ARTICLE VII, Synonymie des fruits.
La synonymie d'une chose est la collection des noms qu'elle a verus en
difiercus temps et en différens lieux. Ce seul énoncé fait assez connoître condjien
il est difficile de l'aire une bonne synonymie des choses connues depuis long:
temps : il est même évident que beaucoup de noms anciens sont absolament
perdus pour nous, et qu'il seroit inutile de vouloir obtenir aujourd'hui la
synonymie complète des fruits. Mais s'il nous faut renoncer à l'espoir d'avoir
jamais une synonymie complète, nous apercevons au moins la possibilité d'en
obtenir une infiniment meilleure et surtout plus instructive que toutes celles
qu'on a vues jusqu'ici sur les fruits. Si en effet nous n'avons encore que des
synonymies inutiles, c'est que les personnes capables d'en faire de bonnes ne
s'en sont pas encore occupées, ou plutôt, c'est parce qu'elles en auront été
dégoûtées par les recherches et les vérifications immenses qu'exige un travail
de cette nature. Peut-être aussi n'a-t-on pas encore senti tout l'avantage qu'une
bonne synonymie peut apporter dans l'histoire des fruits. Outre qu'il est curieux
de connoître autant que possible quel nom portoit tel fruit à telle époque et
dans tel endroit, il arrive assez souvent qu'un seul nom nous met sur la voie
d'une découverte intéressante, ou redresse nos idées quand nous nous égarons.
C'est ainsi, par exemple, qu'après avoir long-temps cherché inutilement un
sens raisonnable au mot Epargne (poire d"), nous avons trouvé que ce mot
étoit un corrompu de Espagne (poire d') : nous avons également reconnu que
catillac, que nous avions d'abord cru dérivé de castigo ou de catillo, vient
de cade, cadille, qui veut dire petit baril, par allusion à la grosseur do ce
fruit, etc.
On voit donc que l'étude de la synonymie des fruits redresse ou étend nos
idées; mais ce n'est pas là le seul avantage que nous puissions en retirer : la
synonymie aide singulièrement à déterminer l'époque plus ou moins précise
de l'apparition de tel ou tel fruit, et cette partie est, scion nous, l'une des plus
intéressantes de l'histoire des arbres fruitiers; car il est indispensable de connaître
l'origine d'une chose, tant pour la suivre dans toutes les modifications de
son développement que pour déterminer l'étendue de sa durée, qui sont deux
points sur lesquels les savans du siècle commencent à raisonner, et sur lesquels
ils n'ont encore aucune donnée tant soit peu précise.
Pour qu'une synonymie soit aussi utile qu'elle est susceptible de l'être, il
ne suffit pas, en la faisant, de rassembler sous chaque espèce de fruit tous
les noms qui lui ont été appliqués, ainsi qu'on l'a fait dans le catalogue de
l'École du Luxembourg; il faut encore que chaque nom soit accompagné du
nom do l'auteur qui l'a créé, ou qui le premier l'a recueilli dans la pratique;
pour le consigner dans son ouvrage. C'est par ce seul moyen que nous pouvons
remonter à l'origine d'un certain nombre de fruits; et pour les autres, dont
l'existence date d'une époque antérieure aux premiers écrivains, que nous pouvons
les saisir du moins à une époque certaine de leur vie, les suivre et les
étudier pendant le reste de leur existence. Ce moyen de constater par la synonymie
que tel être existoit à telle époque, est employé depuis long-temps en
histoire naturelle, surtout en botanique, mais non pas sous le même point de
vue, puisque les botanistes ne s'occupent nullement ni de l'origine ni de la
fin des espèces, et qu'ils ne supposent même pas qu'elles soient susceptibles de
subir de modifications sensibles, tant que le monde sera monde.*
L'étude de la synonymie apprend que jusqu'à présent les auteui-s ne se sont
pas donné toute la peine nécessaire pour faire l'application juste des noms aux
fruits désignés par leurs prédécesseurs. La Quintinye n'a employé qu'une petite
partie des noms d'Olivier de Serres : Duhamel en a beaucoup négligé de La Quintinye;
et, soit que l'usage l'ait forcé d'agir ainsi, soit par toute autre raison, il fait
une application fausse d'un certain nombre de noms de La Quintinye. Ainsi,
Satin vert, Archiduc, Parfum d'été, Chat brûlé, Beurré blanc. Belle et Bonne,
Muscat fleuri, etc., etc., ne désignent pas les mêmes Poires dans Duhamel que
dans La Quintinye.
Il auroit cependant été très-facile à La Quintinye, comme intendant des
jardins d'un grand roi, de recueillir toute la nomenclature d'Olivier de Serres,
et d'en faire une juste application. Il auroit également été facile à Duhamel,
qui étoit riche et grand seigneur, de recueillir toute celle de La Quintinye;
mais ni l'un ni l'autre ne se sont occupés de cet objet, qui étoit cependant
bien digne de leur attention : il est arrivé de là que nous connoissons fort peu
de fruits d'Olivier de Serres, et que beaucoup de ceux de La Quintinye nous
sont également inconnus. Le seul moyen de combler, autant que possible, cette
lacune dans l'histoire des arbres fruitiers, seroit de faire venir de chaque département
un échantillon des fruits qui-y existent, avec leurs divers noms de pays:
on en établiroit ainsi la synonymie, et l'époque qui constateroit leur existence
seroit remontée de deux siècles.
Bauhin a travaillé pendant quarante années à la synonymie des plantes, et
quoique son ouvrage soit d'un très-grand mérite et d'une nécessité absolue en
botanique, on y découvre cependant encore tous les jours des erreurs, tant il
est difficile de n'en pas commettre dans un ouvrage de cette nature.
La synonymie des fruits est cependant encore plus (lifficile à établir que
celle des plantes, parce que les auteurs pomologistes sont bien moins nombreux,
bien moins méthodiques, et surtout bien moins intelligibles que les auteurs
Nous parlons ici dans le sens des botanistes systématiques; mais awx ye
matièi-e ne se modifioit pas coatiuuellement, si tout u'étoit pas entraîné e
qui nous est inconnu, il n'y auroit ni vie ni mouvement dans l'univeis
ï du philosoplie, si la
l's im but queieonque