P. Le Quien; je ne parle pas d’un nombre inférieur cité par Schultens d’après un
lexicographe Arabe. Comme l’Egypte a toujours été en se dépeuplant depuis la
conquête des Romains, on voit que les listes pèchent toutes en moins par une ou
plusieurs des causes que j’ai énumérées plus haut.
On doit encore ici faire une distinction entre les lieux habités : après les villes de
3 jusqu’à 15 ou 20 mille habitans, viennent les bourgades de 1000 à 3000; les
villages de 300 à 1000; les nazlet (nezel), colonies ou dépendances, de 2 à 300;
enfin les kafr ( koifour ) , hameaux.
Il faut savoir qu’en Egypte il n’y a point, comme dans les pays civilisés de l’Europe,
de maisons isolées dans la campagne, de fermes habitées par une famille et
ses domestiques, ou du moins les exemples en sont excessivement rares. Toutes
les habitations sont groupées et serrées ; la plupart des' lieux sont fermés d’une
enceinte : c’est l’effet nécessaire des incursions des Arabes et de la facilité qu’ils
trouvent pour piller la campagne. Si les fellah sont obligés de leur abandonner la
terre, du moins ils sauvent leurs familles et leurs biens; heureux quand l’audace
de ces cavaliers redoutables ne leur enlève pas leurs récoltes, au milièu même des
habitations (1).
Une dernière observation à faire, c’est qu’on doit distinguer les villages livrés à
une industrie quelconque en outre de la culture ordinaire.
Dans ceux-ci, la population est plus serrée qu’ailleurs. Il ne faut pas moins de
bras pour le travail des champs ; les hommes excédans consomment du grain sans
en produire. La consommation y est donc plus grande ; mais l’exportation est
moindre, et le sol peut suffire à la nourriture de tous.
Je n ai point encore parlé des ruines de villages, si fréquentes sur presque toute
la surface de l’Egypte : il faut se garder de croire que chacune d’elles représente une
position antique ; une grande partie de ces ruines est l’ouvrage des temps récens,
et le fruit des avanies des beys ou de leurs lieutenans, des incursions des Arabes;
des- vexations du fisc. En allant bâtir ailleurs de nouvelles habitations pour se soustraire
à leurs tyrans, les malheureux fellah ont encore contribué à réduire la superficie
du sol cultivable.
Ces lieux ruinés demandent donc à être envisagés sous deux rapports : sous le
premier, il ne faut point les compter comme fournissant à la population; sous le
second, on doit penser que le sol cultivable a perdu par ces déplacemens une
partie de son étendue.
J’ai eu égard à toutes les considérations qui précèdent, en fixant le nombre des
lieux habités à 3 600 (2) : maintenant, pour essayer d’en déduire quelque conséquence
pour la population du pays; je vais prendre un exemple dans une des provinces
qui ont été mesurées et décrites le plus exactement, la province de Minyeh, qui a
succédé en partie à l’ancien nome d’Hermopolis ; elle a également servi à
M. Jacotin pour la supputation qu’il a faite, de son côté, de la population actuelle
de l’Egypte.
(1) Voyez les Observations sur les Arabes de l’Egypte moyenne, E . M , tom. I ,n, page $45.
(2) Voyez le Tableau général des villes et villages de l’Egypte.
A R T I C L E III.
Calcul de la Population d’après celle de plusieurs lieux de l’Egypte.
I . ° P R O V I N C E D E M I N Y E H .
( É g y p u î moyenne. )
J ’ai été assez heureux pour recueillir sur les lieux mêmes, de la bouche des
cheykhs et des personnes instruites, des renseignemens détaillés sur le nombre des
individus de chaque village. Plusieurs fois j’ai dû rectifier ceux qui me paroissoient
inexacts : mais quand ils péchoient, cétoit toujours en moins; on en sent aisement
la cause. Il est bien superflu de placer ici tout le détail de ce dénombrement, que
l’on trouvera dans les Notes et Éclaircissemens. En voici le résultat sommaire et en
nombres ronds ;
Nombre des lieux habités, 1 6 1.
2 Villes^ .................................................. ï 1 7 5 0 habitans.
39 B o u r g a d e s . ............................ .. 53 230/
63 V i lla g e s ............................................................ • 30 820
57 Na?let et hameaux............................................ 8 8 5 0
T o t a l ................................................. 10 4 ^ 5 0 habitans.
E t sans les villes......................... 9 2 900 (1 ).
La superficie de la province est égale à 67 lieues carrées S|§| il se trouve donc
par lieue carrée 2 à 3 villages et 1560 habitans : mais, comme les deux villes
de Minyeh etMeylaouy renferment à elles seules 11750 individus, il convient de
les distraire; le résultat pourra être ensuite regardé comme un terme moyen très-
admissible, attendu que les villages tiennent un milieu entre les hameaux et les
bourgades. Ainsi, dans une province peu habitée en comparaison du Delta et de
la province de Charqyeh, dans un des cantons de l’Egypte les plus exposés aux
dévastations des Arabes et où les canaux ont perdu presque toute leur utilité;
nous trouvons par lieue carrée 1 385 habitans à peu près ; autrement, y84 habitans
par village l’un dans l’autre.
D ’un autre côté, on compte autant de provinces qui le cèdent à celle de Minyeh
pour la fertilité, le nombre de canaux, ou l’étendue des terres inondées, qu’il y en
a qui l’emportent sur elle sous ces divers rapports. Je trouve donc une juste compensation
entre les unes et les autres, et celle-ci peut fournir un terme moyen dont
la justesse est vraisemblable.
Ici l’on demandera comment l’on n’a pas dans le pays un dénombrement tout
fait, au moins à une époque ancienne, puisque les individus mâles au-dessus de douze
(1) Voyez, à la fin de ce Mémoire, les Notes et Éclaircissemens ( note B ).
A . T O M E I I . N