r e m a r q u e s e t r e c h e r c h e s
est préférable à celle qui confondroit le jugère avec le pièthre, puisque la
première mesure est double de l’autre, soit en étendue linéaire ( par la valeur
de son grand côté), soit en superficie, bien que Pline n’ait pas toujours fait
cette distinction.
Ce qui semble démontrer tout-à-fait l’acception que je donne aux quatuor
¡usera que Pomponius Mêla donne à la base, c’est ce qui suit : totidem in altitudinem
eriiritur. A la vérité, il tombe dans la même erreur qu’Hérodote, qui égaloit la hauteur
à la base ; mais cela même détermine la manière dont le passage doit etre
entendu. Quant aux mots tricenûm pedurn lapidibus exstructoe, on ne pourroit sans
exagération les appliquer au monument tout entier : quelques pierres approchant
de cette énorme dimension ont bien été employées dans les assises inférieures
de la pyramide (elles ont de 20 à 25 coudées); mais on n’en trouverait point
ailleurs de semblables.
Selon A r i s t i d e ( 1 ), ou plutôt d’après le rapport qu’il dit lui avoir ete fait par
les prêtres ( Ae'yu <b’ à r«v lepéav lixouov ), les pyramides s enfoncent autant par
dessous terre que leurs sommets s’élèvent au-dessus. Si je cite une telle assertion
peu digne d’être réfutée, c’est afin de mettre sous les yeux des lecteurs tous les
témoignages des anciens. C ’est pour ce même motif que je mentionnerai encore
ici le passage où Xiphiiin, l’abréviateur de Dion Cassius, prétend que Cornélius
Gallus, le premier des gouverneurs envoyés en Égypte par Auguste, fit graver
ses actions sur les pyramides (2). Il est également difficile, et d’admettre un fait
aussi vague, et de faire aucune hypothèse sur le monument dont il est question,
ou la manière dont on s’y étoit pris pour consacrer le souvenir des exploits de
Gallus. Il existe d’autres passages des anciens que je n’ai pas encore allégués ;
ils seront cités dans le paragraphe suivant sur la destination et 1 objet des pyramides
: jè dirai seulement ici que Manéthon (3) attribue les pyramides à un roi,
arrière-petit-fils de Ménès, de la dynastie Thinites, qu’il nomme Venephès, Il
dit aussi que les pyramides lurent bâties aux environs du lieu dit la ville de
Cochomê, imà- Ko^aw vel , lieu aujourd’hui ignoré, et que j’ai déjà
mentionné dans la Description de Memphis.
§. IIExamen
des Auteurs Arabes.
V o u l o i r rassembler toutes les relations des écrivains Arabes sur les pyramides
seroit se condamner à rapporter moins de faits certains ou probables que de
fables absurdes ou ridicules; on ne doit donc pas s attendre ici à un pareil
travail. Je puiserai seulement dans les ouvrages et les fragmens traduits jusqu a
présent plusieurs traits curieux qui s’accordent avec les faits constatés, ou qui
ne choquent pas la vraisemblance, ou enfin qu’il est nécessaire de rapporter
pour l’intelligence des passages des anciens.
(,) Ans,, g orat. Ægypt. (a) Xiphil. in C a sa " Auguste. (3) Syncell. Chronogr. p. S4'SSJ’extrais
d’abord en peu de mots de la Pyramidographic de Greaves ( pag. 80
et suivantes) une partie du récit de l’auteur appelé Ebn A 'bd el-Hokm (i), en
supprimant un grand nombre de fables.
Le s pyramides sont l’ouvtagè de S aurid , roi d’E g ypte , antérieur au déluge de trois siècles. A fa
suite d’un rêve effrayant que le prince raconta aux prêtres, ifs prédirent un déluge qui devoit tout
détruire; alors le roi ordonna de construire des pyramides avec un puits recevant l’eau du Ni l , d’y enfermer
des talismans, des pierres précieuses et des trésors, et d’y graver les préceptes et (es procédés
des sciences et des arts, l’astrologie, l’arithmétique, la géométrie, & c. &c. O n tailla d’énormes colonnes
et des pierres prodigieuses, et l’on fit les fondations des trois pyramides en pierres massives amenées
de l’Ethiopie, scellées avec du plomb et du fe r ; les portes, à 4° coudées sous terre: la hauteur avoit
100 coudées royales ou 500 de nos coudées ; chaque côté avoit aussi 100 coudées royales.... Dans la
pyramide colorée ( ou peinte ) il plaça les archives des prêtres , gravées sur des caisses de marbre noir....
