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 Le seul Démocrite paroît avoir possédé  la langue Egyptienne;  il avoit même composé  
 un  livre  sur  leur écriture,  et  la  perte de  ce  livre  est  irréparable. De  ce  fait  
 même  on  doit  inférer  que  Démocrite  ,  philosophe  et  mathématicien,  curieux  
 observateur  de  la  nature,  avoit  senti  la  nécessité  de  faire  une  étude  spéciale  et  
 approfondie  de  la  langue  des  Egyptiens,  afin  de  comprendre  leurs  ouvrages  
 scientifiques  (  i  ). 
 S’il  y avoit eu  parmi  les Grecs des  connoissances  de  ce  genre,  n’auroient-elles  
 pas  été  sur-tout  en  honneur  dans  l’école  d’Alexandrie,  cultivées  et  florissantes  
 jusquà  la conquête  de Jules  César,  et  n’auroient-elles  pas  passé  des  Romains  jus-  
 quaux  Arabes,  et  des  Arabes  jusqu’à  nous!  Que  l’incendie  de  la  bibliothèque  
 d’Alexandrie  ait anéanti  sans  exception,  s’il  y  en  avoit,  les  livres  de  cette  espèce  
 avec  tous  les  autres,  c’est-à-dire,  ceux  qui  pouvoient  servir  à l'interprétation  des  
 caractères  sacrés, est-ce une raison  pour  que  l’intelligence même  de ces  caractères  
 ait  péri  en  même  temps,  si  elle  eût  été  répandue  parmi  les  Grecs  d’Egypte  
 pendant  trois à  quatre  siècles! En  effet,  ils  l’auroient  transmise  en  Europe,  dans  
 la  Cyrénaïque,  en  Asie,  et  par-tout  où  les  Grecs  avoient  porté  leurs  armes  et  
 leurs  établissemens.  Le  profond  Aristote  n’auroit-il  pas  puisé  à  cette  mine  de  
 connoissances pour  écrire  sur  les  animaux  et  les  productions  de  l’Afrique  et  de  
 l’Ëthiopie ! 
 Mais, dira-t-on, Hérodote, E)iodore et d’autres avec  eux, assurent avoir consulté  
 les  archives  du  pays  :  doit  on  inférer  de  là  qu’ils  ont  su  lire  les  écritures  hiéroglyphique  
 et démotique! Non, puisqu’il y avoit des interprètes  qui leur  expliquoient  
 en  grec des  fragmens des  anciennes  traditions.  Ainsi,  que de  causes de corruption  
 pour les noms  des  lieux, des hommes  et des choses, noms traduits  en grec,  et consignés  
 par les voyageurs  sur leurs  tablettes !  i  ° altération  de  ia part  des  interprètes  
 Egyptiens  pour  les  transporter des hiéroglyphes,  ou  de l’écriture vulgaire,  dans  la  
 langue  Grecque  ;  2.°  altération  de  la  part  des  Grecs  pour  les  écrire  avec  leurs  
 caractères;  3.0  altération  provenant  de  ce  que  les  sons  diffèrent  dans  les  deux  
 langues,  et  même  de  ce  que  certains  sons  Egyptiens  manquoient  tout-à-fait  à  
 l’alphabet  Grec. 
 Peut-on  douter,  en ce qui  regarde  les pyramides, que le nom de  ces monumens  
 ait été dénaturé  en  passant dans  le grec,  et  est-il  surprenant que les premiers voyageurs  
 qui  entendirent  prononcer  ce  nom,  l’aient modifié  comme  ils  ont  fait  de  
 tous  les autres,  aient réuni plusieurs  mots  en  un  seul,  enfin,  comme  c’est  l’usage  
 chez toutes  les  nations (2),  l’aient  rapproché de  quelque mot  significatif dans  leur  
 propre  langue! Je  ne parle  pas  de la  finale  1«  ou  ç  que  les  Grecs ont  ajoutée  partout; 
   mais l’article Egyptien n , qu’ils  ne séparaient pas  de  la syllabe  suivante,  con-  
 tribuoit à former un groupe qui se rapprochoit du mot Grec ÜTP ;  et de  là  p y r amis,  
 au lieu de pirami ouperemi.  Peut-être le nom  du monument avoit-il quelque rapport 
 (1  ) Voyez, A .  M . tome  Mémoire  sur  le  système  droits de cet ouvrage. Pendant l'expédition Française, nos  
 “métrique des  anciens Egyptiens,  ch. x i i.  soldats  et  les  Egyptiens  altéroient  les  uns  et  les  autres 
 (2)  Pour ne pas prolonger ces  réflexions, je  me  borne  les mots de la langue qu’ils n’entendoient pas, de manière  
 à renvoyer ici aux exemples que j’ai  cités en plusieurs en-  à en  former des mots à peu près Français ou Arabes. 
 avec la racine tou,  scientia. Je remarque que Zoëga interprète le nom d’Hermp&par  
 Ep-Eun, pater scientioe ( i ), père, origine, source de la science ; avec l’article et la finale  
 Grecque, on auroit peremis. Les Grecs peuvent avoir substitué  I’t  à  I’e pou,r avoir le  
 mot rrrp.  Il  n’y a point d’aspiration dans ce mot, mais le grec  n’eri a  pas davantage.  
