Nous voyons avec étonnement, qu'en i8oa Forsyih tienne encore à l'idée
que, quand on plante un arbre, on doive l'orienter comme il ^toit auparavant,
c'est-à-dire, que ses mêmes parties regardent les mêmes parties du compas,
et il se base sur ce que les arbres croissent plus du côté du nord que des
autres côl«is. Mais de ce que les arbres s'épaississent davantage du côté nord,
on devroit plutôt être disposé à changer leur orientement chaque année, si la
chose éloit possible, afin que toutes leurs partits jouissent alternativement de
l'exposition la plus favorable.
La composition de Forsyth, à laquelle il n'a pas donné de nom, se fait
avec de la bouse de vache, de vieux plairas, de la cendre de bois, du sable
de rivière, le tout pulvérisé et passé au tamis, ensuite délayé en consistance
de mortier dans de l'urine ou de l'eau de savon : on nettoie jusqu'au vif les
chancres, les plaies des arbres, et on les recouvre de cette composition. Forsyth
cite un très-grand nombre de cures merveilleuses opérées ainsi, et cependant
son procédé reste à peu près ignoré en France. Nous nous en tenons à l'argile
et à notre vieil onguent de Saint-Fiacre, ou, plus simplement, à tout ce qui
met les plaies à l'abri du contact de l'air et de la pluie.
Quant à la culture des arbres, au nombre et à la description des fruits,
Forsyth ne dit rien de bon et d'utile qui ne soit dans beaucoup d'ouvrages
françois; mais son article Insectes et leur destruction nous parait mieux traité
que chez nous. Forsyth ne nomme pas le puceron lanigère, et ne parle pas
du duvet soyeux qui le fait reconnoître de loin ; mais c'est certainement cet
insecte qu'il désigne sous le nom générique de coccus. Il l'a vu pour la première
fois sur ses pommiers à Chelsea, en 1802, et déjà ce puceron, importé, dit-il,
parmi des pommiers par Swinton, de Sloane Street, avoit causé de grands ravages
sur les pommiers des environs de Londres. Forsyth dit s'en être débarrassé en
frottant ses arbres avec de l'eau de savon et de l'urine : quant à nous, nous
pensons que ce fut plutôt aux moyens que sa place lui donnoit de poursuivre
une chasse d'extermination contre cet insecte.
10.° CALVEL, Traité complet sur les pépinières. Trois volumes in-12, I835,
2." édition.
Calvel, ayant cru devoir quitter le sacerdoce à l'aspect des premiers orages
de notre révolution de 1789, se jeta dans l'enseignement et se fit connoître pour
un amateur zélé de l'agriculture, pour un observateur souvent attentif et
quelquefois assez judicieux. Sous ces derniers rapports, il obtint la protection
et les encouragemens du ministre Ghaptal; il fréquenta la pépinière du Luxembourg,
se mit dans les bonnes grâces du directeur Hcrvy, ce qui pourtant
n'étoit pas facile; vit travailler les ouvriers, les questionna, et recueillit enfin
les matériaux nécessaires pour publier un Traité en 3 volumes sur les pépinières.
Calvel n'avoit cultivé ni pour lui ni pour les autres, et quoiqu'il parle souvent
comme ayant opéré lui-même, nous savions tout le contraire, le connoissant
assez personnellement. Son ouvrage n'ayant pas la distribution méthodique
convenable à l'analyse, nous le supposons, par la pensée, divisé en deux parties
distinctes; dans la première, nous plaçons tout ce qui tient à l'éducation des arbres,
a leur multiplication, à leur plantation, à leur conservation, etc., et dans la
seconde, la description des arbres fruitiers, leur nomenclature et leur culture
spéciale. L'ouvrage ainsi distribué, si nous analysons la première partie, nous
voyons que l'auteur avoit un très-grand talent pour la rédaction, pour l'amplification
et pour la dissertation. Son ouvrage est écrit avec élégance et clarté;
la pratique, en général, est bien exposée, et beaucoup de préceptes sont justes
et présentés avec tant d'art, tant de conviction, que l'auteur passe encore pour
un savant aux yeux des gens du monde. Il disserte longuement, s'échauffe
quelquefois plus que la matière de son sujet ne le comporte, et grossit si
fréquemment les erreurs ou les fautes qu'il combat, que l'on pourroit croire
que son intention a été de rendre sa victoire plus importante. Quelquefois aussi
il rabaisse son ennemi pour mieux l'écraser.
Ses connoissances en physique, en physiologie et en botanique, nous semblent
absolument nulles, par la fausse application qu'il fait de ces sciences; et
sa crédulité d'une part et son incrédulité de l'autre, nous donnent une mince
idée de son jugement et de sa logique. Par exemple, après avoir énuméré et
condamné plusieurs greffes hétérogènes vantées par les anciens, et reléguées
depuis long-temps au rang des fables, il a présenté lui-même à l'Académie des
sciences une greffe, disoit-il, de houx sur prunier. Desfontaines, chargé par
l'Académie d'examiner cette greffe, a reconnu que c'étoit un prunus lusitanica
sur un prunus Laurocerasus. On sut bientôt après que c'étoit un pépiniériste,
nommé Boulogne, qui la lui avoit présentée comme une greffe de houx sur
prunier, pour se moquer de lui et de sa science.
A l'aide de son style élégant et facile, Calvel expose très-bien les opérations
de la pratique; mais lorsqu'il veut en expliquer les résultats d'une manière
scientifique, il tombe presque toujours dans l'absurdité.
Si nous passons à la seconde partie, c'est-à-dire, à la description des arbres
fruitiers et des fruits, nous ne retrouvons plus la même plume; beaucoup de
descriptions sont d'une négligence et d'une obscurité choquantes, surtout quand
on pense qu'il avoit ses entrées libres dans l'école et la pépinière du Luxembourg,
faveur qui n'a été accordée qu'à lui. Il mentionne plus de fruits qu'aucun
des auteurs qui l'ont précédé; mais sa nomenclature n'est pas toujours vraie,
et il y a plusieurs doubles emplois.