
tempéré. Là , fur un rocher nu, j'ai trouvé quarante
huit efpèces de plantes phanérogames, dont
une feule annuelle 3 que peut-être je n'y retrouverai
plus.
» A Néouvielle, à une élévation qui excède
celle du pic du Midi de deux cent cinquante
mètres, & où le thermomètre ne monte en été
qu’à huit degrés, j’ai recueilli, en cinq voyages,
douzè efpèces toutes vivaces.
» Au fommet du Mont-Perdu, à trois mille cinq
cents mètres d’élévation abfolue, au fein même
des neiges permanentes, mais fur des rochers que
l’inclinaifon de leur pente en avoit dsbarraffés, j’ai
recueilli fix efpèces toutes très-vigoureufes. Ic i,
dans une des journées les plus chaudes d’une année
remarquable par fa chaleur , le thermomètre ne
montoit qu’à cinq degrés & quelques minutes au
défi us du terme de la congélation, & il defcend
certainement en hiver à vingt-cinq ou trente5 & j
ces plantes que j’ai trouvées ici découvertes dans
une année où les neiges avoient fubi une diminution
extraordinaire , eft-il certain même qu’elles
s’en dégagent tous les ans ? Ailleurs , j’en ai vu
reparoître qui, fubfiftant fur la lifière des neiges
permanentes, demeurent prefque toujours enfe-
velies fous leurs extenfions; elles ne voient peut-
être pas le jour dix fois en un fiècle, & parcourent
alors le cercle de la végétation dans le court ef-
pace de quelques femaines , pour fe rendormir
auffitôt dans un hiver de plufreurs années.
53 Des plantes foumifes à des conditions d’exif-
tence auffi fingulières, on ne s’attendra pas à les
retrouver au nombre des efpèces que nous obfer-
vons dans.nos climats tempérés : ou bien elles, appartiennent
exclufivement aux plus hautes fommi-
tes des montagnes , ou bien elles fe repréfentent
Uniquement dans les contrées polaires de f Europe.
C ’eft la Norvège, c’eft la Laponie , c’eft le
Groenland qui fourniiTent les analogues des plantes
qui croiffent à la cime des Alpes & des Pyrénées.
Ce n’eft ni la Sibérie ni le Kamtzchaika, &
ce ne font pas plus les contrées polaires de l’A mérique
que celles de l'Afie, quoiqu’il fait auffi
mal-aifé de concevoir la diverfité qui règne entre
les productions végétales de conrrées fi fembla-
bles & fi voifînes, qu’il eft difficile d’expliquer la
conformité qui exifte entre la végétation de l ’une ?
d’elles & celle de quelques fommités de montagnes,
qui en font éloignées de quarante degrés.
53 Mais l’obfervation apprend que là propagation
des végétaux ne s’elt pas toujours faite parallèlement
à l’équateur j que fi un certain nombre de |
plantes , confinées, par leur tempérament, dans 1
un climat déterminé, ne le retrouvent' jüfqu’à j
quelque diftance fous les mêmes latitudes, beau- j
coup d’autres au contraire femblent avoir été entraînées
dans le fens où nos continens fe féparent, !
&• s’être répandues dans la direction des méridiens.
Au fud, l’Amérique, l’Afrique & PÀfie j au nord,
l’Europe, l’Afie& l’Amérique font bien loin d’offrir
la même végétation fur les mêmes parallèles,
tandis qu’une multitude de plantes, fidelles à chacune
de; ces parties du Monde, fidelles même à
certaines fubdivifions de ces grandes divifions,
bravent tous les obftacles que la diverfité des températures
leur oppofe, pour fe propager dans un
fens abfolument contraire à celui où la conformité
des climats les appelle.
M Et pour ne point fortir du fujet qui nous occupe
, c’eft ainfî, par exemple , que plufîeurs
végétaux remarquables de la Sard'aigne, de la Sicile,
de l’Italie, remontent les Alpes, les franchi
fient, & vont fe répandre jufque dans la Baffe-
Allemagne, fans fe livrer aux invitations du climat
, qui les porteront de notre côté. C ’eft ainfî
encore que les Pyrénées reçoivent de l’Efpagne
un grand nombre de plantes de la Barbarie, & les
rendent à la France occidentale. La merendère ,
qui croît au nord'de l’Afrique, fe montre •• ns
l’Andaloufie , la Caftille, l’Artagon, les Pyrénées
, & defcend jufqu’au département des Landes.
