« Il me i-este encore, dit ce voyageur, une remarque à faire
sur le voyage de George Anson, au sujet d’une espèce d’iierbe
ou de [dante marine, que les Espagnols trouvent avant que
d’arriver à Acapulco, après avoir couru (|uatrc-vingt-seize degrés
de longitude. Selon ce marin célèbre, à compter du cap lîspiritn-
Santo, on trouve ordinairement la mer couverte d’une herbe
flottante, que je conjecture, continue notre auteur, devoir être
une espèce de poireau marin, par le nom Ae Porra, que lui
donnent les Espagnols'. Or je remarque (pie le mot castillan
.porra ne signifie pas poireau; il veut dire massue, et porraço
signifie coiqj de massue, 11 y a toute apparence que l’auteur du
voyage, ou celui qui l’a traduit en notre langue, ne savait pas
assez le castillan, et (pi’il aura cru que porra, par une espèce
de ressemblance avec le mot français poireau, en était en effet
une espèce. Quoi qu’il en soit, l’auteur du voyage n’a point vu
cette plante. Quant à moi, je donne ici un dessin dont m’a fait
présent le Père D. Estevan Rojas y Melo, en m’assurant que
ce dessin est exactement conforme à la Porra, c’est-à-dire à la
plante marine (pie trouve le galion avant d’arriver aux côtes de
Californie. Dans ce dessin, on voit que la [liante a en effet plus
la forme d’une massue que d’un poireau; elle avait, selon la
mesure c[ui en fut faite, quarante brasses de longueur environ.
«Ne sachant pas dans quel genre et quelle classe placer cette
plante, j’ai cru ne pouvoir mieux faire ([ue de consulter
M. Guétard, de l’Académie royale des Sciences; et voici la note
([u’il ni a donnée, et (pie les naturalistes verront ici avec plaisir
sans doute. 11 a fait une jihrase pour cette plante dans le goût
des botanistes, et l’ajipelle donc ; Fucus ramis ex tubero rotundo
exeuntibus, foliis planis, profundé crenatis, pediculatis, pedículo
uno versa dispositis. Cette plante, continue M. Guétard,
' Voyage de George A n son , liv. ( I , ]). i( )3.
est une espèce de celles qn’ou appelle en France du nom de
varech, goémon, |)ar les botanistes, de celui Ac fucus. Cette
espèce est singulière, en ce (|ue le haut de la tige est terminé
[lar un tubercule ou une vessie dont les branches [lartcnt, et
en ce qu’il parait ([ne les pédicules des feuilles sortent d’un
même côté. Il me semble qu’elle n’a pas encore été gravée; je
ne l’ai pas reconnue parmi celles dont il est parlé dans l’ouvrage
de Linné, intitulé : Espèces des plantes j elle n’est pas non plus
dans l’ouvrage de Samuel-Gobtiel Gmelin, (pii en a lait graver
un grand nombre d’espèces; on ne le voit [las [larmi les [liantes
du Mexique gravées dans l’ouvrage de Hernandez sur ce pays :
il n’en est pas non plus fait mention dans l’Histoire des Barbades
par Hugues, ni dans la collection des plantes de Morisson. 11
me paraît que cette plante est nouvellement découverte par les
Européens, et qu’il est bon d’en donner une figure gravée.
Cette plante, comme toutes celles de ce genre, donnerait, étant
brûlée, cette espèce de sel alcalin ou soude qu’on appelle en
Normandie du nom de varech. »
La Durvillée ne donnerait seulement pas de soude comme
les varecs des côtes normandes; elle fournit aux habitants des
rivages oii elle croit nn aliment qui, pour être jilus princijialement
employé jiar la classe pauvre, n’en est pas moins agréable ;
il pourrait être beaucoup [ilus agréable encore, s’il était préparé
par mi cuisinier habile. Ayant fait ap|irêter à la manière des nids
d’hirondelles, dans du bouillon gras, quebjnes-uns des écbantillons
([ni nous en furent rapportés, nous les avons trouvés
un peu mucilagineux et sucrés, mais d'un excellent goût.
La [liante dont il est question, et dont M. Durville recueillit
quelques fragments aux Malouines, parait être beaucoup plus
répandue sur les côtes du Chili ; c’est encore de Talcaguano,
dans ce jiarage, ainsi que du cap Horn, que M. Cbamisso la
rapporta en Europe; un cajiitaine de marine marchande nous