
auxquels les expofoit leur élévation coloffale. La
nature a dirigé ver? ce but important leur orga-
nifation ; elle a rendu leurs tiges d'une, dureté ,
d’une folidité admirables en accumulant couches
fur couches, année par année, en les refferrant,
les confolidant de plus en plus jt r.mefure que le
végétal s'élève & qu’il a bçfoin de plus de force.
Pour concevoir cette admirable opération, il faut
fe rappeler que l ’on diftingue, dans le tronc des
arbres ( il s’agit ici principalement des arbres di-
cotylédons) 3 Y écorce 3 Y aubier & le bois proprement
dit. L ’écorce eft conllituée par plufieurs
couches minces , concentriques , appliquées les
unes fur les autres , que Ton nomme couches corticales.
On donne aux plus .extérieures le nom
à’enveloppe cellulaire 3 & aux plus intérieures celui
de liber : celle qui les recouvre-toutes en dehors
s’appelle épiderme. Les couchas extérieures font
plus lâches, les intérieures plus ferrées. Les unes
& les autres font compofées de fibres qui s’étendent
de bas en haut, mais qui ne fuivent pas des
lignes droites; elles s’écartent, le rapprochent,
fe touchent en différera endroits, & forment une
forte de réfeau fort irrégulier, dont les mailles
’ ou efpaces vides s’alongent dans la longueur de
la tige. Ces mailles font remplies par les utricules
ou t.ijfu cellulaire qui unit les différera réfeaux, &
coupe à angles droits les fibres longitudinales ; ce
qui fait un entrelacement affez femblable à celui
des morceaux de bois dont une claie eft compo-
fée. Les couches corticales fe réparent très-aifé-
ment les unes des autres, ou d’elles-mêmespref-
que fans effort, ou en les tenant quelque rems
plongées dans l’ eau : elles, fe détachent alors
comme par feuillets, & dp'nnent l’idée d’ un livre;
ouvert} elles portent le nom de liber. Le liber
finit là où commence l’aubier, c'eft-à-dire, cette
portion des tiges ligneufes, t;ès-dillin£te de Vé-
cor c e , qui n e If encore qu’un bois imparfait, intermédiaire
entre l’écorce & le bois.
L’aubier diffère du bois* par fon tiffu, beaucoup
plus lâche'; par fa Iégéçété, par fa couleur, o r d i nairement
plus branche ou moins foncée que celle
du bois; il diffère du liber ou de l’écdrcé par fon’
tiffu plus ferré ,.par fa côuleur tirant moins fur le
vert , & en ce qu’ il ne fe fépare point auffî facile ment
que lui par feuillets. En un mot. laubiereff
le paffage du liber à l'état de bois., L’organifation
de l’aubier à toujours] été regardée’ jcomme parfaitement
femblable à:ç.eile du bois, & cette opinion
a été confirmée: par l’examen que M. Mirbel
én a fait au miçrofcope.
« L’aubier, dit-il, eff compofé de grands & de
petits tubes ( fibres ou vaiffeaux ) ,.& de tiffu cellulaire.
L'es tubes font fouvent percés d’une multitude.
de pores,; ils s’étendent dans la longueur
des'tiges- & des., branches , & font difpofés en;
faifcekix qui fe réunifient & fe féparenc alternativement,.
