du plus petit botaniste. Depuis ce fatal arrêt, on a défait,
refait, tronqué, modifié, changé toutes les parties de l'édifice que Linné avoit
élevé à sa gloire; mais on a conservé religieusement intact le chapitre qui bannit
à jamais les arbres fruitiers du domaine de la botanique. Ce chapitre est tellement
révéré, que, si un botaniste d'aujourd'hui reçoit une mousse ou un
chiendent de la Nouvelle-Hollande ou de la Cochinchine, il ne se donnera
aucun repos qu'il ne l'ait examiné à la loupe ou au microscope, qu'il n'en ait
mesure toutes les parties, compté tous les poils, toutes les taches, toutes les
nervures; qu'il ne l'ait dessiné, gravé, nommé, imprimé, publié et dédié à
quelque savant confrère dans un beau et grand mémoire lu à l'Académie. Mais
demandez à ce même botaniste le nom, les qualités et l'histoire des fruits qui
chargent et honorent sa table, que son palais savoure, qui rafraîchissent son
sang, qui fondent ses Jmmcurs, lubréfient ses yeux et ramènent le calme dans
son cen-eau irrité; s'il ne prend pas votre demande pour une insulte, il vous
répondra au moins que ces fruits ne sont que des MONSTRES, et qu'il n'a rien
à démêler avec eux.
Au reste, l'année 1778 n'en sera pas moins à jamais fatale dans les annales
de l'esprit humain, par la mort des quatre philosophes, Linné, Haller, J. J.
Rousseau et Voltaire.
6.® J. HERMANN XNOOP, Pomologie, ou description des meilleures sortes de
pommes et de poires. — Fruclologic, ou description des arbres fruitiers,
ainsi que des fruits. Deux volumes in-folio, 177».
Rnoop a publié ces deux ouvrages en 1771, et comme ils traitent le même
objet, on les a réunis en un seul volume. Le premier contient un grand nombre
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