T R A I T É DES ARBRES FRUITIERS,
sens opposés, qu'il en ctoii devenu eonvexe-arrondi, divise par un sillon
longitudinal 5 et qu'il décrivoit trois quarts de cercle en se rabattant à
droite et à gauclie, de sorte que l'ensemble du iVuit en paroissoit trèscomprimé,
ainsi que le représenie noire dessin.
Lorsque ce fruit fut parvenu à un degré de maturité convenable,
nous l'avons ouvert, et avons trouvé dans son intérieur un grand nombre
d'osselets irrcguliors, aplatis, plus grands que dans les autres espèces.
La chair en étoil bonne et ne nous a rien offert de particulier.
Nous regrettons bien qu'on n'ait pas pu nous dire où existe l'arbre
qui produit de telles nèfles ; nous nous serions empressés d'aller le
voir et de tâcher d'en obtenir des rameaux pour les greffer 5 car on
sait que l'art en est venu au point d'avoir déjà fixé et perpétué un
grand nombre de variétés accidentelles et fugitives, qui ne se seroient
peut-être pins montrées, si on ne les eût pas enlevées pour les gretFer
sur un autre arbre. Presque tous nos arbres panactiés n'ont pas d'autre
origine : une branche se panache par accident, on la coupe pour en
faire une grefle, et la panaciiurc se conserve, tandis qu'elle se seroit
perdue si on l'eût laissée en place.
Un botaniste qui n'est que botaniste, dédaigne de s'occuper de ces
divers jeux de la nature ; il regarde comme des monstres tout ce qui
sort des règles étroites dans lesquelles il s'est enferme, et qu'il s'imagine
^tre celles de la nature même. Cependant l'étude de ces sortes d'aberrations
est très-instructive; il en jaillit souvent des traits de lumière
qui guident le véritable naturaliste dans la recherche des vérités cachées
sous différons voiles, et qu'il ne découvriroit peut-être jamais
sans l'étude préalable de ce qui paroît sortir des règles ordinaires.
Non-seulement 1 art sait fixer les variétés fugitives qui apparaissent
fortuilmient, mais il sait encore forcer la nature à varier ses productions
pour noire j)rolit on notre plaisir. C'est à l'industrie humaine
que nous devons la grande quantité de fruits délicieux qui ornent
nos tables et flattent notre palais : si l'honnuo suspendoit ses travaux,
tous ces fruits savoin^eux, toutes ces fleurs charmantes rentreroient dans
le néant.