à peu près comme un réfeau,.dont les
mailles feroient très-étroites & très-alongées. Ce»
mailles font remplies par le tiffu cellulaire, qui,
d’un côté, pénètre dans le bois , va.fe rattacher à
la moelle, & de l’autre traverfe le liber, 8c arrive'
jufqu’ au parenchyme placé fous l ’épiderme. «
L’organifation du liber 5c du bois eft la même
que celle que nous venons de décrire, avec cette
différence cependant., que, dans le liber, les
mailles du réfeau formé par les tubes font beaucoup
plus larges, & que le tiffu cellulaire eft plus
abondant, tandis que, dans le bois , les faifceaux
de tubes font plus droits, plus rapprochés, les
mailles qu’ ils forment beaucoup plus étroites &
plus longues , 8c que le tiffu cellulaire eft en plus
petite quantité. Cette reffemblance d’orgamfatioii
entre le liber, l’aubier (k le bois vient de ce que
les deux derniers ne font que des couches de liber
endurci. En.effet, la nutrition du végétal détermine
l ’alongement des tubes du liber. Les mailles
,en prenant plus de longueur, perdent de leur
largeur : le tiflu cellulaire qu'elles contiennent,
eft comprimé, 8c reflue en partie à la circonférence
, Ôc le liber , devenu plus compacte1, forme
l’aubier. A fon tour l’aubier, pénétré par lês fucs
nutritifs, s’alonge, 8c acquiert infenfiblemeut la
folidité 8c la ténacité du bois, dont il n’eft plus
poflible de le diftingner. Il fuffit d’ cbferver l’ or-
ganifation des végétaux-8c leur développement
pour fe convaincre de cette vérité ^qu’une .expérience
faite par M. Mirbel, 8c que nous allons
rapporter, rend encore plus évidente. /
<*, Dans les premiers jours du mois d’ août, dit-
i l , nous avons fait paffer l’une des extrémités d'un
fil d’argent entre l’aubier 8c le liber d’ une branche
de tilleul en pleine fève , 8c nous avons introduit
l'autre. extrémité de.çe fil entre l’épiderme
8c le liber de cette même branche. Nous avons
réuni 8c tordu enfemble les.deux bouts du fil d’argent,
après‘ nous être bien .affûtés que le liber,
feul étoit renfermé dans le noeud. Quelques mois1
après-, ayant difféqué la branche avec foin, nous
avons reconnu que la partie la plus intérieure du
liber, entourée par le fil d’ argent, étoit déjà palfee
à l’état d’aubier ; ce qui ne laiffe aucun doute fur
la métamorphofe du liber 8c de l’origine de l’aubier.
Cette expérience , faite dans le même teins
fur le frêne, a donné un réfultat femblable. «
Quant à l’aubier, nul doute qu’il ne fe conver-
tiffe en bois. Duhamel l ’a démontré à-peu près
par le procédé que nous yenons. d’indiquer. Ce
fa van t , conjointement ayeç Buffon, a fait une,
très-BelIe application de cette découverte pour.
■ donner plus de valeur au bois que l’on deftine à des
ouvrages qui exigent de1 la-folîjité.j il a prouvé
q u e , fi .on ehlèye l’écorce d’un arbre que l’on
doit abattre une année, après , l'aubijer ,.mi.s àdé-.
cou vert, prend, dans ce court efpace de rems,
la dureté, la pefanteur & ; les.autres qualités du
/ / vraivrai
bois ; en forte qu’il n’eft plus néceffaire de le
rejeter, comme il faut le faire dans les arbres revêtus
de leur écorce.
Comme l’aubier ne fe forme pas tout à coup,
mais par le développement fucceffif 8c fouvent
interrompu des feuillets concentriques du liber ,
il n’eft pas également dur dans toutes fes parties,
& l’on parvient même à le féparer quelquefois
par couches en le laiffant macérer dans l’eau;
mais cette défunion s’opère beaucoup plus facilement
dans le liber , dont le tiffu moins compare
fe laiffe mieux pénétrer par le diffolvant.
L’aubier fe change en bois très-lentement ; il
paffe par toutes les nuances qui l’approchent du
dernier terme de perfection ou il doit arriver. Les
différentes couches de l ’aubier ne fe reffémblent
pas; elles n’ont pas toutes la même denfité. Les
plus voifines du bois font auffi les plus dures, les
plus ligneufes. Les vaiffeaux, qui offroient une
iffue libre aux fluides nourriciers de la plante ,
s’obftruent : les fluides qui y circulent, s’épaif-
lîflfent : les utricules fe rempliîfenr par les dépôts
qu’ ils reçoivent. La quantité 8c la qualité des matières
contenues dans l’aubier établirent encore
une différence notable entre lui 8c le bois. La
pefanteur fpécifique de l’aubier eft moindre que
celle du bois ; il eft encore moins réfineux ; ce
qui prouve que la réfine dont le bois fe pénètre;
change la nature de l’aubier, 8c que c’ eft e lle , en
partie, qui le fait paffer à l ’état de bois.