La jacinthe tardive , le narciffe bulbocoïle ,
ont la ,même origine & fuivent la même route.
L'anrhéric bicolor , parti d’Alger, traverfe la
j même chaîne & arrive jufqu’en Anjou. La fcillé à
; ombelles , Je fafran multifide , vont des Pyrénées
jufqu’en Angleterre , fans qu’aucune de ces plantes
fe porte latéralement à la rencontre de celles
que les Alpes reçoivent de même du Midj pour
les rendre aux parties feptentrionales des pays
germaniques ; mais c’ eft dans - les grandes vajlées
des Pyrénées , dans ces vallées toutes creufees 'du
nord au fud , que ces directions prennent un ca-
raCtère tout-à fait frappant & fingulier.-
»3 Je trouve le grand oeillet frangé ( dianthus
fuperbus) à l’entrée de la vallée de Campan & de
; Gavarni'e j il les parcourt tout entières, fans s’en-
; gager; dans aucune des vallées obliques qui y
: débouchent. Le verbafcum myconi, cette belle &
rare plante, qui n’appartient ni au genre où fjnné,
l’a placée , ni peut-être même à aucune famille de
plantes a due ik ment conftituée , & qui, portant
lin air étranger au milieu de nos végétaux d’Europe
, fe diftingue enrr’eux, comme l’alcyon
p.u tni nos oiféaux indigènes, le verbafcum myconi
affcde la même préférence pour la même direc-
tion. On le trouve dans toutes les grandes jvailées
des Pyrénées 5 il couvre tous les coteaux, tant du
côté de la. France que du côté de l’Efpagne. Là
s’ouvrent devant lui les grandes vallées orientées
du nord au midi ; il s’y jette, mais c’eft pour.n’en
plus fortir. En vain les embranchemens.de ces vallées
lui offrent de toutes parts d’autres vallons à
peupler j il franchit ces ouvertures, &, continuant
fa route dans la direction qu’il a adoptée, il monte
du nord au midi, s’arrête au pied de la crête de
la chaîne , vers deux mille mètres d’élévation
abfolue, & , reparoiffant de l'autre'côté à la même
hauteur, il defcend au midi dans cette même di-
redion, dont il a conftamment refufé de ”S e-
carter.
33 C ’eft ainfî que les premiers deflins dé la nature
confervent des traits plus déterminés dans les
montagnes, où chaque .ordre de végétaux fe confine
entre dçs limités plus tranchées, plus difficiles
à franchir, & où l’influence des lieux réfuté
plus puiffammenc à l’influence des câufes fécondés,
qui tendent incefiamment à confondre ce
que les caufes premières avoient fépare 5 & ^ c e pendant,
combien de modifications n a pas déjà
introduites le laps des lïècles, & furtout la pié-
fence de l’homme' ! Je parcours les immenfes de-
ferts des hautes montagnes : tout a coup, parmi
les plantes rares qui en compofentles herbages, je
reconnois quelques-unes de.nos plantes triviales.
La verdure prend une teinte foncée qui contraire
avec le vert-gai des gazons alpeftr.es. J'avance : les
débris d’une hutte ou un rocher noirci par la fumée
m’expliquent ce myftère. Autour de cet afyie
de l’homme fe font naturalifées les plantes qui
environnent nos habitations ruftiq.ues : la mauve
commune , l’ortie , le mouron d-s oifeaux, Iss
chénopodes & les patiences vulgaires, aveejef-
quelles fe mêle la patience des Alpes, comme on
voit le chamois s’approcher des chèvres domelti-
ques. Un berger a féjourhé là quelques femaines,
il y a peut-être quelques années. En y conduifant
fes troupeaux , il a amené, fans le favoir > les oifeaux
, les infe&es de fes vallées 5 il y a porte le
germe des plantés de Ton village. Il n’y reviendra
peut-être'plus j mais ces fauvâges contrées ont
reçu en un inftant l’empreinte indélébile de la domination
de l ’homme, tant un être de cette importance
a de poids dans la balance de la nature.
