
■ d’appui à une cinquième. Il fe forme ainfi une
multitude de couches coniques & concentriques,
dont la bafe repofe fur la racine, & dont la hauteur
eft d’autant plus grande , qu’elles font plus
extérieures. Ces couches fe dépofent quelquefois
pendant plufieurs Cèd e s , & le végétal prend des
dimenfiops prodigieufes. Les arbres des forêts
antiques en founufient une multitude d’exempks.
Ces énormes végétaux doivent être de vieux habi-
tans de la terre. Leur origine fe perd dans la nuit
des tems, & l’imagination ofe à peine calculer
leur durée. Qui nous dira combien de Cèdes fe feront
écoulés avant qu'un boabab ait acquis quatre-
vingt-dix pieds de circonférence?
^ Les branches ont abfolument la mêfne organifa-
tion que la tige. Les différentes couches de leur
tilfu forment aufli des cônes concentriques. Les
branches naiffent à l’extrémité des rayons médullaires,
& peuvent être confidérées comme des végétaux
, dont la racine feroit placée dans un fol
ligneux.
Les racines croiffent comme la tige j elles fe ramifient
comme elle , & préfentent également un
certain nombre de côpes emboîtés les uns dans les
autres. Elles ont quelques rapports avec les branches
j mais elles.en diffèrent par la propriété de fe
diviler & fubdivilèr en ramifications qui tendent
toujours à fe terminer en filets déliés, tandis que
les branches & les rameaux tendent au contraire à
s’élargir en lames. Le chevelu elt le terme de la
divifion des racines. Les feuilles font celui de la
divifion des branches. La firuation de ces organes
ïépond parfaitement au but que la nature fe pro-
pofe. Les filamens multipliés qui terminent les racines,
plongés dans un milieu épais & denfe, s’in-
troduifent encre les molécules de la terre, pénètrent
dans les moindres vides, & pompent, par
le moyen des tubes dont ils font compofés, les
fluides néceflaires à la nutrition du végétal j & les
feuilles, difperfées fur les branches, préfenrant à
la lumière une grande furface,rejettent, par leurs
pores nombreux, des miafmes nuifibîes à la végétation,
& abforbent des vapeurs qui vont augmenter
la mafie des fluides nourriciers. Si d’ une
part cet accord admirable entre les befoins du
végétal & la nature de fes organes s’explique aux
yeux du philofophe, par les grandes considérations
d'ordre & d’harmonie générale, d’autre part le na-
turalifte fludieux doit penfer que ces lois de la végétation
font fubordonnées à des caufes phyfiques
qu’ il feroit important de connoître,. & que l'étude
Sf l’expérience pourront un jour révéler à
l ’ homme. Comment la nature du milieu, dans lequel
plonge une partie du v ég é ta l, modifie-t-elle
cette partie au point de faire naître à fa fuperfi.-
cie * ou des racines chargées de chevelus, ou des
branches couvertes de feuilles? Voilà la queftion
qu’il s’agit de réfoudre, mais fur laquelle les naturalises
n’ont encore aucune donnée.
i D’après les principes que nous venons d’ établir $
relatifs aux organes particuliers & au développement
des arbres monocotylédons & dicotylédons,
il eft facile de faifir la différence qui exifte entre
ces deux groupes de végétaux, & la néceflité de
fuivre une culture particulière pour chacun d’eux.
Pour en faire mieux reflonir là différence, nous
allons expofer les caraétères qui les différencient,
en les rapprochant par oppofition.
Dans les arbres monocotylédons, la tige eft cy-
lindriq u e , compofée de petits filets ligneux, enveloppés
de tiuiis cellulaires. Dans les dicotylédons
, cette tige eft conique, formée, i° . d’un filet
de tiffu cellulaire placé au centre ; 2°. de couches
ligneufes, fuperpofées les unes aux autres & recouvrant
l’axe de l ’arbre ; $°. d’une couche extérieure
de tilfu cellulaire.
Dans les premiers, le tilfu cellulaire, les tubes,
les trachées,les fauffes trachées, en un mot tout
l’appareil vafculaire i s’alongent dans la même direction
que la plante fuit en s’ élevant. Dans les
féconds , l’appareil vafculaire fuit deux directions
dans fon développement. Une partie fe dirige vers
le fommet des tiges, comme dans les premiers :
tels font les tubes qui forment les couches concentriques.
