
Teuls que s unit a l'âge l’expreffion d'une force qui
fe renouvelle fans celle.
” La grandeur & le développement des organes
dans les plantes dépendent du climat qui les tavo- :
îife. Dans l’ impuifîance de peindre complètement ■
les plantes de l'Amérique , nous hafarderons de
tracer les caractères des groupes les plus fàillans.
Nous commencerons par les palmiers.
» Entre tous les végétaux, ils ont la forme la
plus élevée & la plus noble : c’eft à elle que les
peuples ont adjugé le prix de la beauté. Leurs tiges,
hautes , élancie's, cannelées, quelquefois gar-,
nies de piquons, font terminées par un feuillage ;
lu ifa n t ta n tô t ailé , tantôt difpofé en éventail.
Les feuilles font fréquemment frifées , comme
celles de quelques graminées. Le tronc liiTe atteint
fouvent une hauteur de cent quatre-vingts
pieds. La grandeur & la beauté des palmiers diminuent
à mefure qu’ils s'éloignent de l'équateur
pour fe rapprocher des zones tempérées. Un caractère
frappant dans les palmiers, 8c qui en varie
l'afpeCt très-agréablement, c'eft la direction des
feuilles. Les folioles font placées comme les dents
d un peigne, très-ferrées les unes contre les autres
, & couvertes d'un parenchyme très-roide :
c ’eft aialï qu'on les voit dans le cocotier 8c le datt
ie r , 8c c'eft ce qui produit ces beaux reflets de
lumière fur'la furface fupérieure des feuilles, d'un
vert plus frais dans le cocotier, plus mat & comme
cendré dans le dattier 5 ou bien le feuillage
refîemble à celui des rofeaux par fon tilfu compote
de fibres minces & fouples, & fe recourbant
far lui-même. Plus les feuilles font redrelfées ,
plus l'a gle intérieur-qu'elles forment par le bas
avec l’extrémité fupérieure du tronc eft aigu, plus
la figure de l’arbre a un caraCtère élevé. Quelle
différence d'afpeCl entre les feuilles pendantes du
jalma de covija de l'Orénoque, même entre celles
du dattier, du cocotier, 8c entre les branches du
jagua 8c_du pirijao , qui pointent vers le ciel ! La
nature a prodigué toutes les beautés de formes au
palmier jagua, qui couronne les rochers granitiques
des cataractes d’Arurès 8c de Maypurès.
Leurs tiges, élancées 8c liffes, atteignent une hauteur
de cent foixante à cent foixame-dix pieds;
de forte que , fuivant l’exprcflïon de Bernardin de
Saint-Pierre, elles s’élèvent en portique au deflïrs
des forêts. Cette cime aérienne contrafte d'une manière'
furprenante avec le feuillage épais des ceiba,
avec les forêts de lauriers & de mélaflomes qui
l’entourent. Dans les palmiers à feuilles palmées,
le feuillage touffu eft fouvent pofé fur une couche
de feuilles defféchées > ce qui donne à ces végétaux
un caractère mélancolique.
M La conformation 8c la couleur des fruits offrent
plus de diverfité qu’on ne le croit en Europe. Le
fnauritia porte des fruits femb.ables à deux oe ufs,
dont l’enveloppe-j éeaitleufe, brune Ôc lifte, leur
donne de la reflemblance avec les jeunes pommes
de pin. Quelle différence entre l’énorme coco
triangulaire, la datte 8c le petit fruit dur du co-
rozo ! Mais aucun fruit de palmier n'égale en
beauté celui du pi ri j a de San-Fernando de At.i-
bapo & de San-Baltazar ; il eft ovale & coloré
comme les pêches , moitié en jaune-doré, moitié
en ronge-foncé .-On voit dés grappes de ces
fruits pendre du haut de la tige d’un palmier ma-
jeftueux. C ’eft- lorfque la chaleur 8c l'humidité
agi fient en même teins, que la végétation des palmiers
eft la plus vigoureufe Û 8c que les formes
font les plus variées : c’eft pourquoi l’Amérique
du Sud eft la patrie des plus beaux palmiers.
