
l’Europe, à l’exception du canton de Berne (i) : il en résultera un compte de
4 154°oohabitans; joignons-y 1200000 habitans pour Thèbes, Memphis, Héliopolis
, qui étoient les trois plus grandes villes du pays , plus 470000 pour d’autrés
villes du second ordre [voyez ci-après, page 1 1 6), on ne trouvera guère en tout
par ce calcul au-delà de 5 millions et demi à 5 millions 800 mille habitans.
Enfin nous avons admis que, toute la superficie cultivable étant supposée mise
en culture, la contrée pouvoit nourrir au-dedans environ 6 millions d’individus
et autant au dehors, en considérant d’ailleurs que l’une des causes de la mortalité
actuelle, la peste, étoit extrêmement rare autrefois.
Nous pourrions appuyer ces résultats sur différentes données, telles que le prix
moyen de la journée de travail en Égypte, le montant de l’impôt en argent ou en
nature, les frais de perception pour chaque espèce d’impôt, le revenu net que Je
grand-seigneur tiroit de l'Egypte avant l’expédition Française, &c. Nous possédons
sur ces questions intéressantes les élémens les plus exacts; mais, outre qu’une
partie de ces données est déjà comprise dans les Mémoires de M. Lancret sur
l impôt territorial et de M. Estève sur les finances de l’Égypte, nous croyons qu’il
n est pas indispensable de les faire entrer dans la recherche spéciale de la population
comparée, question déjà assez étendue par elle-même. Nous en dirons autant
des revenus présumés de l’ancienne Égypte, soit sous Ptolémée-Aulètes, soit à
l’époque de Ptolémée-Philadelphe, qui est celle de la plus grande prospérité de
l’Égypte pendant le règne des Lagides. Nous passerons donc au dernier article
de ce Mémoire ; savoir, les témoignages des auteurs relatifs à l’ancien état des
choses en Égypte, sous le rapport de la population.
A R T I C L E VI.
Examen des Auteurs, et Rapprochemens entre l ’état ancien et l ’état moderne
du pays.
O n a souvent rapporté le texte des passages des historiens qui ont parlé de la
population de l’Égypte; il me paroît suffisant ici d’en donner la substance. A en
croire Hérodote, il y avoit 20000 villes sous le règne d’Amasis. D ’après
Diodore de Sicile, on y comptoit, dans les anciens temps, plus de 18000 villes
et bourgades (2). Théocrite portoit ce nombre à plus de 33000 villes existantes
sous Ptolémée-Philadelphe. C ’étoient 13000 bourgades, selon Caton l’ancien,
cité par Étienne de Byzance ( 3 ).
Le même Diodore de Sicile rapporte qu’il y avoit eu 7 millions d’hommes
sous les anciens rois ; de son temps, ce nombre n’étoit pas inférieur à 3 millions :
il ajoute que ces nombres étoient inscrits dans les registres sacrés (4).
(1) L’Angleterre et le pays de Galles comptent 1619 ha- (a) Lib. I, cap. 31.
bitans : les Pays-Bas, en 1780, en comptoient, 1384; (3) Voyez au mot Diospolis. Etienne de Byzance atpeut
etre aujourd hui 1800 a 1900. La Chine est moins tribue à Thèbes ce qui regarde la population de l’Égypte.
peupiee que ces deux pays. Voyez ci-apres la note (H). (4) Voyez les Notes et Eclaircissemens (I).
Josèphe porte à 7 millions et demi la population de l’Égypte, sans y comprendre
Alexandrie, qu’il disoit contenir 300000 hommes.
Nous avons encore d’autres données pour apprécier, sinon la population
réelle de l’ancienne Égypte, du moins l’idée qu’en avoient les auteurs Grecs et
Latins.
Selon Hérodote, l’Égypte entretenoit 410000 hommes de guerre, qui séjour-
noient dans dix-huit nomes, dont il donne la nomenclature.
En parlant de l’ancienne Thèbes, Strabon ( 1 ) paroît croire à l’existence d’une
armée Égyptienne composée d’un million d’hommes. Du moins, il rapporte que,
selon les prêtres, ce nombre étoit inscrit sur les obélisques, et il ne fait aucune
observation contre l’exactitude d’un pareil récit.
11 résulteroit dît passage de Tacite (2) sur le voyage de Germanicus à Thèbes,
que le pays comptoit autrefois 700000 guerriers.
Quand Sésostris, dit Diodore, entreprit sa grande expédition, il avoit avec lui
600000 piétons, 24000 cavaliers et 27000 chars de guerre.
L ’année Égyptienne qui, au temps de Psammétique, passa en Éthiopie, étoit de
240000 hommes, selon Hérodote, et de plus de 200000, suivant Diodore de
Sicile.
Enfin Josèphe suppose à Avaris une garnison de 250000 hommes.
Pourquoi ne citerois-je pas encore le poète, qui, par chacune des cent portes
de Thèbes, fait sortir 200 hommes de guerre montés sur des chars (3)! En effet,
rien ne choque la vraisemblance dans ces vers d’Homère, tandis que la plus
grande partie des témoignages qui précèdent est évidemment marquée au coin de
l’exagération. Ce n’est rien pourtant auprès de celle des écrivains modernes. Qui
croirait qu’un pays douze fois plus petit que la France ait été réputé contenir
27 millions d’hommes' Dans l'Origine des lois, des arts et des sciences (4 ), Goguet
n’a pas craint d’admettre la chose comme certaine; et Dupuis, qui l’a combattu
sous un autre rapport, alloit encore au-delà : mais que dire de Paucton, qui
poussoit jusqu’à 40 millions et plus le nombre des anciens habitans du seul Delta!
D ’un autre côté, de Pauw a réduit à près de 4 millions le nombre des habitans
sous les anciens rois; ce qui est sans doute au-dessous de la vérité.
D ’Anville a gardé le silence sur ce point, et s’est borné à estimer le territoire
de l’Egypte à 2160 lieues carrées; ce qui, par une compensation heureuse, est
très-près de la réalité (5).
Nous aurions une donnée précieuse pour asseoir un calcul, si le cadastre de
l’ancienne Égypte fût parvenu jusqu’à nous, ou du moins la connoissance du
nombre total d'aroures compris dans le pays, car ce mot ne peut s’appliquer
qu’à la terre cultivable; et, à cet égard, j’oserai citer un écrit où ce sujet a déjà
(1) Lib. X V I I , p. 816................................................................. .........................................................Necquot Thebas
(2) Ann lib I I Ægyptias, ubi plurima irt domibus opes recondita. jacent,
Qttoe centurn hâtent portas, ducenti autem per unamquamque
(3) OutT osa- QiiCetç Ÿ lr i egrediuntur cum equis et curritus.
Alyu-iïictjç} 071 7ftê t ça do/uotç ¿v K%/uet7a x ém q , ( Il/ad. lib . IX , y . 3 8 1 ..)
A1 d>' ¿KCLTv/Amkoliioty dVfljü)<rto/ Js> ¿1 îkclothv (4) D e u x i è m e partie, tome I , page 3*
Avéptç ityiyjiivoi tmv ¡'irmiei ¡yw o^otpiy. (5) Voyez ci-dessus, page 92.