Une autre partie s’étend du centre à la
circonférence : telles font les cellules qui forment
les rayons médullaires.
Le centre des tiges eft lâche dans les monocotylédons,
& la circonférence préfente un bois dur &
compaôte. Dans les dicotylédons, au contraire, la
circonférence a peu de confiftance ; mais l’ intérieur
offre un tiffu ligneux doutant plus dur, qu’il eft
plus voifin de l’axe de la tige.
Ceux-ci fe couronnent de branches &• de rameaux
, le long defquels naiffent les feuilles ; ceux-
là ne portent ordinairement à leur cime ni branches
ni rameaux, mais feulement une touffe de
feuilles qui s’épanouit en rofette.
Les monocotylédons croiffent en hauteur par l’a-
Iorigement des feuilles concentriques les plus extérieures,
& ils croiffent en épaiffeur parla multiplication
de ces mêmes feuillets. Les dico;yIédons
s'élèvent par le moyen des filets ligneux du cèntre,
qui produisent un nouveau bourgeon de feuilles
au fommet de l’arbre , & ils s’épaiffiffent par l’écartement
de ces mêmes feuilles. Le diamètre
des uns ne s'accroît qu’avec lenteur y celui des
autres eft fixé dès k s premiers tems de la vie du
végétal.
Il nous refteroit encore beaucoup d’autres con-
fidérations à préfenter fur les arbres, que nous
ne ferons qu’ indiquer ici rapidement, la plupart
devant trouver place ailleurs. Nous n’effaierons
pas non plus d’établir la différence qui exifte ençre
ce que l ’on appelle arbre, arbriffeau &C arbufie »
différençe peu importante d’ailleurs pour le botinifle
8î le cultivateur, uniquement fondée fur ’
répaiffeur & l’élévation de la tige. Il eft tare qu’ un
oeil un peu exercé ne puiffe les diftinguer au Pre"
niiet afpeét. Nous remarquerons cependant qu il elt
quelquefois des arbres très-bas, & des arbriffeaux
très elevés ; mais les premiers on* pour tige un
nonc épais, revêtu d’une groffe écorce, prefque
toujours raboteufe & crevafïée, tandis que les ,arbriffeaux,
quelqu elevés qu’ ils puiffent être, ont
des tiges grêles, flexibles, recouvertes d’ une
écorce ordinairement très-mince. Dans l’arbre, le
fommet du tronc eft couronné d’ une cime plus ou
moins vafte : dans i’arbriffeau, les tiges , partant
fouvent plufieurs enfemble de la racine même ,
forment en quelque forte une cime placée à la fur-
face de la terre ;en forte qu’on pourroit en ce cas
envifâger les arbriffeaux comme des arbres qui ferment
privés de tronc : cependant la plupart des
arbres furpaffenc de beaücoup les arbriffeaux en
élévation. Il en eft qui s’élèvent à des hauteui s
prodigieufes. On a vu des cèdres & des chênes de ;
cent trente pieds & plus; des fapins, des mélèzes ;
de cent vingt; des palmiers de cent, & c . L ’épaif-
fi ur à laquelle parviennent certains- arbres n’eft
pas moins remarquable : témoins ces fameux boa-
ïmBs du Sénégal, q u i, au rapport d’Adanfon , ont
jufqu’ à trente preus de diamètre; ce qui donne
quatre-vingt-dix pieds de circonférence. Au refte,
la diftirîdtion entre les arbres & les arbriffeaux eft
fi difficile à fixer d’après des principes rigoureux ,
qu’il n’eft pas rare de voir des arbres réduits à l é-
tat d’arbriffeaux, & ceux-ci parvenir quelquefois à
la hauteur & à la groffeur d’un arbre ordinaire. Je
connois un individu a aube-épine à. une lieue de Saint-
Quentin, fur la route de Paris, que l’on nomme
vulgaâremerît épine de Dalon, parce qu’ elle indique
la pofîtion de ce village : c ’eft un de ces arbres
qu’on a défignés fous le nom de Rofny. Son tronc
a l'épaiffeur de celui d’ uü chêne. Son écorce eft
épaiffe & ridée; fa cime ample, touffue il a au
moins trente pieds d’élévation ; il eft ifo lé , placé
fût un tertre élevé.