L’aubier, fenfible dans le plus grand nombre
des arbres, furtout dans ceux à bois dur, dans le
chêne, l’orme, 8cc., l ’eft bien moins dans quelques
uns dont le bois eft tendre, tels que le bouleau,
l ’aulne , le tilleul, le peuplier, 8cc. Il eft
très-difficile de pouvoir déterminer avec précifion
le tems convenable pour que l’aubier puiffe fe
convertir en bois; il doit varier félon la nature
des différentes efpèces d’arbres, 8c même dans
les arbres de la même efpèce, puifque leurs individus
n’ ont pas dans le même tems le même nombre
de couches d’aubier ; que les arbres les.plus
vigoureux ont leur aubier.plus épais que les arbres
languiffans , quoique le nombre des couches
d aubier obfervées dans ceux -ci foit plus grand
que celui des couches obfervé dans les autres.
Enfin, MM. Buffon 8c Duhamel ont remarqué
que le nombre 8c l’épaiffeur des couches de i ’au-
bier varioient dans les différera côtés de l’ arbre ,
& même dans les différentes parties. En e ffet, fi
l’on coupe horizontalement ijn tronc d’arbre, on
remarque que les cercles ligneux ne font pas toujours
concentriques à l’ axe, mais qu’ ordinaire-
naent ils s’en écartent plus d’un côté que d'un
autre. Quelques auteurs ont penfé .que c’étoit
principalement du côté du nord. Plufieurs autres
ont prétendu que c’étoit du côté du midi ; mais
les uns 8c les autres fe font accordés à dir5 qu'au
Botanique. Supplément. Tome I.
moyen de cette excentricité des couches ligneufes,
les voyageurs y trouvoient une boutlole naturelle
qui les orientoir, 8c les mettoit en état de-
rectifier leur route. Ceux qui préten ioieiït que
les couches étoient plus épaiffes du côté du nord ,
apporroient pour raifon que le foleil ayant moins
d’ aéfron de ce c ô té , il s’y confervoit plus d’humidité
; ce qui de voit produire néeefl airerneht une
augmentation d’ épaiffeur des couches ligneufes.
C eux , au contraire, qui prétendoient avoir obfervé
que les couches font plus épaiffes du côté du
midi, difoient que le foleil, comme principal moteur
de la fève, la déterminoic à paffer plus abondamment
de ce côté. Âinfi chacun trou voit des
raifon's phyfiques , favorables à fon fentiment.
L’obfervation fuffit pour détruire ce fyftème.
« Nous avons en effet reconnu, dit M. Duhamel
, que les couches font fouvent, 8c prcfque
toujours y plus épaiffes d’un côté que d’ un autre;
mais cela arrive indifféremment, f'oit du côté du
nord , fuit du côté du hvdi > de l’eft ou de l'oueft.
Cette prétendue bouffole eft donc fujète à bien
des variations propres à dérouter le voyageur qui
voudroit y mettre fa confiance ; mais elle eft encore
bien autrement fujète à erreur, puifque nous
avons obfervé que , dans un même arbre, la plus
grande épaiffeur des couches varie quelquefois de
tout le diamètre de l’arbre; en forte que f i , auprès
des racines, la plus forte épaiff ur fe trouve
du coté du midi, elle s’obfcrve fouvent auprès
des branches du côté du nord o.u vers toute autre-
partie de la circonférence de l’arbre. »
Il eft aifé d’apperoevoir la raifon phyfique de
cette inégalité d’ épaiffeur des couches ligneufes,
puifqu’ il eft clair qu’elle dépend de l’infertiori -
des racines & de l’éruption des branches. S’il fe
trouve du côté du nord une gtoffe racine, les
couches ligneufes du bas de l'arbre feront plus
épaiffes de ce cô té - là , parce que la fève y fera
portée avec plus d’abondance..Si au contraire,
vers la cime du même arbre, il fort une groffe
branche du côté du midi, les couches ligneufes,.
examinées en cet endroit, feront plus épaiffes de
ce côté , parce que la fève aura été déterminée à
y paffer plus abondamment ; de forte que les variétés
fans bornes qu’on obferve dans la pofition
des racines & des branches , en produifent d’auffî
confîdérables dans lepaiffeur des couches ligneufes.
On a encore remarqué qu’en général les arbres
placés fur la lifière des forêts avoient leurs
couches plus épaiffes dans toute la partie ex-
pofée au grand air & au contaêt immédiat de la
lumière.
La nature du terrain ou d ’autres circonftances
produifent encore ce que l'on nomme aubier double
ou faux aubier. C'eft une couche entière de
bois imparfait, recouverte par de bon bois. Dans
les arbres attaqués par des gelées violentes, le
N n un