I7. 0- : je les avois vu au nord du Niger., mais feulement fur
Anes* d $ des ânes, dont ils étoient très-bien fournis» J’eus de la
maures. ' peine à reconnoître cet animal, tant il étoit beau 8c
bien vêtu en comparaifon de ceux de l’Europe , qui je
crois fèroient de même, fi le travail ôc.la maniéré dont
en les charge ne contribuaient beaucoup a les défi?'
gurer. Leur poil étoit d’un gris de fouris fort beau ÔC
bien luftré, fur lequel la bande noire qui s’étend le
long de leur d o s, 8c croife enfuite fur leurs épaules,
faifoit un joli effet. Ces ânes font un peu plus grands
que les nôtres, mais ils ont aufli quelque chofç dans la
tête qui les diftingue du cheval, fur-tout du cheval
barbe, qui eft comme eux naturel au pays, mais tout
jours plus haut de taille.
Carmen? des II m’étoit déjà arrivé de demeurer quelques jours au
milieu des nègres; mais je n’avois. jamais refié fi long-s
tems chez eu x , feut 8c éloigné du commerce des gens
de ma nation. Ce fut-là que j’eus lieu de connoître à
fond leur caradere , leurs moeurs, leur maniéré de
vivre, & leurs ufages : j’y fus même témoin delà ce'-?
fémonie d*un mariage ; mais cela m’éloigneroit trop de
mon fujet ; je me bornerai a dire ici qu ils font en ge^
néral très-humains 8c hofpitaliers. ‘
ic juin. Le 9 mai je retournai de Ben a C orée,dfoùje partis
Goréï*1* ^ le ro du mois fuivant pour me rendre a rifle du Séné-
Retardement gai. J’arrivai le 16 à la barre, au pied de laquelle je
biS obligé ^attendre les vents pendant Quatre joursr
On peut juger de quelle tranquillité j’ai dû jouir dans
un petit bateau balancé en tout fens par des lames
continuelles. J’eus là tout le loifir de confidérer l’effet
furprenant de ces lames de la barre., &. de promener.
Pêche? du
grondin.
ma vue de toutes part.s, fans appercevoir autre chofe
que des fables éblouiflàns d’un côté , 8c la plaine liquide
de l’autre. Il eft vrai que quelquefois ce fpedacle
uniforme étoit varié par la vue des pirogues dés nègres
pêcheurs, qui bravoienc la barre pour venir à bord
apporter du poifïon. Quoique la mer foit très-grofîe
à la côte, la rade ne laiflè pas d’être poiflbnneufe. Nos
matelots y faifoient une pêche abondante à la ligne,
fur-tout d’une efpece de vieille qui y eft fort commune.
Ce poifïon a une avidité extraordinaire pour
mordre à fhameçon ; 8c dès qu’il eft pris, c’eft un plai-
fir de voir les élans 8c les efforts qu’il fait pour fe délivrer
: cela va même au point qu’il renverîè fon efto-»
ïnac s que l’on voit fortir par la bouche fous la forme
d’une vefïie de carpe : ces efforts font encore accompagnés
d’un bruit lourd 8c très-fort, qu’il rend comme
en grondant, 8c qui lui a valu le nom de grondin ,
fous lequel on le connoît fur cette côte.
Un vent d’ouéft , en me tirant de ce difgracieuX AtTÎv^:
fêjour, me fit pafïèr la barre 8c me remit à fille du du Sénégal.
Sénégal le 20 du mois de juin. J’avois grand befoin
de me repofèr des fatigues de tous mes voyages fur la
mer, qui m’avoit plus incommodé que n’auroit fait
une longue maladie. Chacun fçait que le mal de mer
eft une efpece' d’abattement ou de défaillance, qui
caufe des naufées 8c des vomïflèmens plus ou moins
fréquens, félon la diverfité des tempéramens qui font
expofés fur cet élément. Il y a des gens qui n’ont jamais
connu ce mal ; il y en a d’autres qui n?en refïèntent
les effets que pendant les premiers jours, 8c qui en font
quittes pour quelques étourdiffemens : dans d’autres
Mal de lîSéîy
ce que c’eft.