sociables, qui s’ouvrent docilement au génie industriel,
aux relations des peuples, à la civilisation. Au point de
vue humain, ce sont les premières montagnes du
monde ! » Il y a déjà des milliers d’années que ces relations
sociales existent à travers les Alpes, entre les
nations répandues de chaque côté de cette longue
chaîne de montagnes, et l’on retrouve encore, près de
certains cols fréquentés depuis l’antiquité la plus reculée,
des morceaux d’ambre jaune ou des objets en bronze,
transportés par les peuplades préhistoriques des bords de
la Baltique ou des plaines d e l ’Étrurie.
Les Numides d’Annib a l , les légions romaines, les
armées françaises et italiennes du moyen âge, les régiments
de la République, du premier et du second
Empire, ont franchi les Alpes avec peine, en bravant bien
des périls ; mais à présent des routes superbes, des chemins
de fer, remplacent les sentiers étroits, les chemins
difficiles. La science des ingénieurs a donné un intérêt
de plus aux oeuvres de la nature.
La poudre et les machines perforantes à air comprimé
ont, il est vrai, singulièrement facilité et activé
leurs travaux, jusqu’à ce siècle les routes n’étaient
ouvertes qu’avec le pic et la pioche. D’après Ducange,
cette pioche s’était appelée acciatiis ou accieta, et, par
suite d’une erreur de copie et d’un rapprochement de
consonnance, on assimila ces noms au mot plus vul gaire
de acetum, vinaigre. Telle serait peut-être l’origine
de cette légende qui rapportait qu’Annibal avait ouvert
une route au milieu des Alpes en faisant dissoudre leurs
roches avec du vinaigre L II nous semble encore qu’on
pourrait rapprocher ce mot aceinm de celui de ascia,
sorte de marteau qui se trouve si souvent représenté sur
les stèles funéraires du Lyonnais ou du bassin du Rhône.
Plus loin nous reviendrons sur cette question.
L’ancienne voie romaine de VAlpis Graia, de Milan à
Vienne et Genève, suivait la vallée de la Tarantaise, plus
fertile et plus ouverte que celle de la Maurienne, où
passe le chemin de fer du mont Cenis. Le parcours de
cette ancienne voie est encore jalonné aujourd’hui par
des ruines romaines. Une mansio ou grand relais de
poste permanent était établi au Petit-Saint-Bernard pour
desservir un passage praticable à des chars. Au milieu
de ces hautes montagnes, au sein d ’un climat rigoureux,
ce sont bien là des témoignages éclatants de la puissance
et de la grandeur delà civilisation romaine U Mais
que de progrès réalisés depuis! Toutes les anciennes
routes, celles de la Corniche, du mont Genèvre, du
mont Cenis, des deux Saint-Bernard, du Simplon, du
Splugen, du Stelvio, du Brenner, du Tarvis, pour n’en
citer que quelques-unes, sont devenues des routes carrossables
et militaires. ,En outre, des chemins de fer
tracés au milieu des plus grandes difficultés ont franchi
les cols du Brenner, du Tarvis, de l’Adelsberg, pour unir
i Autriche à 1 Italie septentrionale. Ce n’est pas encore
J C. A. Ducis: Les Alpes Craies, etc., p. 13. Chambéry, 1872.
2 Le général Borson : Étude de la frontière du Sud-Est, etc., p. 87.
Paris, Dumaine, 1870.