
La meme planche 38, A . vol. I l l , qui a été citée, offre un signe qui, au premier
coup-doeil,a beaucoup danalogie avec une forme de poids: c’est une masse plate,
surmontée dun crochet propre à la saisir. Cette disposition est commode, et rend
probable l’idée que nous attachons à la figure dont il s’agit. Ici elle est précédée
du nombre i o (H) J : cette notation est trois fois répétée; on pourroit donc la
regaider comme 1 expression de dix fois un poids déterminé. Au-dessous il y a J HO;
on liroit de meme deux fois le poids dont il s’agit. Mais il faut se rappeler
que le monument souterrain d Elethyia représente les poids antiques sous une
figure bien différente ; ces poids ont la forme annulaire, précisément comme
les poids de rotl usités de nos jours au Kaire et dans toute l’Égypte, Q , et
cette forme est encore plus commode que celle qui est représentée à Karnak.
En effet, des poids pareils sont faciles à empiler jusqu’à une assez grande hauteur,
ils sont aussi tres-fàciles à enlever. J’ai vu maintes fois des.- marchands
transporter au loin, sur leurs épaulés ou sur les bras, et sans aucune fatigue, une
quantité considerable de ces poids, qu il eût été presque impossible de porter
sous une autre forme.
Je nai pu découvrir si, outre l’usage des caractères dont je viens de parler,
les Egyptiens avoient un système de notation analogue au nôtre! On sait que
le système de la progression décimale, c’est-à-dire, par lequel les caractères ont
une valeur décuple en avançant de droite à gauche, et qui est aujourd’hui
adopte universellement, n est point une condition nécessaire ni même la meil-
leuie de toutes pour la numération. Les philosophes modernes, dans leurs spéculations,
se sont occupés de rechercher quels avantages résulteroient de la progression
binaire, de la progression duodénaire, ou d’autres semblables. Il est
constant que nous tenons nQtre progression dénaire des Arabes, qui l’ont empruntée
aux Indiens ; mais, si les Indiens ont mis ce système en pratique à une
époque déjà ancienne, ainsi que le fait voir le savant auteur du Traité de /'arithmétique
des Grecs (1), il devient probable que cette idée ingénieuse de fixer la
valeur des signes par la place quils occupent, n’a pas été entièrement inconnue
aux Egyptiens. On nous opposera sans doute les signes numériques détachés
que nous venons de faire reconnoître sur les monumens; mais ne faisons-nous
pas usage des chiffres Romains, malgré la généralité de l’emploi de l’arithmétique
décimale ï Seulement je conjecture que la notation Égyptienne supposée n’étoit
point apparente comme les signes ordinaires de nombres, qu’ils n’ont pas cherché
a envelopper dun voile. Selon moi, les caractères systématiques, s’ils ont
existe, devoient etre puises dans la série ordinaire des signes, pris alors dans
un sens tropique ; ce qui est sensible par 1 application du passage connu de Clément
d’Alexandrie.
Les signes dont j’ai parlé dans ces Remarques étoient eux-mêmes des symboles
(1) Histoire de l ’astronomie ancienne, tom. ] . " , pag. 5 18 ,5 19 , 537, 542 et suivantes.
de l’écriture hiéroglyphique, ayant une signification toute différente, selon leur
place dans le discours. La pierre de Rosette en est une preuve démonstrative,
puisqu’il n’y a que dix ou onze nombres cités dans le grec, tandis que les hiéroglyphes
de 1, 10, 100, i,lni e t ? , sont répétés plus de trois cent seize fois dans la
seule partie conservée.
Au reste,, on sera poite a croire que les Égyptiens avoient deux manières de
noter les quantités et les nombres, si l’on considère qu’à Elethyia, où sont représentées
des scènes domestiques et rurales, on voit des marchands vendre des den-
rees et compter des ballots, des hommes de la campagne comptant des mesures
et des sacs de grains, enfin un personnage occupé à enregistrer le résultat du calcul ;
et que cependant les signes numériques ordinaires ne se retrouvent point dans
les inscriptions contiguës à ces tableaux expressifs, tableaux dont le sens ne laisse
aucun doute (i). La figure de 1 unité est la seule quon y voie; mais elle y a
certainement une autre signification : je ne donne cette réflexion que comme
une conjecture, qui ne peut nullement infirmer les résultats précédens.
D autres planches de (ouvrage, qui n’ont pas été mentionnées plus haut, renferment,
en assez grand nombre, des exemples curieux et même importans de
caracteies numeiiques. Nous aurons occasion de les citer, et d’en tirer les conséquences
qui se présentent naturellement.
(i) Voyez pl. 68, A . vol. I.
A . T O M E H.