 Ici  l’objection  opposée  par M.  Silvestre  de  Sacy contré l’étymologie  de La  Groze  
 et de  Jablonski, ns-pit-ju-oicE,  ou  salis  sptmdor,  savoir, que  le régime  en  égyptien  ne  
 précède  pas  le nominatif,  ne peut être  faite,  car  les mots sont  placés dans '1 ordre  
 qui leur convient. Ce que les Grecs avoient fait,  les Arabes l’auront fait à leur tour,  
 en  rapprochant le mot eremi  d’un mot Arabe tel  que heram avec l’aspiration douce,  
 exprimant  dans  leur langue l’idée d’une  très-grande  ancienneté :  peut-être  aussi  le  
 mot Ep  étoit-il  légèrement  aspiré  dans  le  nom  antique.  Ils  ont d’ailleurs  mis  l’article  
 Arabe  à  la  place  de l’article  Égyptien. Nous ne  chercherons  point à  justifier  
 le  sens  de  origo scientioe par aucun argument;  car  il ne faut pas faire les  étymologies  
 pour un système, et il  faut au contraire  que  tout  système raisonnable soit confirmé  
 par la véritable  valeur des mots : mais,  si  cette dénomination est fondée, elle expli-  
 queroit  le  nom  d ’E PM H X ,  l’inventeur  des  sciences, nom  qui,  selon Jablonski (2)  
 et Zoëga, est plutôt Égyptien  que Grec. Nous sommes loin de  présenter avec confiance  
 cette origine du mot p y r a m id e   ; mais nous pensons que ni les  Grecs,  ni  les  
 Arabes,  n’ont  traduit  l’ancien  nom  Égyptien,  et  qu’ils  ont  rapproché  ce  nom  de  
 mots  significatifs dans leurs  langues  respectives.  Au reste,  on  doit  avouer  qu’une  
 des  plus  plausibles  de  toutes  ces  étymologies,pi-liharam,  est  sujette  à  la  même  
 difficulté  à  cause  du  ou  de  l’aspiration  forte,  qui manque  dans  le  mot  Grec  
 aussi bien que  dans le mot Arabe. 
 En  terminant  cet  article,  nous  ne pouvons négliger  de signaler à l’attention  du  
 lecteur  une  question  qui  déjà  peut-être  s’est  offerte  à  son  esprit  :  comment  est-il  
 arrivé  que  ces monumens  extraordinaires,  et  la  figure  appelée  pyramide  en  géométrie, 
   aient porté  un  nom  commun!  Les  Égyptiens  nommoient-ils  déjà  ainsi  
 cette  figure, avant de  construire  les monumens et  de leur  en  donner  le  nom!  ou  
 bien  ont-ils,  après  les  avoir  construits,  appelé  du  nom  commun  de  pyramide  
 toute  figure  de  géométrie  de  la même  forme,  ou  bien  ayant  pour base  un  polygone  
 quelconque! 
 On  peut  demander  aussi  d’où  les mathématiciens  Grecs  ont  emprunté  le  nom  
 de pyramide pour le donner à  la  figure  géométrique. 
 Si  l’on y réfléchit,  on  verra  que  cette  question  n’est pas  tout-à-fait oiseuse. Dans  
 le  premier  cas,  il  est tout simple  que les Égyptiens  aieht  donné  aux monumens  le  
 nom  commun  des  figures de même espèce : le  sens des mots Ep-E«-ï  s’explique  très-  
 bien dans  cette idée, car  les propriétés  de  cette  figure sont  en  très-grand nombre,  
 et  il  en  découle  une  multitude  de  propositions  et  de  théorèmes  de  géométrie,  
 et d’applications à l’arithmétique et aux sciences;  ce qu’indiqueroient les mots pater,  
 origo,fins  scientioe.  La  seconde  supposition  n’est peut-être  pas  aussi  vraisemblable, 
 (  i )  Voyez Zoëga, De usu et origine obeliscorum, p. 224.  ne donne  d’autre signification a Bp  ({uejhcere, esse, fit ri. 
 Toutefois  Zoëga  n’ajoute  aucun  développement  qui  (2)  II traduit le mot  Ep--V-E<^  par qui complementum 
 appuie  cette  étymologie,  et  le  vocabulaire de La  Croze  ¿at> iVc. Panth. Ægypt. pars,  n i , p.  189.