4 e confiance dans leurs idées, ils crurent pouvoir
arbitrairement changer le nom des plantes
dès qu’il ne leur convenoit pas, les uns sans
pouvoir en donner aucune raison , les autres
d’après des principes qu’ils s'étoient formés à
eux-mêmes, et souvent sur les prétextes les
plus légers. O r , en fait de principes, comme
■ chacun a les siens, chacun aussi a cru avoir le
même droit, et ne pas l’exercer c’eût été, aux
yeux de l ’amour-propre, adopter l’opinion
des autres, tandis qu’il est si doux d’avoir la
sienne. On a respecté assez long-tems les
noms donnés par Linné, quoique cette réserve
n’ait pas été générale ; mais ceux employés
par les botanistes qui ont écrit après
lui, par les naturalistes voyageurs, en un mot
par tous ceux qui ont fait la découverte de
nouvelles espèces, ont la plupart été rejetés.
En ne pouvant pas ôter à son auteur l’honneur
de la découverte d’une nouvelle plante,
du moins il semble qu’on l’affoiblisse par le
changement de nom : misérable subtilité de
l ’amour-propre, qui réussit assez bien dans
des ouvrages généraux, plus connus, plus
usuels que les ouvrages partiels dont ils/ se
composent 1 C ’est ainsi que presque tous les
noms, tant génériques que spécifiques, donnés
par Aubier aux plantes de la Guiane, ont
été supprimés par Schreber ec autres, sans
autre motif plausible que celui, sans doute,
d’être cités de préférence. C ’est ainsi que cous
les jours , dès qu’un auteur fa'ic connoître une
espèce nouvelle, le premier qui écrit après
lui, s’emparant de l’espèce, lui donne un
autre nom ; mais bientôt le réformateur est
réformé à son tour. Je pourrois en citer mille
exemples \ mais il suffit, pour s’en convaincre,
de jeter les yeux sur la synonymie placée
dans cet ouvrage à la tête de chaque espèce.
Je ne conçois pas comment des auteurs,
infiniment estimables d’ailleurs, ont pu se
laisser entraîner par cet abus si nuisible à la
science, et donner l'exemple d’une innovation
qui fait presque le seul mérite d’une
foule de compilateurs, dont les travaux, en
réunissant en un seul corps les découvertes
éparses dans des feuilles périodiques et autres
, serviraient infiniment à faire connoître
les progrès de la science s’ils n’y jetoîent, an
contraire, le plus grand désordre par leurs
prétendues réformes. J’en demande pardon
à plusieurs hommes célèbres ; mais je ne peux
m’empêcher de m’élever contre un pareil
abus, qui finira par écraser la science sous les
mots. En effet, qu’arrive-t-fl lorsque l’on
change le nom d’une plante ? Il faut de toute
nécessité rappeler le premier, autrement on
introduirait comme nouvelle , dans le catalogue
des espèces, une plante déjà connue.
Bientôt au premier réformateur en succède
un autre, et dès-lors voilà une plante signalée
sous trais, quatre, cinq noms et plus :
j’en connois qui en ont jusqu’à huit ou dix.
N ’est-ce pas surcharger péniblement la mémoire
d’une nomenclature fatigante, sans'
rien ajouter à nos connoissances ? Le moyen
de se reconnoître au milieu de cette étemelle
et rebutante synonymie ! Lequel de ces noms
adopter? Chacun en cela se conduit arbitrairement,
et l’on ne peut guère faire autrement,
à moins de revenir au premier nom
établi} mais toujours faudra-t-il connoître
ceux qui y ont été ajoutés quand on voudra
consulter les ouvrages postérieurs.
A ce premier inconvénient, comme s’il
n’étoit pas suffisant, on en a ajouté un autre
qui achève la confusion. Souvent on supprime
le nom donné à'une plante, et ensuite on le
reprend pour le donner à une autre. Des êtres
coalisés pour dégoûter de l ’étude tous les gens
raisonnables, ne pourraient pas s’y prendre
plus adroirement pour réussir complètement.
