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font l'orties les colonies nombreufes qui ont occupé d’abord, loit les plaines
fituées entre le mont Ural & le mont Caucafe, d’où elles ont paffé en Europe-;
foie le mont Atlas, le nord de la Sibérie, & les contrées feptentrionales .de
l’Amérique ; foit vers le fud, l’Arabie & les Indes.
La chaleur & le froid produifent des impreffions analogues fur les plantes
& fur les animaux. C ’eft fur la zone torride de l’ancien, continent que fe
développent les arbres les plus volumineux & les fruits les plus gros. Sous les
pôles, au contraire, les arbres qui jouiffent ailleurs de tout leur accroiffe-
ment, rampent fous la forme de végétaux dégradés & ftériles.
Tous les êtres vivans femblent être attachés à une ou plufieurs zones.
L’homme feul, comme il peutfe nourrir de tous les alimens, peut vivre auffi
dans tous les climats ; il refpire librement à Quito , où le baromètre ne monte
qu’à 20 pouces & | & même fur les Cordilières, où le mercure ne s’élève
qu’à i j pouces 9 lignes.
L'échelle morale de l’homme eft auffi la plus étendue. Que font en effet
le Lapon & l’Eskimau, dont les fens refferrés par le froid, tranfmettent peu
d’idées ; le Crétin, dont les organes font malades ; le Sauvage, qui ne fonge
qu’à fes befoins les plus groffiers ; que font de pareils hommes auprès des
grands poètes, des grands orateurs, auprès de ces grands philofophes qui
ont fi bien compris & fi bien peint la nature ?
Remarquons qu’il faut ùn certain degré de froid pour donner au corps
humain tout le développement dont il eft fufceptible : le climat habité par
les Patagons eft auffi froid que la Norwege. Un froid trop confidérable arrête
auffi ce développement ; le domicile des Eskimaux, des Groenlandois, & des
Lapons, commence au foixante-fixième degré de latitude nord.
En général, il eft beaucoup plus facile aux animaux qui vivent de chair de
s’étendre & d’occuper un grand efpace fur le globe, qu’à ceux qui ne fè
nourriffent que de végétaux ; ceux-ci font plus délicats ; mais en s’étendant
d’une zone à l’autre, les êtres vivans éprouvent toujours quelque influence
qui les modifie ; ces changemens ne font pas toutefois affez confidérables
pour qu’il en réfulte des efpèces nouvelles.
IV. Pour l’homme , comme pour les autres animaux, trois caufes principales
de variétés exiftent; le climat, la nourriture & les moeurs.
Tout annonce que la couleur dépend du climat; les poils font plus ou
moins, blonds dans le nord ; à de grandes diftances, le Sénégalois reffemble
au Nubien. Dans le nçrd de l’Amérique, on trouve des.efpèces de Lapons
qui diffèrent peu de ceux d’Europe. Les Sauvages du Canada font fous la
même latitude que les Tartares orientaux; auffi voit-on entre eux de grands
rapports. Ceux qui habitent les fommets des Cordilières font prefque blancs.
Enfin, fuivant M. Bruce, on trouve des hommes blancs dans l’intérieur de
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l’Afrique,. même fous l’Equateur; c’eft fur les terres les plus baffes que fe
trouvent les Nègres.
C ’eft fur les lieux les plus élevés que les hommes vivent le plus long-temps,
& qu’ils jouiffent. de la plus grande aftivité.
V. Dans l’efpèce humaine, la fécondité dépend en grande partie de
l'abondance de-fubftànces alimentaires1; la dilette mène, à laftérilité; & l’op-
preffion , fource de toutes les mifères, produit le même fléau.
VI. Ceux-là fe trompent qui regardent la durée de la vie comme étant
proportionnée à celle de la geftation. Dans les animaux vivipares qui n’engendrent
qu’un petit nombre de foetus, c’eft la durée de l’accroiffement qui
en offre la méfure ; en multipliant celle-ci par, 5 ou par 6 , le produit donne
la durée, de la vie humaine.
En général, la durée de la vie eft la même à-peu-près pour les différens
peuples, quels que foient leurs alimens & leurs climats.
VII. La vie eft compofée de deux états, qui fe combattent fans ceffe , qui
font dans une lutte perpétuelle-entre eux; du fommeil, qui eft un état de repos
& d’inertie ;•&’ de la veille, qui eft un état d’aélivité» Dans l’homme, leur
fucceflion n’eft prefque jamais celle que la nature indique ; en lui les àffeétions
morales s’exaltent, elles dérangent les mouvemens de fes organes , & la plupart'des
maladies font l’effet de ces défordres.
VIII. Les philofophes ont diftingué deux efpèces d’éducation ; celle de
l’individu, -qui eft commune à l’homme & aux animaux , & celle de l’ef-
pèce , qui n’appartient qu’à l’homme.
IX. C ’eft par les alimens que l’homme & les animaux reçoivent en
grande partie l’influence de la terre. Les animaux font plus fournis que
l’homme aux Caufes phyfiques ; , pour cette raifon , ils ont chacun leur
contrée : les quadrupèdes font fur-tout forcés de fubir la loi du climat :
l’oifeau s’y fouftrait, & on ne fait pas encore bien ce que peut le climat
fur les poiffons, dont plufieurs familles voyagent, & qui vivent dans un
autre élément. Les cétacéesj les .oifeaux; aquatiques & les poiffons font les
habitans les plus reculés du globe; ils parviennent à des régions que fans doute
l’homme ne pourra jamais atteindre.
t iX,;La grandeur du corps a des attributs pofitifs. Le grand, dit un
philofôphe moderne ( 1 ) , eft àuffi fixe dans la nature que le petit y eft
( 1 ) Buffon, Tome IV,