
xxij D I S C O U R S
deux fortes de fleurs , qui ont chacune deux fexes , dont un feul eft fécond,
& celui-ci elt différent dans les deux ; de forte qu’elles font Amplement
les unes 1 office de males , les autres celui de femelles: mais les individus des
deux elpècçs n’y font pas raffemblés par couples ; c’eft une fingulière ef-
pece de polygamie : une femelle unie à plufieurs mâles ftériles eft fécondée
par les males d une autre fleur , unis à une femelle incapable de produire Cliff. 35. r %
4°- Dans toutes les plantes où les mâles Sc les femelles font féparés '
foit fur différentes fleurs , foit fur différens individus , où enfin les mâles’
ne font pas fitués direftement au-deffùs des femelles , les fleurs doivent
neceffairement éclore avant les feuilles , afin que celles-ci ne s’oppofenc
pas a la fécondation ; Sc c’eft ce qui a lieu dans le mûrier, le gu i, l’aune £
le hetre , le chêne, le noyer , le faute, le peuplier , le frêne , Sec.
5°. On voit la plupart des fleurs s’épanouir d’abord, lorfque le foleil
paroîc fur l’horizon, Sc fe refermer le foir, ou par un tems humide. Sans
cette précaution de la nature , l’humidité collant le pollen aux anthères ,
1 empechcroit de fe difperfer ; mais, ce qui eff bien remarquable , c’eft
qu’auffi-tôt que les ftigmates l’ont reçu , les fleurs ne fe ferment plus ni
le foir , ni dans le tems des pluies.
Quand le fèigle en fleurs étale fes anthères, s’il eft furpris par la pluie
les agriculteurs en augurent mal , Sc avec raifon ; la pouffière agglutinée
ne peut plus fervir à la fécondation. Il n’en eft pas de même de l’orge • la
peau qui enveloppe fes grains les met à l’abri de l’humidité.
Quand les poiriers Sc les cerifiers font fur le point de fleurir, la pluie
leur eft fouvent funefte , par la même raifon ; mais elle l’eft fur - tout au
cerifier , parce que les anthères de cet arbreqettent leur pouffière tout à la
fois , au lieu que le poirier ne difperfe la fienne que peu-à-peu , 8c que fl
une partie devient inutile , le refte peut fructifier.
6°. Théophrafte, Pline , Tournefort, 8c d’autres auteurs , nous ont appris
que les Orientaux arrachent des rameaux du palmier mâle , pour les
attacher fur ceux du palmier femelle , fans quoi les dates font âpres 8c fan s
noyau. *
Les Siciliens fuivent des méthodes femblables relativement aux piftachiers.
Les uns coupent les grappes des fleurs ( c’eft-à-dire, lès étamines} du pifta-
chier mâle , les placent dans des vaiffeaux , d’où les vents portent plus aifé-
ment la pouffière fur les ftigmates du piftachier femelle ; d’aunes mettent
dans de petits facs les fleurs mâles , les font fécher , & ils en répandent
eux-mêmes la femence fur les fleurs femelles. Par ces pratiques, les uns 8c
les autres fe procurent de meilleures récoltes.
7°, La plupart des plantes ayant un long piftil, la pouffière parviendroit
difficilement aux ftigmates , fl les fleurs de ces plantes n’étoient pas inclinées
, comme elles le font en effet. On ne fauroit attribuer avec vraifem-
P R Ê L I M I N A I R E . xxiîj
blance cette fituation à la pefanteur, puifque les fruits de ces mêmes plantes
, dix fois plus pefans que les fleurs , croiflènt dans une fituation verticale.
8°. Plufieurs plantes , comme le nymphéa, ont leurs tiges dans l’eau ;
mais fur le point de s’épanouir , leurs fleurs nagent à la furface : d’autres ,
comme les renoncules aquatiques | y font entièrement plongées ; 8c , à la
même époque, elles élèvent leurs fleurs au-deffus de l’eau , puis les y replongent
après le temps de la fécondation.
9". La plupart des fleurs compofécs femblent contredire la propofition dont
on raflemble ici les preuves; cependant elles la confirment. Ces fleurs font
conftruites fur différens plans. Dans la polygamie égale, routes les petites
fleurs portent desétamines & des piftils. Dans la polygamie fuperflue ( ou plutôt
avec furabondance), des petites fleurs , qui ont toutes leurs étamines 8c
leurs piftils, occupent le difque ; 8c fur les rayons il n’y en a que de femelles
, qui font fécondées par la pouffière furnbondante des mâles , fitués
au milieu. La polygamie inutile (1) ( polygamia fruftranea ) , raffemble dans
le difque , à côté des mâles, toutes les femelles fécondes ; elle a fur les
rayons d’autres femelles , mais qui font ftériles malgré l’abondance de la
pouffière. Enfin, dans la polygamie nécejjaire , les petites fleurs que raflemble
le difque, ont toutes leurs étamines,Sc ieurs piftils ; mais elles n’ont
point de ftigmates , 8c les petites fleurs des rayons n’ont point d’étamines
; ainfi la plante feroit ftérile , Sc fon efpèce périroit, fi l’autèur de la
nature n’avoit placé fur les rayons , des piftils munis non-feulement de
ftigmates, mais encore d’étamines. On voit donc que , dans aucun cas ,
les plantes à fleurs compofées ne manquent ni d’organes mâles, ni d’organes
femelles , capables de les propager.
io°. Les ftigmates fe comportent à l’égard des étamines , comme les
mâles des animaux à l’égard de leurs femelles. Ainfi , par exemple , dans
les parnajfioe , on obferve cinq étamines courtes , qui fucceffivement s'alon-
gent, viennent enfin toucher leftigmate, 8c fe retirent.
Obfervez la pariétaire ou la menthe le matin , c’eft-à-dire, dans cette partie
delà journée qui, pour les animaux, eft le plusfpéciakment confiacréeaux
amours ; vous verrez leurs anthères fe rompre avec explofiori , 6c lancer
leur pouffière fur les piftils. On avancera ce moment, fi l’on pique les anthères
avec une aiguille, comme l ’a obfervé V a il l a n t , dife. 3.
Les melons, les concombres , les courges , 6cc. portent deux fortes de
fleurs , dont les unes , nommées ftériles , n’ont , des différentes parties
dont il s’agit, que les étamines ; les autres , qui produifent des fruits , n’ont
que des piftils. Les jardiniers ont coutume de facrifier les premières , comme
ne fervant qu’à confumer inutilement une portion de la nourriture de
(1) C ’eft-à-dire , oà il y a des individus inutiles.