Au lieu de ces futiles difeufftons fur les limites
des athres & des arbriffeaux, qui n’ont que trop
occupé des favans fpéculatifs, taifons plutôt valoir
, au profit de nos fembiables, la bonté de
leurs fruits, la folidité de leurs b ois ,le s propriétés
de leur écorce. Tandis que Ton fe difpute pour
des mots, pénétrons dans cette antique & fombre
forêt. Quel fentiment de vénération s’empare de
notre ame ! Quel calme dans tous nos fens ! quelle
douce rêv.erie tranfporte nos idees loin de nous !
Seuls au milieu du filence de la nature, il fembie
que l’Univers, que nos fembiables font difparus
pour nous : tellès font les impreffions qu’excite en
nous la feule vue d’ une fo rê t, fans que nous puif-
fions trop en aftigner la caufe. L’auteur bienfaifant
de la nature a voulu diversifier nos plaifits, nos
jouiffances, en variant le fpeétacle de l’Univers
fournis à nos regards ; il a voulu que la verdure des
prairies, que la vigne qui revêt les coteaux , que-
les moiffons jauni flan tes , que les plaines couvertes
de bois , excitaffent en nous autant de fenfa-'
tions différentes , qui varient agréablement le
mode de notre exiftence.
Nous aurions .une bien foible idée du nombre
des efpèces d’arbres &r d’ arbuftes qui exiftent fur
la furface du Globe fi nous n’en jugions que d après
celles qui croiffent dans notre Europe. C ’eft peut-
être , fous ce rapport, la partie du Monde la plus
pauvre. Sur environ douze à quinze cents , foit
arbres ou arbuftes, tant indigènes qu’exotiques,
cultivés en Europe, il ÿ en a à peine cinq cents
d’indigènes ; tandis que dans l’ Amérique, dans le
climat fertile de l'Inde, fous les tropiques, dans la
Nouvelle-Hollande, on peut en compter plufieurs
mille. Nous n’avons pas un feul mimofa y il en exifte
plus de deux cents efpèces dans les denx Indes.
Nous fommes bornés à quelques efpèces de chênes
: on en connoît environ une centaine d’exotiques.
Les figuiers font encore plus nombreux y
tandis que nous ne- devons qu’ à une feule efpèces
toutes les variétés obtenues par la culture. Le
, nombre des -faules va au-delà de cent : il n’y en a
pas le tiers d’ indigènes à 1 Europe. Nous ne con-
noiffons ni les diofbyros ni les gleditfia , quelques
■ efpèces cultivées exceptées; ni les dncho.na, ni les
rajania , ni aucun de la belle & nombreufe famillé
des palmiers , excepté le dattier & le latanier, &'c .
Enfin, je ne croirais pas être fort éloigné de la>
vérité quand j’affurerois qu’il exifte peut-être plus
de genres d’arbres dans Iss trois autres parties du
Mondé, que d’efpèces dans la feule Europe. Revenons
à quelques autres confidérations.
Outre la faculté qu’ont tous les arbres de fe reproduire
par graines, comme tous les végétaux,
la nature leur a encore accordé d’autres moyens de
multiplication qu’ ils poffèdent prefqu’exclufîve-
ment ; ils fe multiplient .de leurs racines par rejetons
, par drageons, &c. ,* do leurs branches par
marcottes, par boiitures, par greffes , &c.
Qu’on juge de l’immenfe fécondité des arbres
d’ après ces moyens nombreux de reprodu&iort
qu’ ils co'nfervent pendant la longue durée de leur
vie. Il n’ eft point de végétaux auxquels la-nature ait
accordé de plus longues années. Quoique variée,
félon les efpèces, il en eft dont la durée furpaffe
prefque toute croyance. M. Adanfon a rencontré
aux îles de la Magdeleine, près du C ap -V e r t,
plufieurs boababs fur lesquels il y avoit des i nie notions
de noms hollandais, tels que celui de R ew ,
& plufieurs noms français, dont les uns datoient
du quatorzième, d’ autres du quinzième fiècle. Ces
arbres, quoiqu’âgés de plufieurs centaines d’ années
, étoient encore très-jeunes , n’ ayant alors
i quenviron fix pieds de diamètre. Le même auteur
en a obférvé beaucoup d’autres qui avaient'depuis
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