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« Un dessin qui représente un objet de dimensions microscopiques, comme toute
figure scientifique d’ailleurs, ne peut avoir la prétention de remplacer l’objet lui-même;
il doit se borner à rendre avec toute la n e t te té possible les particularités notées par l’o b servateur
et compléter la description telle qu’elle est contenue dans le texte. L’image sera
d’autant plus parfaite que l’oeil de l’observateur sera plus exe rc é; l’intelligence qui saisit
les rapports entre les formes viendra en aide au talent du dessinateur. »
« Le lecteur doit considérer la figure comme le résultat des réflexions et des remarques
de l’observateur, c’est à ce prix seulement que l’un et l’autre arriveront à se comprendre
réciproquement... Celui qui exécute le dessin d’un objet de dimensions microscopiques
se trouve dans la nécessité d’accorder une attention spéciale à certains points, à
certaines lignes, de déterminer les rapports qui les unissent... L’usage constant du micros-
...ype p r ..u: eu! aa aataraüste de perîectijnner le don de l’oü ervaaon et d’en tirer parti
,iu pji.it Je vae Je la :ciea:e; de même, ce n’e . t qu’en dessinant avec soin les objets
e .ami-.é qu. le ootaniste parvient à exercer son attention et à la maintenir dans un état
d’activité perpétuelle, et cet avantage échappe au botaniste qui s ’en remet à un autre du
soin d’exécuter ses figures. On doit à Mohl des figures qui représentent des objets
microscopiques et qui indiquent nettement les opinions de l’auteur. Mohl ne se borne pas
à copier les objets qu’il examine: il les étudie, il les pénètre pour ainsi dire jusque dans
leur essence, et s ’efforce avant tout, en les reproduisant par la gravure, de les interpréter
» (1).
Ainsi donc, de l’avis de Sachs, avis partagé par tous ceux qui sont réellement
compétents en la matière, les coupes microscopiques sont comme un monde dans lequel
l’oeil de l’anatomiste évolue ainsi que le ferait un voyageur dans un pays quelconque, et où
il ne relève'que les détails qui l’intéressent spécialement; il en fera un dessin qui, sans être
.schématique, n’en sera pas moins interprétatif C’es t là la grande importance du dessin
résultant de l ’observation microscopique; c’es t d’obliger en quelque sorte l’observateur à
porter son attention sur la coupe, non pas d’une façon quelconque, ni avec des idées
préconçues, mais de manière à discerner les faits les plus propres à établir sa conviction.
Dans nos laboratoires de la candidature en sciences naturelles, il est frappant de voir
s ’exercer le discernement des étudiants. Au bout 'de quelques séances, on distingue ceux —
c’e s t toujours le petit nombre — qui se font une saine idée des choses qu’ils observent
de ceux qui ne parviennent pas à se dépêtrer du fouillis des détails qui se présentent à leurs
yeux dans les préparations microscopiques. Ces derniers s ’évertuent laborieusement et péniblement
à enregistrer dans leurs dessins les minuties les plus infimes qui contribuent plutôt
à oblitérer leur entendement. Ce sont de vraies machines à dessiner obsédées par l’aspect
des choses, mais ne cherchant pas à en démêler la nature, à en saisir l’importance relative.
Aussi arrivent-ils à de piètres résultats. C’es t que l’esprit d’observation n’arrive guère
à se développer chez eux; ils ne cultivent pas la faculté de voir et d’observer.
D’après ce qui précède, on peut constater que Sachs considère, à bon droit, comme
un progrès, le fait que les phytotomistes ne s ’en remettent pas à d’autres du soin d’ex é cuter
des dessins. Nous n’amplifierons pas cette idée. Mais on admettra sans peine que la
(1 ) S A C H S . Loc. cit. p . 2 6 8 -2 7 0 .
substitution de la photographie aux dessins faits à la main par l’observateur lui-même
constitue un recul, puisque les documents sur lesquels on base ses conclusions sont, non
pas des dessins exé cutés par soi-même à la main, mais des reproductions obtenues machinalement
par des procédés photographiques ; c’est tout comme si l’on en confiait le soin
à un artiste dessinateur.
Je conclus donc en formulant le voeu suivant:
« Considérant que l’emploi exagé ré de la photographie dans les diverses branches de
la botanique constitue un véritable recul dans les méthodes d’investigation, attendu que cet
emploi est de nature à porter un sérieux obstacle à la diffusion des connaissances acquises,
il est désirable que les botanistes, en général, abandonnent les procédés de reproduction
directe des objets par la photographie, sinon entièrement, du moins en partie, pour en
revenir d’une façon plus exclusive aux dessins faits à la main par les observateurs eux-
mêmes, suivant les idées émises par Sachs dans son Histoire de La Botanique.
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