Dans la pyramide occidentafe, étoit un trésorier [ g a r d ie n ] , statue de marbre debout, armée d’une
lance avec un serpent tordu sur la tête.... Dans la pyramide de l’e s t, c ’étoit une statue d’agate noire;
les yeux brillans, assise sur un trône, une lance à la main. C e lu i de fa pyramide colorée étoit une statue
assise de la pierre appelée albut.
Les C optes écrivent dans leurs livres qu’il y a une inscription gravée sur les pyramides, portant ces
mots : M o i , Saurid, roi d’Egypte, j 'a i bâti les pyramides et j e les ai finies en s ix ans: que mon successeur, s ’ i l
prétend m’égaler, les détruise en s ix siècles, et cependant i l est certain qu’i l est p lus fa c ile de renverser que
d ’édifier. Âpres les avoir terminées, j e les ai couvertes d ’étoffes : qu’i l les couvre de nattes Dès que le
calife AI-Mâmoun eut vu les pyramides, il désira d’en connoître l’intérieur et de les faire ouvrir; ce qu’il
pratiqua dans l’endroit où est l’ouverture actuelle, à l ’aide du feu et du vinaigre e t de divers engins, non
sans une grande dépense. L ’épaisseur delà muraille (d u revêtement) étoit de vingt coudées. O n trouva
derrière une aiguière d’émeraude verte avec mille dynârs, chacun d’une once de nos o n c e s O h vit
dans l’intérieur un puits carré avec des portes conduisant à une chambre de momies, et au-dessous du
sommet de la pyramide, une chambre, avec une pierre creusée, dans laquelle étoit une statue de pierre
de forme humaine, renfermant un homme qui avoit sur la poitrine un pectoral d’or enrichi de pierreries,
et une épée d’un prix inestimable, et sur la tête une escarboucle de la grosseur d’un oeuf, brillante comme
le soleil, avec des caractères que nul homme ne peut li r e ...........
L ’auteur primitif du récit dont on vient de lflfe la substance, est tombé dans
la même erreur qu’Hérodote en égalant le côté de la pyramide à sa hauteur:
mais, en donnant yoo coudées de la mesure Arabe vulgaire ( cinq cents de nos
coudées) pour longueur de la base, il a rapporté un fait exact, puisque 500 fois
ora,462 font 231 mètres ; ce qui est la vraie longueur de cette ligne. Les statues
portant une lance à la main sont sans doute des figures tenant le bâton augurai,
et ces mots, un serpent sur la tète, signifient l’ornement en forme de serpent dressé,
qui orne le devant des coiffures Egyptiennes.
Par la pyramide colorée il faut entendre la pyramide revêtue en granit noir.
S’il étoit vrai, comme on le dit ici, qu’elle renfermât des inscriptions Égyptiennes,
il faudroit se féliciter de ce qu’on n’a pas encore pénétré dans l’intérieur jusqu’à
présent ( 2 ) ; mais il n’y a pas un autre fondement à ce fait qu’une tradition
qui se seroit perpétuée parmi les Coptes jusqu’à Al-Mâmoun. J’ai dit plus haut
que j’avois aperçu sur la face du nord un endroit qui paroît correspondre à
cette ouverture; il n’est pas douteux, d’après l’analogie de toutes les autres pyra-
(1 ) Mohammed A’hd-allah ebn A’bd el-Hokm. M. Langlès a donné une version plus complète du passage,
édition du Voyage de Norden, t. III, pag. 268 et suiv.
(2) EI-Melik ei-A’ziz a essayé de l’ouvrir, et de nos jours Mourâd-bey.