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q u ’à suivre la route ouverte *. Dans un autre volume
nous reviendrons sur cette importante question.
Toutes les Alpes ne sont que des ruines ; les forces de
la nature paraissent se combiner entre elles pour en
modifier les formes et en abaisser le relief. C’est par des
centaines et des milliers de kilomètres cubes qu’il faut
évaluer les masses atteintes par la dénudation et emportées
au loin par les eaux.
En moyenne nous pouvons supposer que le massif
alpin pouvait avoir un millier de mètres de plus en hauteur
et que l ’altitude des crêtes et des pics devait être
encore plus considérable. M. A. Favre estime que, autour
du col des Encombres et dans les environs du mont
Blanc ou d’Annecy, les démantèlements locaux pouvaient
être évalués à plusieurs centaines de kilomètres
cubes
De Saussure ^ considérait déjà la pyramide du Cervin
(fig. 51), comme un témoin, resté debout, de l ’ancienne
élévation des Alpes.
Pour M. de Lapparent % le manque de failles dans le
massif de la Jungfrau fait présumer qu’on est en face
des parties profondes du terrain et que des dénudations
* C f . Surell et Cézanne, Étude sur les torrents des Hautes-Alpes,
1872. — Demontzey, Traité pratique du reboisement et du ga;onne-
ment des montagnes.
' A. Favre, Recherches géologiques, t, III, p. 15 i , t. II, 362. —
Description géologique du canton de Genève, t . I, p. 137.
3 De Saussure, Voyage dans les Alpes, § 22, 44.
De Lapparent, Traité de géologie, p. 121 3.
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énergiques ont dû emporter les masses supérieures, où
les ruptures s’étaient faites pendant le soulèvement.
Les profils de chaque rocher se transforment sans
interruption sous l’action des agents atmosphériques.
Les surfaces planes elles-mêmes se creusent de mille
sillons ; ce sont les lapiaj ou clapiers des Alpes Valai-
sanes, Vaudoises et Françaises ; les Allemands les appellent
Karren. Les environs de la Karrenalp, près de
Claris % présentent les plus beaux exemples de lapiaz de
la chaîne des Alpes. Dans les chaînes secondaires des
Alpes Françaises, tous les plateaux élevés, formés de
calcaires néocomiens, présentent de superbes exemples
de ces sillons irréguliers. Mais les terrains cristallins et
surtout les roches granitoïdes, quoique plus difficilement
attaquables par les agents atmosphériques, n’échappent
pas à ces actions désagrégeantes et forment souvent des
chaos de blocs, des mers de rochers.
Tout porte donc l’empreinte d’une destruction énergique
qui vient s’ajouter aux efforts des glaciers et des
eaux courantes pour renouveler la Dce des montagnes.
Moins que d’autres, les habitants de la vallée du
Rhône ne sauraient nier l ’intensité de ces dénudations
dont ils ont pu en quelque sorte mesurer les résultats et
apprécier la grandeur. De toutes parts ils sont entourés
de débris roulés, arrachés aux Alpes et entraînés au
loin par les eaux et les anciens glaciers. Souvent ils ont
* Heim, Ueber die Karrenfelder (Jarh. Schw. Alpenclub, 1878,
XIII, p. 421) .