»3 Ailleurs, c’eft par des deftruaions qu’il a
fignalé fa préfence. En abordant les montagnes,
il a déchiré de toutes parts le voile immenfe des
forêts qui en côuvroient les bafes. Les bois ne
font point la demeure de l’homme : il redoute les
détours de ce vr.fte labyrinthe j il en fufpeCte les
ombres ; il y regrette le folèil, vers lequel il
tourne un regard de refpeCt & d efpérance ; il n y
pénètre que pour y porter le fer & ie feu. Le
germe des plantes pémorales s’endort dans une
terre defféchée, qui n’eft plus propre à leur développement.
D’autres végétaux les remplacent.
Le climat lui-même a changé, & attire de nou-
vélles efpèces > la température s’élève j les pluies
font plus rares ou plus abondantes ; les vents plus
inconftans & plus fougueux j les torreus, les la-
vanges fe multiplient, les pentes fe fillonnent de
ravins > les rochers fe dépouillent de la terre qui
les couvroit, & des plantes dont ils étoient ornés.
Tout vieillit avec une rapidité croiffante. Un
fiècle de l’homme pèfe fur la terre plus que vingt
flè.eles.de la nature. .
■ 33 Et cependant c’eft encore là que les lieux &
leurs productions ont le plus confervé de leur caractère
originaire : c’eft là que la diftribution primitive
des végétaux a été moins troubiée, que les
circonfcriptions font plus fortement tracées, que
.l’ influence du fol & du climat eft le plus perceptible
: c’eft là que le rapprochement des objets en
fait reffortir tour-à-tour la fyminétrie & 1 s con-
traftes, & que l’oeil peut embraffer à la fois tout
ce qui provoque l’obfervation & détermine le
jugement j & fi c’eft dans la ftruCture des grandes
chaînes de montagnes que le géologue doit ecu-
dier la ftruCture de.la terre &r l ’hiftoire des grandes
cataftrophes qui lui ont imprimé fa dernière forme,
c’eft dans les montagnes auffi que le botanrfte
.effaiera de pénétrer le myftère de la diffémination
originaire des végétaux & de leur propagation
fuccëffive. 33 (R am o n d .)
ALPINIE. À lp in iaGenre de Linné, qui a été
fuppriméppr M. de Làmarck / 8r dont les efpèces
ont été réunies , les unes aux A momes (amo-
mum Linn. ), les autres aux G a l a n g a s ( marante
Linn. ).
ALPISTE. Phalaris. En confervan,t aux phalarU
le caraCtère que Linné leur a donné, ileft évident
qu’il n’y a , parmi les efpèces renfermées dans ce
genre , qu’un périr nombre qui lui conviennent,
& qui en forment alors un genre très-naturel,
portant effentiellement ce caraCtère :
Un calice uniflore, a deux valves égales, courbées
en caréné j une arête faillante fur le dos. > :
Toutes les efpèces qui offrent ce caraCtère ont
en même, te ms leurs fleurs difpofées en une petite
paniçule refferrée en épi court, ovale j ce qui
forme une première divilion , à laquelle ce genre
devroit rigoureufement être borné. La divifion
fuivante comprend des efpèces intermédiaires entre
cè genre & les phleum. Leurs valves calici-
nales rie font plus en carène ni munies d’une ailé
dorfale , mais la plupart ciliées fur leur dos. Les
panicules offrent un épi alongé, cylindrique, très-
ferré.
La plupart des autres efpèces.que Linné, &
d’autres après lui, ont fait entrer dans ce.genre ,
n’y conviennent que médiocrement, 8e même
plufîeurs d’entr’elles forment des genres particuliers
, ainfî qu’on le verra dans i’expoficîon des
efpèces.'
E s p è c e s .
* Valves calicinales courbées en caréné , munies d'une
arête & non çiliées fur le d o s ép is ovales.
I. A lpiste de Canarie. Phalaris canarienjis.
Linn.
Phalaris paniculâ fpiciformi , ovatâ ; glumis calip
p *