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l’histoire de la mer, l’étude de ses productions, de transcrire
encore quelques lignes de notre Dictionnaire classique d’histoire
naturelle sur les Caspiennes.
Nous étendrons ce nom, restreint jusqu’ici à une seule mer
sans communication avec aucune autre, à tout amas d’eau salée
qu'emprisonne la terre dans la totalité de sa circonférence, et
(|ue nul détroit, ni même de cours d’eau un peu considérable,
ne met en communication, soit avec un océan, soit avec une
méditerranée. Par quelque opération barométrique ou nivellement
qu’on puisse établir l’élévation de pareilles mers au-dessus
des autres, il est impossible de contester sérieusement qu’elles
aient été primitivement unies aux mers voisines. Elles sont demeurées
dans le milieu des continents comme des monuments
de la diminution des eaux à la surface de notre [ilanète.
Ainsi que les Méditerranées se forment aux dépens de l’Océan,
les Caspiennes à leur tour se formèrent aux dépens des Méditerranées
, dont les détroits s’étaient fermés. Elles diffèrent des
lacs, dont l’eau est toujours douce, par leur salure, plutôt
que par leur étendue, qui n’y fait rien , puisqu’il existe des lacs
plus grands que certaines caspiennes ; mais comme la salure
de ces caspiennes diminue en raison de l’importance des fleuves
ou des rivières qui s’y dégorgent, il est plus d’un lac aujourd’hui
qui dut être une Caspienne autrefois, et plus tl’une Caspienne
c|ui ne tardera pas à devenir un lac. De telles mers, n’étant
point alimentées par l’introduction de courants qu’y pourraient
envoyer d’autres mers , tendent à disparaitre avec assez de
promptitude ■. aussi trouve-t-on beaucoup plus de traces d’anciennes
caspiennes desséchées, qu’on ne trouve de caspiennes
actuellement existantes. Les déserts stériles, salés, unis, que
ne sillonne aucun cours d’eau, où ne se rencontrent tout au
plus que des sources saumâtres de loin en loin, et qu’environnent,
dans une étendue plus ou moins considérable, des
hauteurs dépouillées, furent des caspiennes, dont ces hauteurs
enviromvafttes étaient les rivages primitifs. La plupart redeviendraient
des mers, si deux ou trois cents mètres d’eau se trouvaient
seulement ajoutés à la masse des eaux actuellement
existantes à l’état de fluidité. Nous avons retrouvé le lit de
plusieurs de ces caspiennes desséchées en Espagne où très-
souvent persistent, vers le point où ces mers intérieures furent
le plus profondes, de petits amas d’eaux dans lesquels la plus
grande partie du sel s’étant comme accumulée, on voit ce sel
se cristalliser dans les étés brûlants, et ue se dissoudre dans
le liquide qu’au temps où des torrents de pluie viennent en
noyer de nouveau la masse éblouissante. Les environs de ces
culots de caspiennes, comme eux imprégnés d’un sel qui s’ef-
fleiirit et brille à la surface du so l, ne produisent, même à de
grandes distances des rives, que des plantes maritimes; et
M. Léon Dufour, naturaliste distingué, nous a assuré avoir vu
jusqu’à des fucus vivants, au centre de l’Aragon, dans un reste
de Caspienne, non loin d’un lien nommé Buralajos. Cette partie
de la Pologne, où se trouvent les mines de Willitska, dut être
également une Caspienne européenne. Lé grand désert de
Sahara, au milieu de la partie boréale de l’Afrique, compris
entre l’Atlas, les monts de la Guinée, le Botirnou inférieur et
le Fezzan, forma encore une vaste Caspienne, ainsi que les
parties centrales du même continent, au Midi des montagnes
de la Lune, ainsi que le milieu de la presqu’île Arabique, ainsi
que le centre de la Perse. Dans ce dernier point du globe,
l’existence d’une partie de la mer effacée est démontrée par la
présence d’un vaste désert salé à l’Est de Téhéran, et, dans
l’Afghanistan, par le bassin de la rivière d’Helmend, qui, séparé
*■ Voyez nos ouvrages intitulés : Guide du Voyageur en E spagne , et Résumé
géographique de la péninsule Ibérique.