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genre homme, sépare l’Europe de l’Afrique, à peu près entre
les trentième et quarante-cinquième degrés de latitude Nord,
et s’étend de l’Est à l’Ouest, depuis l’Asie jusqu’aux Colonnes
d’Hercule, dans une longueur de plus de neuf cents lieues; sa
largeur est beaucoup moins considérable. La mer Noire, dont
celle d’Azof n’est qu’un appendice, doit en être considérée
comme une dépendance, et la mer Adriatique y est comme
une méditerranée secondaire, qu’en distingue le canal d’Otrante.
Beaucoup de ses parties présentent des traces de fracassement
et des ruptures volcaniques, qui mirent successivement en communication
la mer Noire avec celle de Marmara par le Bosphore,
celle-ci avec la mer Égée par les Dardanelles, cette
même Égée avec le reste de la Méditerranée entre la Morée et
Cérigo, Cérigo et File de Crète, File de Crète et Carpathos,
Carpatbos et Rhodes, Rhodes enfin et F Anatolie. Peut-être une
autre interrujition régnait-elle originairement entre la pointe
Punique et les Calabres, par Lampedouse, Linose, Malte, Goze
et la Sicile. Quoicjue toujours alimentée par de très-grands
fleuves, au nombre descjuels le N il, le Tanaïs, le Borjfsthène et
le Danube sont du premier ordre, et sans que l’évaporation
puisse suffire pour absorber la plus grande partie de ses eaux,
il est certain que celles-ci furent originairement bien plus élevées
c[u’elles ne le sont maintenant. Les preuves de la diminution
, en surface , de la Méditerranée proprement dite, sont visibles
sur tous les points de ses rivages ; en mille lieux, ceux-ci
sont coupés à pic, surtout dans les endroits oii l’on jieut supposer
que de vastes courants ont fait irrujjtion, comme au
Bosphore, aux Dardanelles, aux extrémités de toutes les pointes
helléniques, et surtout vers le détroit de Gibraltar, dont nous
croyons avoir démontré la très-récente formation '. La rupture
’ V o y e z notre Résumé géographique de la péninsule Ibérique, sect. I I , chap. I ,
pag. T16 et suivantes.
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de ce détroit avait été indiquée par divers écrivains, mais sans
preuves; et, comme tant d’idées hardies sont jetées en avant au
hasard par des auteurs téméraires, cjui, lorsquun observateur
scrupuleux a prouvé la réalité des choses, ne manquent pas de
dire qu’ils les avaient devinées et proclamées avant tout autre,
nous ne reviendrons pas sur la révolution physique qui détermina
la séparation de l’Afrique et de la péninsule, comme pour
incorporer celle-ci à l’Europe, à laquelle néanmoins elle semble
demeurer toujours étrangère. 11 nous suffira, pour ajouter une
preuve à ce grand fait, en faveur duquel témoignent les montagnes
littorales, la nature des roches, des caméléons, des singes,
des orchidées, et le reste de la Flore ou de la Faune atlantique
de rappeler ce que disait Saussure, qui observa, entre Monaco
et Vintimille, de grands rochers coupés à pic vers le rivage, et
dont les flancs offraient jusqu’à la hauteur de plus de deux cents
pieds une multitude d’excavations profondes, où l’on reconnaissait
l’effet du balancement des vagues. Ces excavations, depuis
la cime des monts voisins, et graduellement en descen-
dantj jusqu’aux lieux où se brisent aujourd’hui les flots, offrent
les mêmes caractères. Nous avons également vu comment, à
f époque où le détroit de Gibraltar n’existait pas, les bassins
opposés de l’Hérault et de la Garonne, au travers de 1 Occitanie
et de FAquitanique, formaient le dégorgement de cette mer,
dont les eaux baignaient, d’un côté, les racines de l’Atlas,
et, de l’autre, l’extrémité boréale du bassin du Rhône, où
■ M. F a u ch é , inspecteur-général du service de santé , zélé botaniste , nous a coin-
muniqué, depuis la publication de nos ouvrages sur l’E sp agn e , diverses plantes bar-
baresques qui nous y avaient échapp é, et surtout le cynomorium, végétal fort e x traordin
aire, de physionomie africaine, qui complète l’ identité de la Flore bétique
avec la Flore atlantique, et qu’on n’avait encore retrou v é, hors de cette ré g ion , qu a
Malte, qu’on peut considérer comme en faisant partie et ayant dû appartenir originairement
à l’ancien continent austral plutôt qu’au boréal.
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