friiils. On avoit seulemcnL remarque que la nature en laisoit naître quelquefois
toute seule dans les bois, clans les haies, et on se eontentoit de semer, espérant
qu'elle feroit dans !e.s semis ce qu'elle faisoit quelquefois dans les bois et dans les
haies; mais les espérances ont presque toujours dté trompées. On a cru aussi
pendant long-temps, qu'en semant de préférence les graines des bonnes variétés
anciennement obtenues, il en naîtroit nécessairement de bonnes variétés plus
ou moins semblables à leurs mères, et on a encore été trompé : les semis faits
dans ce but nont pas donné le résultat qu'on en attendoit. Enfin, on est allé
jusqu'à croire que la greffe avoit le pouvoir de produire de nouvelles variétés,
et rexp<."ricnce a prouvé qu'elle pouvoit seulement influer sur la vigueur et la
foiblesse des arbres, sur la grosseur des fruits, sur leurs qualités, mais qu'elle
ne les cliangeoit nullement en une autre variété. Mais la greffe a le pouvoir de
conserver une sous-variété, qui se développe accidentellement sur une variété.
Ainsi, qu'une branche panachée se développe sur un arbre qui ne l'est pas, en
greffant cette branche, elle grandira panachée, vivra des siècles panachée, au
lieu qu'elle auroit perdu sa panachure ou seroit morte prématurément, si elle
fût restée sur son arbre. Et comme ce fait se renouvelle assez fréquemment sous
nos yeus, nous sommes autorisés à penser que c'est de cette manière qu'ont
pu venir nos sous-variétés panachées de Saint-Germain, de Bon-chrétien, de
Mouille-bouche, etc.
On en étoit là dans cette partie de nos eonnoissances, qua nd, il y a cinquante
ans, M. Van Mons, de Bruxelles, et depuis professeur de chimie à l'université
de Louvain, ayant dès son enfance un goût décidé pour la pomologie, appliqua
à cette science ses hautes idées plùlosophiques. Habitué à suivre la marche de
la nature et à voir qu'elle reprenoit peu à peu ses droits sur ce qui s'étoit écarté
de ses lois, soit par ce que, dans notre ignorance, nous appelons hasard, soit
par l'industrie ou l'intelligence de l'homme, il reconnut facilement que nos
variétés d'arbres fruitiers étoient des individus qui avoient dévié de la route
naturelle, et que la puissante et patiente nature travailloit sans cesse à y
faire rentrer par leur progéniture. Selon ce philosophe, la première graine
d'une nouvelle variété est encore si peu influencée par la loi naturelle, que
l'arbre qu'elle produit reste dans le champ de la variation, et doit porter
des fruits savoureux selon nos goûts; mais que la graine de la deuxième,
troisième, quatrième, etc., fructification, produira un arbre dont la tendance
à retourner vers l'état de nature que nous appelons Xétat sauvage, sera appréciable;
et qu'enfln la graine d'une cinquantième, d'une centième fructification,
donnera un arbre si près de l'état sauvage, que ses fruits ne seront que peu
ou point mangeables.
C'est cette doctrine qui constitue la théorie Van Mons, que l'un de nous a
exposée et développée dans les Annales de la Société royale d'horticulture de
Paris, tonte XV, et que l'on trouve à la librairie de M.""" Iluzard.
M. Van Mons a mis cette théorie en pratique pendant cinquante ans, et
il en a obtenu une si grande quantité de bons et d'exccllcns fruits nouveaux,
que nous ne doutons pas qu'elle ne soil bientôt généralement adoptée et suivie
partout, {f^oir ci-après, Article VI, Arbres fruitiers, leur culture en Belgique
et leur propagation par la graine, ou Pomologie belge, expérimentale et
raisonnée, par J. B. VAN MONS.)
Aux I CLE V. Z)fe ce qu'on entend par espèce et variété dans les arbres fruitiers.
Le mot espèce n'a pas un sens aussi rigoureusement déterminé chez les
cultivateurs que chez les botanistes Ceux-ci appellent espèce une plante qui
se reproduit toujoui-s semblable à elle-même par ses graines, et les cultivateurs
nomment espèce, toute plante qui ne ressemble pas à une autre, sans s'embarrasser
si elle se reproduit semblable à elle-même par ses graines. Ainsi,
comme le Beurré et le Saint-Germain ne se ressemblent pas, ce sont deux
espèces pour le jardinier, tandis que le botaniste les considère comme deux
variétés du poirier sauvage, qu'il regarde comme le type de tous les poiriers
cultivés. Mais si le Saint-Germain varie dans quelques-unes de ses parties
seulement, comme quand ses feuilles se panachent de blanc, alors c'est une
variété pour le jardinier et une sous-variété pour le botaniste.
Afin de distinguer nos espèces de celles des botanistes, quelques écrivains
les nomment espèces jardinières. Sans blâmer cette épithète, nous ne croyons
pas qu'elle passe jamais dans la pratique. Et puis, le principe des botanistes est
fort bon en théorie, mais le moyen de s'y conformer exactement? Eux-mêmes
s'en écartent ou le méconnoissent à chaque instant dans la pratique, en ne
considérant que les différences pour constituer des espèces.
ARTICLE VI. Bibliothèque pomologique.
Depuis long-temps les botanistes ont leur bibliothèque botanique. Pourquoi
n'avons-nous pas encore une bibliothèque pomologique? Tournefort nous a
laissé un excellent modèle à suivre dans son Isagoge; en l'imitant et en tâchant
d'atteindre le discernement et la saine critique qu'on admire dans son auteur,
on feroit un ouvrage utile, nécessaire et agréable.
En commençant notre Traité des arbres fruitiers en 1807, nous avons
commencé aussi à rassembler les matériaux nécessaires pour faire une bibliothèque
pomologique; mais les tourmentes révolutionnaires nous ayant forcé
de suspendre indéfiniment la publication de noire ouvrage en 1815, ayant
même désespéré jusqu'en i83o de pouvoir jamais l'achever, une grande partie
de ces matériaux s'est égarée. Nous plaçons ici ce qui nous reste, simplement
comme un jalon pour indiquer la route que nous nous étions proposé de