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'1751. queue qui font d’un très-beai blanc. Il a le bec très-
"^4ar?* fort & crochu comme celui de l'aigle, &des ferres
aigues, courbées en demi-cercle, dont il le fert admirablement
bien pour la pêche. Il fè tient ordinairer-
ment fur les arbres au-deflus de l’eau, & quand il voit
un poiflon approcher de fa furface , i l fond deffus, ôc
l’enleve avec fès ferres. J’en tuai un qui me fit regarder
d’un fort mauvais oeil par nies nègres , parce que
cet oifeau eft craint & refpeété chez eux : ils portent
même la fuperftition au point de le mettre au nombre
de leurs marabous, c’eft-à-dire, de leurs prêtres, qu’ils
regardent comme des gens fàcrés & divins. Ils s’appai*
fèrent cependant dès qu’ils virent que je leur avois
procuré un poilfon de plus de quatre livres * que ce
prétendu marabou avoir porté fur le rivage pont en
faire curée.
*4 Avril. Une aventure à peu près femblable m’arriva le 2 Z
d’avril au village de Sor. J ’étois afïrsfür une natte au
ipilieu d'une copr, avec le gouverneur du village M
toute fa famille. Une vipere de l’efpece malfaifante *
après avoir fait le tour d e là compagnie, s’approcha
de moi. Cette familiarité ne me plaifoit guère $ & pour
éviter les accidens, je m’avifài de la tuer d’un coup de
baguette que je tendis à la main. Toute la compagnie
fe leva aufïi-tôt-, en jettant les hauts cris, comme fi
j’eus fait un meurtre : chacun s’éloigna de mof^ &' prit
la fuite : l’endroit fut bientôt défèrt. Comme la chofe
devenoit férieufe , 8c que, le bruit s’en répandoit dans
tout le village ; je profitai de cet inflant où j’étois fèul,
pour mettre la vipere dans mon mouchoir, & la cacher
dms la poche de ma vefle. Ç’étoit le moyen de m’afïurey
A U S Ê r i G A L. î i y
cet animal, qu|f $toit fi difficile de fè procurer dans ” sfsiT*
çe pays ; & en même terns de calmer, tous les efprits Airril*
en le leur ôtant de layûgi-Je n’étois pas trop en furet©
dans:ce lieu, &Toh:m’ÿ auroit fait un mauvais partie
mais le maître du village* homme de bon fens., chez
qui tout cela s’étoit paiTé, réfléchit qu’il étoit de fon
honneur & de fon Intérêt- de faire ,ceffer le tumulte ô&\
d’étouffer le bruit : l’autorité que lui donnoit fa place,
ion car-aélere de marabou, la-maniéré dont il s’y
Pf?i,t, lui en affùrerent la réufîite. Voila un trait qui tes jfrVÙ
fait voir combien ggg nègres font zélés obfervateurs fu"
de l-eur r é g io n 8c des fuperfHtions qui y font attachées^.
Ils 31,4 Regardent pas les ferpens "comme leurs
fétiches ou leurs divinités „ ils Jestieipedent cependant
a$èz:pour neîlçs pas tùér.: ils les laiflent croître & multiplier
dans Jeuïs cafès, quoique fouvencees animaux
mangent leurs poulets * .8g. oient coucher , pour ainfî
4 iïfc$ aveo-è^, Il ell y|ai qu’il efl rare qu’ils fanent du
m â ù ’perfonney il faut qu’ils- foient attaqués ou b le A
fés, âiQu qu’on leur marche fur le corps,. pour les obliger
a donner un coup de dent.
Le 7 de mai .je;defcendis le Niger pour vifitér le 7 Mai
marigot.de De l, qui n’efl pâs fort éloigné de fon em-*iW kTmwi- ’
bouchu.re. Le vent étoit favorable ; & mes nègres pour.got de t)e!*
s’éviter la peine de pagayer, ou de ramer.,, mirent à la
Voile. On peut croire que celle d’une petite pirogue de -
trente pieds de long , ne.doit pas être bien grande::
ai|fu ne furent-ils pas beaucoup embaErafles pour là
trOuyer. L’un d’eux planta une perche de dix, pieds
fur l’avant. * Ô£ la croifànten haut avec un petit b â to n ,
y étendit la, pagne dont il étoit vêtu. Ces pagnes font