*> Dans toutes les parties du Monde, la forme des
palmiers fe réunit à celle des bananiers. Leur tige,
plus baffè, mais plus fucculente , eft prefqu’her-
bacée, 8c couronnée de feuilles d’une contexture
mince 8c lâ che, avec des nervures délicates 8c
luifantes comme de la foie. Les bofquecs de bananiers
font la parure des cantons humides. C'eft
dans leurs fruits que repofe la fubfiftance de tous
les habitans des tropiques ; ils ont accompagné 1 homme dès l’enfance de fa civilifation. Si les
champs vaftes 8c monotones que couvrent les cé-
■ réales répandues par la culture dans les contrées
feptentrionales de la Terre embelliffent peu l’al-
peét de la nature, l’habitant des tropiques au contraire
, en s’établiflant, multiplie, par les plantations
de bananiers , une des formas de végétaux
les plus nobles 8c les plus magnifiques. On trouve
dans tous les pays de la zone torride la culture <. u
bananier établie depuis les tems les plus anciens,
dont parlent les traditions 8c les hiftoires. Il eft
certain que les efclâves américains ont porté en
Amérique quelques variétés de la banane ; mais il
ne 1 eft pas moins qu’elle étoit cultivée dans le
Nouveau-Monde avant l’arrivée de Colomb.
*> Les feuilles finement ailées des mimofa, des
acacia , des gledkfia, des tamarins, 8cc. font une
forme que tes végétaux affectent particulièrement
entre les tropiques; cependant on en trouve ailleurs
que dans la zone torride : ils ne manquent
pas aux Etats-Unis d’Amérique, où la végétation
eft plus variée / plus vigoureufe qu’en Europe,
quoiqu'à une Jatitude femblable. Le bleu-fotué
du ciel de la zone torride, qu’on apperçoit à travers
leur feuillage délicatement ailé, eft d’un effet
extrêmement pittorefque.
Él Les caatus fe montrent prefqu’exclufivement
en Amérique. Leur forme eft tantôt fphérique,
tantôt aTticuiee; tantôt elle s 'élève, comme des
tuyaux d orgues, en longues colonnes cannelées.
Ce groupe fprme, par fon extérieur, le contrafte lé
plus frappant avec celui des lîliacées 8c des bana-
niers ; il fait partie des plantes que-Bernardin de
Saint-Pierre a fi heureufement nommées lesfourecs
•végétales des déserts. Dans les plaines dénuées d'eau
de l’Amérique du Sud , les animaux , tourments
par la fo if, cherchent le melocactus, végétal fphérique
à moitié caché dans le fable , enveloppé de
piquans redoutables, 8c dont l’intérieur abonde en
fucs rafraîchifians. Les tiges de cattus en colonne
parviennent jufqu’à trente pieds de hauteur , 8c
forment des efpeces de candélabres : leur phyfio-
nomie a une reflemblance frappante avec celle de
quelques euphorbes d'Afrique.
» Quand on eft habitué à n’obferver les callus
que dans nos ferres chaudes, on eft franpé d'étonnement
en voyant à quel degré de denfîté peuvent
parvenir les vailîeaux ligneux des vieilles tiges de
cactus. Les naturels de l'Amérique favent que le
bois de caÈtus eft incorruptible, 8c qu'il eft excellent,
pour faire des. rames 8c des feuils de porte.
Aucune phyfionomie de plantes ne produit fur un
étranger une impre filon plus extraordinaire que
celle que lui fait éprouver une plai'.e aride ,
comme celles que l’on voit près de Cumana, de
Nueva-Barcelîona, dè Coro 8c de la province de
J -.en, de Bracamoros , couvertes de nombreufes
tiges de cactus qui s’élèvent comme des colonnes,
& fe diviEnt par le haut en forme de candélabres.
» Tandis que les euphorbes forment des oajîs
dilperfées dans le défera privé de végétation, que
les orchidéesfous la zone torride, animent les
fentes des rochers les plus fauvages, 8c les troncs
des arbres noircis par l’excès de la chaleur , la
forme des vanilles fe fait remarquer par des feuilles
d’ un v ert-cla irremp lies de fuc , 8c par des
fleurs de couleurs panachées, d’une ftruélure fin-
gulière. Ces.fleurs reffemblent à un infecte ailé
ou à cet oil'eau fi petit qu’attire le parfum des
nectaires, L a vie d’un peintre ne fuffiroit pas pour
repréfenter toutes ces orchidées magnifiques qui
ornent les vallées profondément fillonnées des
Andes du Pérou.
