ne reproduit qu’un plan pour ainsi dire théorique de la coupe ou de l’objet qui lui est
soumis. Par conséquent, la photographie obtenue par un appareil microphotographique
quelconque n’enregistrera que les détails inhérents à ce plan ; bien d’autres détails, perceptibles
à l’observation oculaire aidée de la vis micrométrique et intéressant d’autres plans
échapperont au document ainsi obtenu. Ces autres détails, on le sait, sont cependant souvent
indispensables pour établir les caractères propres à distinguer l’objet dont on fait l’étude.
D’autre part, parmi les détails enregistrés, il en est une foule souvent qui sont dénués
d’intérêt ou même gênants pour l’interprétation.
Il résulte de là que, presque toujours, les épreuves microphotographiques constituent
des documents de valeur très médiocre au point de vue de l’observation scientifique,
ajouté à cela que « pour réussir, il faudrait s ’occuper exclusivement de photographie
microscopique; bien d’autres travaux réclament le botaniste! » (1)
Comme preuve de ce que j ’avance, je pourrais signaler de nombreux travaux présentant
des reproductions microphotographiques de coupes ; mais on conçoit que le souci
d’éviter les personnalités me commande de ne pas insister.
Les considérations qui précèdent s ’appliquent tout aussi bien à l’emploi des procédés
ordinaires de la photographie dans l’étude microscopique des matériaux de nature végétale.
J’ai passé en revue de nombreuses publications européennes et américaines. Ces dernières
surtout, en général luxueusement éditées, foisonnent de planches obtenues par des
procédés photographiques. Telles de ces planches prétendent représenter des semences
(fruits ou graines) appartenant à diverses familles végétales, telles autres, diverses races
de pommes de terre ou de fruits que l’on reconnaît être des pêches... quand on en a lu
la légende; d’autres encore figurent des germinations dans des pots, des plantes ou parties
de plantes malades, etc., etc.
Dans l’immense majorité des cas, il est bien difficile, pour ne pas dire impossible, de
retrouver, dans ces images, les caractères ou les détails énoncés dans les textes . Il n’est
pas possible de différencier les diverses races de pêches ou de pommes de terre, par
exemple. C'est vainement que l’on recherche dans les semences reproduites les détails
caractéristiques qui existent à leur surface. Certaines parties malades de plantes pourraient
tout aussi bien sembler envahies par des lichens. En un mot, ce que Ton a
devant soi, ce sont plutôt des silhouettes et souvent même des silhouettes mal faites.
Il e s t superflu de m’appesantir sur l’influence fâcheuse de ces procédés d’illustration
sur la diffusion des connaissances scientifiques. De nos jours, il devient de plus en plus
difficile de lire toutes les publications scientifiques qui voient le jour aux quatre coins du
monde; cela se vérifie surtout lorsqu’il faut s ’astreindre à un travail de traduction.
Quand des mémoires quelconques et, à plus forte raison, ceux écrits en langue étrangère,
sont accompagnées de figures bien dessinés, on s ’en assimile aisément le contenu. Souvent
même la simple lecture des figures suffit dans ce but et cela constitue une énorme
économie de temps. Mais il devient fastidieux et en tout cas pénible de prendre connaissance
de travaux plus ou moins longs lorsqu’ils sont mal éclairés par des figures peu explicites.
Aussi arrive-t-il même souvent que Ton recule devant une telle nécessité.
(1 ) J. C H A L O N . — N o t e s d e B o t a n i q u e e x p é r im e n t a l e , 2^' é d i t . p. 23.
Des oeuvres semblables sont généralement vouées à l’oubli, à moins qu’elles n’aient
fait l’objet de la part d’un lecteur patient e t bénévole d’une analyse insérée dans Tune
ou l’autre revue bibliographique qui sont d’un si grand secours pour les chercheurs consciencieux.
Malgré cela, combien n’y a-t-il pas de ces travaux qui sont à peu près perdus
pour la science !
Tel est le côté objectif de la question. Mais au point de vue subjectif, on ne
saurait trop déplorer non plus les conséquences des méthodes d’investigation basées sur
l’emploi excessif de la photographie pour les recherches de botanique.
On sait les effets heureux qu’entraîna à sa suite la découverte du microcoscope.
Sachs ,dans son Histoire de la Botanique, a magistralement développé cette thèse. Qu’il me
soit permis de transcrire quelques passages de ce livre :
La faculté de voir et d’observer est un art qui demande à être cultivé; pour pouvoir
signaler avec exactitude les faits, pour les coordonner ou établir les différences qui les
distinguent, pour que la volonté puisse agir efficacement, toutes les forces de l’observateur
doivent tendre vers un but déterminé. Jusque vers le milieu du XVIIe siècle, cet art de
l’observation ne s ’était guère développé... »
«... Ceux qui s ’en servaient (du microscope) apprirent... à appliquer aux objets de
leurs études une méthode d’observation scientifique et minutieuse... ; ce qu’on voyait... ne
constituait qu’une petite partie de l’objet même. La réflexion, la pensée volontaire et consciente
devaient s ’unir au travail des nerfs optiques afin de permettre à l’observateur
d’acquérir des idées nettes à l’égard des rapports qui unissent entre elles les différentes
parties de l’objet examiné d’une manière fragmentaire. Grâce à l’usage du microscope, l’oenl
devint un instrument scientifique... et ses fonctions ne se bornèrent plus à effleurer les
objets... L’observation, tant qu’elle s ’est effectuée sans le secours du microscope, a permis
aux yeux d’errer çà et là sur les objets examinés et de troubler par là l’attention de l’o b - '
servateur » (1).
Ailleurs, Sachs dit en substance que ce ne sont pas les perfectionnements apportés
dans la construction des microscopes qui ont surtout déterminé les progrès de l’Anatomie
végétale en particulier; c’est plutôt la manière, l’habileté de s ’en servir.
Mais un point sur lequel le savant auteur allemand insiste particulièrement e t qui,
comme il le pense très judicieusement, a contribué avant tout à pousser les travaux
d’anatomie végétale dans la voie du progrès, c’es t la nécessité qui s ’es t imposée aux phyto-
tomistes de dessiner eux-mêmes les préparations qu’ils observaient au miscroscope. Transcrivons
encore ce qu’il en dit :
« Cependant, de cette époque même date l’apparition d’une singulière erreur; les
botanistes dont nous parlons crurent pouvoir se procurer des figures exactes et plus parfaites
en remettant le soin de leur exécution à des mains étrangères ; ils pensaient se débarrasser
ainsi de toute opinion préconçue et éviter toute erreur. »
« Parmi les anatomistes... un grand nombre imitèrent l’exemple de Leeuwenhoek et
eurent des dessinateurs payés. »
(1) S A C H S . — Histoire de la Botanique, t r a d u c t i o n d e V a r i g n y , p. 228.