mettre à profit. En un mot^ les connoissances nécessaires
au jardinage sont si nombreuses et si variées, qu'il sera
tovijours impossible à uii seul homme de les acquérir
toutes.
Peu de jardiniers praticiens ont écrit sur leur art, parce
qu'ils ont mieux aimé jusqu'ici, employer leurs connoissances
à augmenter leur fortune qu'à acquérir le nom
d'auteur tjui ne les flatte pas autant qu'une honnête
aisance. Cependant la bibliothèque horticole est assez
riche. Les rois et les princes ont souvent chargé les
intendans, les directeurs de leurs maisons, de faire rédiger
en corps d'ouvrage tous les procédés employés à la culture
de leurs jardins, et d'en faire jouir le public. Plus souvent
encore il s'est trouvé de riches propriétaires qui, par goilt
et par amusement, se sont particulièrement occupés de
culture, et qui, après avoir acquis les connoissances suffisantes
, ont cru devoir les mettre au jour pour que le
public pût en profiter. Les piiysiciens eux-mêmes furent
quelquefois obligés d'acquérir des connoissances pratiques
de culture pour mieux expliquer les phénomènes de la
nature ; ce qui a produit autant de traits de lumière
en faveur du jardinage ; de sorte qu'il existe un assez bon
nombre d'ouvrages à consulter sur la culture des différentes
sortes de jardins.
Celui des auteurs au-delà duquel il seroit inutile de
remonter, est le célèbre de la Quintinie. Cet homme de
mérite occupe à juste titre une place distinguée parmi
les personnages qui ont rendu le siècle de Louis XIV
à jamais mémorable. Avant lui, la science du jardinage
ne reposoit que sur des pratiques superstitieuses et ridicules.
On n'osoit ni semer, ni planter, ni tailler sans consulter
auparavant les phases de la lune. La munificence de son
maître le mit à portée de faire les expériences que lui
indlquoit son génie, et d'après le résultat desquelles il
établit des préceptes certains, des pratiques plus avantageuses
, et démontra l'absurdité de plusieurs vieilles
routines. Il refondit, si nous pouvons parler ainsi, l'art des
jardins, et en créa un nouveau basé sur l'expérience et
l'observation.
Aujourd'hui qu'une analyse rigoureuse , une critique
sévère soumettent à leur tribunal les hommes célèbres
qui ont illustré le règne de Louis X I V , on reproche au
grand Corneille de n'avoir pas toujours parlé français; à
Boileau , do n'avoir pas toujours bien fait des vers; et à
La Quintinie, de n'avoir pas toujours su tailler un arbre.
Cependant, nous accordons une grande considération à
ceux qui savent une partie de ce qu'ont su CCS grands
maîtres.
Après La Quintinie, peu de cultivateurs se sont fait
une juste réputation jusqu'au tems où parut l'immortel
Duhamel Dumonceau (jui a obtenu à bon droit le beau
nom de père de l'agiiculture. Il naquit à Paris en 1700,
fut reçu membre de l'académie des sciences à l'âge de 28
ans, et termina sa glorieuse carrière âgé de 82 ans. Aucun
citoyen n'a jamais dirigé ses travaux plus constamment
vers l'utilité publique, et peu d'écrivains ont été aussi
laborieux que cet illustre académicien. Nombrer ses
ouvrages, dit Condorcet, c'est présenter le tableau des