»Les cafuarinées, qu’on ne trouve que dans les
Inc es 8c les îles du grand Océan, font dénuées de
feuilles, comme la plupart des cactus. Ce font des'
arbres dont les branches font articulées comme
celles des prêles . cependant on trouve, dans
d’autres parties du Mende , des traces de..ce type,
plus fingulier qu'il n’eft beau. L 'equifetum alcjjfi-
mtim de Plumier, Yephedra du nord de l'Afrique, 1 e coilèti'a du Pérou & le calligonurn pàllafra de
Sibérie approchent beaucoup de la forme des ca-
fuarinées C ’eft dans les bananiers que le parenchyme
eft le plus prolongé : c’eft au contraire dans
les cafuarinées p l i s arbres ré fine nx, qu’ il eft le plus
rétréci. Les pins, les thuya, les cyprès, appartiennent
à une forme feptehtrionale qui eft peu commune
dans la zone torride. Leur verdure'continuelle
8c toujours fraîche égaie les-payfages at>
triftés par l’hiver, 8c annonce en même tems aux
peuples voifins des pôles, que_, lors même que la
neige 8c les frimât^couvrent la terre, la vie intérieure
des plantes, femblable au feu deProméthée,
ne s’éteint jamais fur notre planète.
» Les moufles & les lichens dans nos climats fep-
tentrionaux, les aroïdes fous les tropiques, font
para fîtes aufli bien que les orchidées , & revêtif-
fent les troncs des arbres vieilliflans ; ils ont des
tiges charnues 8c herbacées, des feuilles fagittées,
digitées ou allongées, mais toujours avec des veines
tïèv-groffes. Les fleurs font renfcimées dans
des fpathes. Ces végétaux appartiennent plutôt au
nouveau continent qu’à l’ancien. Le caladium le
pothos n’habitent que la zone torride. Leur parenchyme
prend quelquefois tant d’extenfion, que la
furface des feuilles eft percée, comme dans le dra-
contium pertufum.
» A cette forme des aroïdes fe joint celle des lianes,
d’une vigueur remarquable dans les contrées
les plus chaudes de l’Amérique méridionale : telles
font les paullinia, les banifleria , les bignonip , 6?ci
Notre houblon farmenteux 8c nos vignes peuvent
nous donner une idée de l'élégance des formes d e
ces groupes. Sur les bords de l’Orénoque, les
branches fans feuilles des bauhiaia ont fouvent
quarante pieds de long : quelquefois elles tombent
perpendiculairement de la cime élevée des acajous,;
quelquefois elles font tendues en diagonales
d’ un arbre à l’ autre, comme les cordages d’un
navire. Les chats-tigres y grimpent 8c y defeendent
avec une adreflè admirable.
» La ferme roide des aloès bleuâtres contrafte
avec la forme fouple des lianes farmenteufes, d’un
vert frais 8c léger. Leurs tiges, quand ils en o n t,
font la plupart fans divifions, à noeuds rapprochés
, torfes fur elles-mêmes, comme des fer-
pens, 8c couronnées à leur fomtnet de feuilles
fuccuientes, charnues, terminées par une longue,
pointe, 8c difpofées en rayons ferrés. Les aloès
à tige haute ne forment pas des groupes, comme
les végétaux qui aiment à vivre en fociété; ils
croiflent ifolés dans des plaines arides, 8c donnent
par-là aux régions du tropique un caractère particulier
de mélancolie,
» Une roideur 8c une immobilité trifte caraéfce-
rifenc la forme des aloès. Une légéreté riaote &
une fouplefle mobile diftinguent les graminées,
8c en particulier la phyfionomie de celles qui
font arborefeentes. Les bofquets de bambous
forment, dans les deux Indes, des allées ombragées.
La tige lifte , fouvent recourbée 8c flottante
des graminées des tropiques , furpaiïe en hauteur
celle de nos aulnes & de nos chênes.
» La forme des fougères sie s’ennoblit pas moins
que celle des graminées dans -le,s; contrées chaudes
de la terre. Les fougères arborefeentes, fouvent
hautes de trente-cinq pieds , reiflemblent à
des palmiers ; mais leur tronc eft moins élancé,