
ecx D I S C O U R S
& par une extrême fenfibilité, plus dignes d’un goûtqui en fe ra-
finant avoit apperçù lesbèâùtês'de modulations oppofées à celles
qu’on avo.it employées jufqu’alors ; & qui s’empreffa à les parcourir
, ôc à les mettre en ufage. ^
L ’Ionien fut'le partage des* Grées d’A fie, de ces Grecs quiha-
bitoient les villes illuftres d’Ephèfe, de Smyrne:, de Milet, 4©
Phocëe>de Clazoméne j de Priéne, de Samos, de. Chio, de Cola?
phon, de Mycale, &c. Les habitans décès villesfuperbes-, diC-
tinguées par leurs -nchéffe-s, par leur luxe , par un immenfe Cokè-
‘rnerce, jouiffoient des produâiotts.de tout Pünivers^' &n furent
bientôt amollis par Pexemple des Syriens, dès Perles j des Merdes
au milieu defquels ils vivoient, & mûris par le climat le ,plus
b e a u le 'p lu s propre à bannir 1 âpreté des moettrs & du ‘ fryle.
Leur langage dut néceffairement s’affortir à leur lituation, &.à ces
diverfes circonftances ; il acquit donc encore plus de;douceur que
chez les Athéniens. Ceux-ci - foutenus par l’amour de la liberté
& par l’efprit des Républiques Grecques y avoient fu conferver
la fierté de leur Langue à travers les adouciffemens qu’ils y avoient
apportés ; mais les Grecs Afiatiques prefque fubjugués par l’or
des Perfes, ne furent pas fe maintenir dans ce jufte milieu ; ils
defcendirent plus bas ; ils tombèrent dans cette molleffe de fons
qu’eiîtralnoit-néceffairement à fa fuite lé :luxe Afiatique.- -r
Ils éprouvèrent ce qui arriva à la Langue Frànçoife lorfque
notre Commerce avec les Italiens changea fa nature, & qu’elle
perdit fon ancien caractère fortement prononcé, pour fe rapprocher
de la douceur & de la molleffe de l’Italien ; lorfque, cpmme
le dît Henri Etienne, nos François âffetterent de faire la petite
bouche : enforte que leur efprit & leurs oreilles ne furent plus
fulceptibles des mêmes fons , & de cette énergie dé Êfflle qui
avoit diftingué. leurs Ancêtres.
F R E L I M I N A 1 R E. f e i
1 Toute Langue qiii embraffê une vafte' étendue-de.-terrein-;, fe
fubdivife de* même en plufiçurs-Dialeâeshè’éfi ce qui eij arrivé,pàr
exemple,à la Langue Allemande : parlée depuis le fqmmet des Alpes
jufques aux bprds de l ’Océan- feptentrionâl, elle d’eft fuÈdfi-
vifée comhaè la Grecque én plufieurs Dialeâes : tels,, leSuiffe,’
ou le langage des Montagnards Helvétiens, qui' a, Confèr-vé .toute
la rudeffe, l’énergie & la franchifede l’Allemand primitif: leSoua-
be. qui-avec prefqu autant de rudeffe, apérdù fon-antique ^énergie:
lédSaxon qui dépouillé cette Langue1 de tout ce qu’elle
avoit de'rude ou <dè tudefque ; & qui depuis un demi-fiédle'maniée
par degrés-beaux Génies,parviendra à marcher de pair avec
les Langues les plus agréables.. •
Mais les Dktle&es Grecs eurent un avantage unique.qui- empêche
toute comparaifon, & qui affura au Gkçç;. cette durée qui
étonne lorfquOtt ne remonte pas à fes càüfes. Àûèùrfde ces Dialectes
ne fut facrifié à l’autre -V- parlés pat? dès/Républiques :par-
faltemen^é^liilentr’elles, maniés p?r‘ lès Eefïvaînl -les'-plus distingués
, fervant de bafe aux Délibérations lés plus auguftes, régnant
avec une égalité parfaitement la m|me dans lés affémblées
générales de la Grèce jîdans' ces-jeux où tous les Grecs^étOient
réunis , aucun-ne pouvoit l’emporter fur l’autre : ilsétoient également
eftimés , honorés , pratiqués : chaque Orateur devoit les
conrtôître tous, chaque Ecriyain devoit les pofféder & ne leur à©--
co-scler aucune préférence apparente ; fans cela’., il ri’auroit pû fe *
fai re ; lire par la Natid» entiéfe^S ,}'
Ils fourniffoient même à l’Ecrivain judicieux jmé
finie par leur jufte mélange ; vouloit-il peindre des ielées-grande s ,
majeftueufes fublimespgigantefqües MeDoriéh-lui prêtoit-fes;
accens. Etoit-ce l’oppofé , des' idées-douces-, agréables délicates,
qu’il dût. énoncer ? il trouvoit dans l’ionien tous les tons qui*
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