En effet, si je cite, par exemple, le dombeyaj
on ne manquera pas de me demander
si je veux parler du dombeya de Lamarck, qui
est Y araucaria Juss. j du dombeya de Cava-
nilles, qui se rapporte à quelques espèces de
pentapetes de Linné j dudom^dyfldeLhéritier,
qui est le turretia de Dombey, etc. Cette explication
suffit pour celui qui ne cherche que
le nom d’une plante j mais s’il s’agit de donner
un travail sur les genres, il faut que l’auteur
se décide pour adopter un de ces dombeya, à
moins qu’il ne préfère les rejeter tous, comme
il arrive pour trancher la difficulté ^ et établir
'de nouveaux noms plutôt pour sa commodité
que pour celle du lecteur, ainsi que l’a fait
Salisbury en donnant le nom de columnea au
dombeya Lam. Dans le cas où un auteur se
détermine à conserver un dombeya, lequel
va-t-il prendre ? Le voilà jeté dans une discussion
absolument étrangère à la science, et
chacun aura encore une opinion différente :
l ’on voudra conserver le nom de Lhéntier,
comme le premier auteur ; mais le genre pour
lequel il l’emploie, avoir déjà été nommé
tourretia dans les manuscrits de Dombey ,
connu par plusieurs botanistes, et Lhéntier,
qui possédoit ces manuscrits, ne pouvoir pas
l ’ignorer. D ’ailleurs, Fongeroux de Bandaroi
l ’avoir publié dans les Mémoires de VAcadémie
des sciences , 1734. Pourquoi. priver le
savant M. de laTourrette d'un hommage qui
lui étoit rendu par son ami ? Un autre trouvera
plus raisonnable d’adopter le dombeya.
de Lamarck, comme s’appliquant à un genre
sans nom, et que Molina, qui avoir découvert
la plante, avoir confondue très-malà
propos : avec les pins \ mais alors il faut
supprimer le nom araucaria j employé par
Jussieu, qui admettpit les dombeya de Cava-
nilles, etc. On peut dire la même chose de
Yaubleùa et de beaucoup d’autres genres Je
n’étendrai pas plus loin cette dissertation ,
qui, comme l’on voit, entraîne dans des longueurs,
dans des incertitudes , et amène pres-
qu’autant d’opinions différentes qu’il y a d’auteurs.
Il me suffit d’en faire sentir les incon-
véniens, et de prévenir que la même discussion
se représentera pour quelques centaines
de genres..
J ’avoue que, lorsqu’un nom a été employé
pour un genre mal établi ou déjà connu sous
une autre dénomination> ce nom, sans emploi
, redevient libre. Pourquoidira-r-on,
ne s’en serviroit-ou pas de nouveau ., surtout
si ce nom est celui d’un savant distingué, auquel
on veut rendre hommage? Faut-il qu’il
en soit privé, parce que son nom aura été
déjà gauchement employé ? J’avoue que cet
hommage, si simple, si pur quand il n’est
pas profané par l'adulation, souvent la seule
récompense des longs et pénibles travaux .,
ne doit pas être refusé au savant modeste ,.
dont toute une nation jouit des bienfaits
sans en connoître l’auteur j. mais du moins
ces noms ne doivent pas être hasardés pour
des genres douteux ou qui portent déjà un
autre nom. Quant aux noms indifférons, ils
ne devraient jamais être rappelés lorsqu’ils
"ont été adoptés pour des genres que l’on croit
devoir supprimer, encore moins les repren-
dre successivement pour cinq ou six genres»
J’en ai fait voir l’inconvénient dans l’exemple
que j’ai cité pour le dombeya.
Une des principales causes du changement
des noms, quand il est raisonné,.est de les
avoir rendus significatifs. Quand ils sont établis
sur un faux caractère, comme il est arrivé
quelquefois, ils doivent être nécessairement
supprimés, et c’est presque le seul cas. Quand
les caractères qu’ils expriment, sont communs
à plusieurs autres genres,, on doit les
conserver dès qu’ils sont établis y mais il faut*,
le.plus possible, éviter de les employer primitivement,
à moins qu’on ne soit bien
assuré que le caractère qu’ils annoncent, ne
convient et ne conviendra à aucune autre
plante : chose impossible | tant que l’on ne
connoîtra pas toutes les plantes qui existent;
à la surface du Globe.
L ’établissement des noms est d’une si
grande importance pour faciliter l’étude d’une
science, et nous mettre à portée de communiquer
nos observations et nos idées avec
clarté et précision, qu’il mérite une attention
toute particulière, ec ne doit pas être livré à
l'arbitraire. Nous venons de voir combien le
changement, dans la nomination des plantes,.
jette de désordre et d’embarras dans l’étude
de la botanique.. Cette innovation s’est
introduite avec la même fureur dans les termes
destinés à faire connoître les différentes
parties ou les organes des plantes : il est de
ces parties qui n’étoient point connues des
Anciens |( d’autres que l’on découvre tous les
jours ; d’autres enfin, qui portoieot des noms
obscurs, douteux ou d’une signification erronée.
Il esc évident qu’il falloir changer ces
derniers, et en créer pour les parties nouvellement
découvertes. Rien de mieux si on s’en-
étoit tenu la y tuais quand une fois l’amour