« Les montagnes de l’Oisans ne présentent, il faut en
convenir, que des beautés géologiques. Le voyageur
ordinaire n ’y trouve que de belles horreurs. 11 y cherchera
vainement ces paysages à la fois gracieux et grandioses
quil’attirentàsijustetitreà Grindelwaldet à Chamonix.
Le fond des vallées est trop élevé pour que la végétation
puisse embellir de son luxe les bases de leurs flancs
glacés. Quelques maigres pâturages y cèdent bientôt la
place à la neige ou à la roche nue ; quelques trembles,
quelques bouleaux clair-semés ombragent presque seuls
le vallon de la Bérarde. La combe de Malaval et les vallons
deBeauvoisin et d Entraigues sont entièrement nus.
« Des bois de mélèzes, mal fournis, revêtent par une
rare et mesquine exception les pentes qui descendent
vers le Casset et le Val-Louise. Les neiges et les glaciers
de ces montagnes sont leur seule décoration, et il faut se
donner quelque peine pour y atteindre des points d'où
on ait une reculée suffisante pour les bien voir. Moins
hautes sans doute que le mont Blanc et la Jungfrau, les
montagnes de fOisans paraissent encore bien moins
hautes qu’elles ne sont, à cause de l’élévation absolue
des vallées et à cause de leur encaissement qui ne laisse
voir que les cimes d’un petit nombre de points. 11 faut
essayer d’y monter pour bien se persuader qu’elles sont
hautes et, même alors, l’oeil a quelque peine à se rendre
au témoignage des jambes. L’oeil ne rencontre que des
contours polygonaux, des lignes brusquement brisées
qui donnent à tout l’ensemble un caractère fragmentaire
et petit. »
!
ELIE DE BEAUMONT. CIRQUE DE LA BERARDE 201
Reprenant les idées théoriques de Humboldt et de
Léopoldde Buch, sur la constitution de ces formes orogéniques,
de ces étoilements de montagnes, que ce dernier
savant avait improprement appelés cratères de soulèvement
au lieu de se servir des expressions plus justes de
cirques de soulèvement, Élie de Beaumont, le premier, en
signala un magnifique exemple en France, dans la grande
dépression circulaire de l ’Oisans. C’est ainsi que, avant
la publication des annuaires des Clubs Alpins français et
étrangers, et celle des ouvrages de MM. Joanne, Coolidge,
Duhamel, Lory, Whymper , Aristide Albert, F. Perrin, etc. ,
bien avant l’escalade de presque tous les pics de l ’Oisans
par les ascensionnistes modernes, il sut appeler l’attention
du monde savant et des touristes sur cette région des
Alpes Françaises restée presque inconnue.
Sans doute, on doit toujours suivre les derniers progrès
d’une question scientifique, mais il n’est pas non
plus sans intérêt de rechercher quel en a été le point de
départ, et de remonter à son origine. C’est ce que nous
avonS: essayé de faire. Nous blâmera-t-on de rappeler
ici les anciens travaux d’Élie de Beaumont sur le cirque
de la Bérarde et de répéter une description topographique,
toujours vraie, dans laquelle il est facile de reconnaître
la touche d ’un des maîtres de la science ?
Pour mieux faire comprendre la disposition orographique
des montagnes qui entourent la dépression de
la Bérarde, Élie de Beaumont* en compara l’ensemble à
* Dufrénoy et Élie de Beaumont, Mémoire pour servir à une description
géologique de la France, p. 371 , Paris, 1834.
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