
moufles. On trouve ces fortes de dents molaires dans l’homme, dans les
linges, dont les aiimens Ce tirent du règne végétal, & dans le fanglier, qui
le nourrit de fruits, de graines, & de racines plus fucculentes & plus faciles
à triturer que les feuilles & les-herbes. Les dents de ce troilième ordre , ou à
tubercules , peuvent broyer des aiimens de toutes les fortes ; auffi les quadrupèdes
qui en font pourvus s’en accommodent-ils lorfque les circonftances
-l’exigent. Ils font vraiment omnivores. Les dents du premier ordre ou à
lames , fe trouvent fur-tout dans les herbivores & dans quelques quadrupèdes
qui ne fe nourrilfent que de végétaux. Celles du fécond ordre ou à pointes,
n'appartiennent qu’aux carnivores : leur mécanifme n’eft pas le même que
celui des deux autres ordres ; on ne peut les comparer à des meules; elles
coupent, elles déchirent ; mais elles ne triturent pas comme les dents à tubercules
ou à lames , dont les tablettes larges, applaties, 8eà-peu-près horizontales
, fe.touchent, lorfqu’eües font rapprochées, dans une très-grande partie
de leur étendue , tandis que celles des dents à pointes, quelque rapprochées
qu’on les fuppofe , laiffent toujours de grands intervalles entre elles.
Les dents à tubercules 8c à pointes ont une grande analogie entre elles :
leur émail eft difpofé de la même manière ; les tablettes font plus obliques,
& les éminences font plus de faillie & fe préfentent fous des angles plus aigus
dans les fécondés que dans les premières ; mais au fond leur ftruéfure eft la
même. Auffi les animaux carnivores mangent-ils quelquefois des végétaux ,
tandis que les ruminans 8c les folipèdes refufent de. fe nourrir de viandes. Les
dents à lames des herbivores font donc très-éloignées de celles des deux
autres ferions , & il n’y a point de véritable rapprochement entre elles. Les
dents de tous les quadrupèdes connus peuvent 1e rapporter à cês trois ordres.
C ’eii une recherche curieufe que de confidérer dans cette claffe d’animaux
les différentes combinaifons des divers ordres de dents. Le fajou, par exemple
, le mococo, le phalanger, le hériffon & l’oreillard , ont chacun trente-
lix dents dont la diftribution varie dans chacun d’eux. Le phalanger a huit
dents incifives fupérieures ; le mococo, le fajou & l’oreillard en ont quatre ,
& le hériffon n’en a que deux. On compte dans ce dernier trente-deux dents
molaires ; dans le phalanger il y en a vingt-lix, dans le fajou vingt-quatre ,
dans le mococo & dans l'oreillard vingt-deux, avec cette différence que les
polaires fupérieures font au nombre de douze , & les inférieures au nombre
de dix dans le mococo, au lieu que par une difpolition inverfe, les inférieures
font.au nombre dè douze , 8c les fupérieures au nombre de dix dans
l’oreillard. Nous femmes bien loin de pouvoir rendre compte de ces variétés,
qui ne paroiffent que blfarres au premier afpeéf, mais qui font, on n’en fau-
roit douter, relatives à la force , aux befoins des animaux, 8c fur-tout à la
nature des aiimens dont ils doivent fe nourrir. Déjà M. Brouffonnet J ingé-
nieufement remarqué que les dents incifives fupérieures & moyennes de
l’homme , étant plus larges que les latérales, & ne fe touchant point, font,
par cette difpolition , analogues aux incifives des herbivores , tandis que les
incifives moyennes de la mâchoire inférieure, étant moindres que les laté-
Irales, ont des rapports avec celles des animaux carnaffiers. Ainli des obfer-
[vations exaâes & des comparaifons luivies expliqueront fucceffivement toutes
|ces énigmes. - ' _« I Non-feulement le fexe apporte quelque 'différence dans les formes des
[dents, comme je l’ai dit en parlant du cheval ; mais le climat influe encore
[fur leur nombre 8c fur leur ftruâure dans les animaux du même genre. C ’eft
Jainfi que, fuivant la remarque de M. Camper, le rhinocéros d’Afrique , armé
[de deux cornes, n’a point de dents incifives (i ) , tandis que celui d’Afie ,
[qui n’a qu’une corne, eft pourvu de deux dents incifives fupérieures, & de
[quatre inférieures (z). C ’eft ainfi que , fuivant le même anatomifte , les lames
[des dents molaires de l’éléphant d’Afie , font beaucoup plus nombreufes que
telles de l’éléphant d’Afrique (3); ce qui fournit un moyen fùr pour Tes recon-
frioître 8c les caraèférifer tous deux.
I Veut-on avoir, en peu de mots , une idée exaéïe de l’aftion de toutes les
tfpèces de dents molaires dont j’ai parlé jufqu’ici ? Dans les carnivores elle
§éfulte du mouvement angulaire des mâchoires qui s’élèvent 8c s’abaiffent,
l ’éloignent ou fe rapprochent, les dents qui font taillées obliquement gliifant
les Unes fur les autres de haut en bas-. Dans les herbivores, c’eft principalement
de droite à gauche que l’os maxillaire poftérieur le déplace ; dans
l’homme, comme dans les linges, les molaires inférieures, en paffant fous
les fupérieures , décrivent des courbes dont la grandeur & l’élévation varient,
leur mouvement étant compofé de ceux qui fe font de haut en bas , de droite
à gauche, & de derrière en devant. Enfin, fuivant les obfervations de
M. Camper (4) , c’eft principalement dans une direftion longitudinale que fe
portent les dents molaires du cabiai & de l’éléphant, 8c c’eft auffi dans le
même.fens que fe fait, dans ce dernier, l’effort de leur accroiffement.
K Des rapports conftans exiftent entre la ftruèfure des dents des carnivores
8t celle de leurs mufcles , de leurs doigts, de leurs ongles , de leur langue,
de leur eftomac , 8c de leurs inteftins. Cet appareil doit évidemment fervir à
pourfuivre , à tuer des animaux, à déchirer leurs membres, à digérer leur
chair, à s’abreuver de leur fang. Sepourroit-il que cette guerre non interrompue
entrât dans le plan de la nature ! par elle le fort fut armé contre le
foibie ; par elle fut aiguifée la dent du lion 8c du tigre ; par elle les fubftances
végétales furent deftinées à nourrir des animaux q u i, dévorés à leur tour, fe
replongent fucceffivement dans ce règne muet & infenfible où tout s’abyme
& s’engloutit ; par elle enfin furent organifés ces grands quadrupèdes (5)
, ' (1) Le rhinocéros d’Afrique a la peau lifte.
ï : ( 2) Celui-ci a la peau rugueufe & pliflee.
(3) H faut remarquer que cet élé pliant eft d’une taille inférieure à celle du premief.
1 (4) M. Camper a fait-fur l ’éléphant & fur les linges un grand nombre d’obiervarions nouvelles dont il eft à defirer que les favans ne foient pas privés plus long-temps.
■ (5) Tels font le mamouth & l’élan aux cornes palmées. Obfervations fu r la Virginie. , par M. Jefferfon ,
P. 103 & 126; ouvrage traduit & publié par un des plus favans littérateurs de cette capitale.
■ M. l ’abbé Morellet ). *