
élevée à une infinité de milliers de talens : de plus , Rhodope florissoit pendant le règne d Amasis, et
non pendant celui de Mycérinus ; ainsi elle n’a vécu qu’un grand nombre d’années après les rois qui ont
fait élever les pyramides. Du re s te , elle étoit Thrace de nation, esclave d ’Iadm on, fils d’Hephæstiopolis,
citoyen de Samos, et eut pour compagnon d’esclavage Ésope le fabuliste. ( Ibid. chap. c x x x i v . )
Rhodope vint en É g ypte , où elle fut conduite par Xanthus le Samien. . . . ( Ibid. chap. c x x x v . ) . . . .
Devenue l ib r e , elle resta en Égypte ; e t , comme elle étoit d’une grande beauté , elle y amassa des
richesses im m en s e s/ s i l ’on v eu t, pour une R h o d op e , mais non pas au point de la mettre en état de
faire construire une pyramide h ses frais. ( Ib id. chap. c x x x v i . )
La situation des trois grandes pyramides dont parle Hérodote étant fixée d’une
manière incontestable, et même 1 élévation du plateau c[u elles occupent étant d accord
avec sa description, il est superflu d entrer sur ce sujet dans aucun éclaircissement
; je passe donc à ce qui concerne les chaussées décrites par notre historien.
Je ne crois pas qu’on puisse inférer de ses par oles qu’une chaussée a été construite
dans toute la vallée du Nil-, c est-a-dire, d une montagne a 1 autre, pour voi-
turer les pierres jusqu’au pied de la chaîne occidentale. Les conduire dans la montagne
du côté de la Libye, tel fut le travail qui occupa les cent mille hommes pendant
dix ans. Or rien n’empêche que les barques chargées de pierres à Troja, après
avoir traversé le Nil, aient continué leur route sur un canal dirige transversalement
au nord de Memphis jusqu au desert. Libyque; ce canal est aujourd hui subsistant.
Là elles étoient déchargées au pied de la chaussee que nous voyons
encore. Quoi de plus positif d’ailleurs que les mesures données par 1 historien à
cette chaussée! elle avoit, dit-il,, cinq stades de long : or, de ce point à Troja, il y
en a plus de cinquante. D’ailleurs, point de traces de cette prétendue chaussee au
travers de la vallée du Nil; la digue bien plus étroite, dont font partie les deux
ponts Arabes, est beaucoup plus au nord, et elle n a rien de commun avec le site des
pyramides. Son objet paroît avoir toujours été de servir a 1 irrigation des terres ( i ).
Ajoutons encore qu’il parle des canaux creusés pour conduire les pierres (2).
C ’est donc une supposition absolument gratuite, selon moi, quune chaussee large
de 1 o orgyies [ 60 pieds] et longue de deux a trois lieues, bâtie depuis la montagne
Arabique, ou depuis le Nil, jusqu’à la montagne Libyque.
Celle que décrit Hérodote étoit revêtue de pierres polies, ornées de sculptures :
nous n’avons vu ni les unes ni les autres dans les restes subsistans ; on ne peut en
nier cependant l’existence, et elles expliquent les dix années que dura 1 opération.
L ’énormité des pierres de la chaussée qui se dirige sur la t r o i s i è m e pyramide,
donne d’ailleurs une idée du travail matériel des ouvriers, seulement pour le
transport. Quoi qu’il en soit, il y auroit de l’exagération à mettre cet ouvrage
en parallèle avec la construction de la g r a n d e pyramide, comparaison qu on a
cru voir dans Hérodote ; mais l’auteur compare seulement le travail à 1 élévation
d’une pyramide en général.
Celle de Chéops coûta, dit-il, vingt autres années de travaux; il n’ajoute
pas qu’il y avoit encore cent mille hommes occupés : admettons-le, et calculons
le terme moyen de l’ouvrage fait par chacun pendant ce temps. J’ai évalué
( ! ) Voyei Descript, du Kaire, É. M . t. I I , 2 .'partie, ( 2 ) Hérodote, liv. I I , chap. C X X V . Voyez page prépage
74-8. cedente.
à
à a jd z y / ô “ ' cub-,34 (ou 74760602 pieds cubes) le volume de la pyramide (sans
compter le socle ), non déduction faite des vides connus ou inconnus. Comptant
sur 74500000 pieds cubes effectifs, c’est par chaque ouvrier 745 pieds
cubes d’ouvrage, sans distinction du granit, ou de la pierre du noyau et de celle
du revêtement. Cet ouvrage ne comprend pas deux autres opérations, l’exploitation
dans la montagne et l’embarquement sur le fleuve et les canaux ( 1 ); mais il
comprend le transport sur la chaussée, la taille et l’appareil, enfin l’élévation et
la mise en place : ainsi/chaque année, chaque homme, l’un dans l’autre, a opéré
sur 38 pieds cubes seulement. 11 est vrai qu’il faut défalquer la part d’ouvrage
matériel pour les architectes et ingénieurs, pour les surveillans et les conducteurs,
et augmenter d’autant celle des ouvriers ; sur vingt ou trente hommes occupés, il
y avoit bien probablement un chef ou surveillant : on peut donc calculer que
chaque ouvrier a travaillé 4o pieds cubes chaque année ( nombre rond ), à peine
un pied cube en huit jours. Cette mesure d’ouvrage est sans doute bien modique,
d’autant plus encore que les ouvriers étoient relevés tous les trois mois. Aussi
la haine que Chéops inspira, dit-on, aux Égyptiens, me paroît due bien plutôt à
ce qu’il ferma les temples et interdit les cérémonies du culte, qu’aux vexations
occasionnées par l’érection des pyramides. D’un côté, il a dû toujours y avoir
dans l’Egypte ancienne deux cent mille individus et plus employés aux travaux
d’architecture; de l’autre, on sait que les Égyptiens occupoient les captifs aux
ouvrages publics : cette mesure étoit autorisée par la justice autant que par une
saine politique.
On a beaucoup disserté sur le procédé employé dans la construction, mais on
pouvoit s’en tenir à la description de l’historien. Le travail du revêtement seul
semble offrir un sujet de doute, savoir, s’il y avoit par chaque gradin une de ces
machines en bois qu’il dit avoir servi à élever les pierres, ou si la même servoit
successivement; difficulté qui n’est d’aucune importance. 11 suffit de savoir que
ces machines se déplaçoient aisément. On ne peut guère douter que le revêtement,
c’est-à-dire, le ravalement des pierres, ne fût commencé par le sommet: je pour-
rois m’étendre sur ce sujet; mais il a été traité par M. Coutelle, et je renvoie à son
mémoire. Ce seroit aussi le lieu de rechercher en quoi consistoit la machine à
élever les matériaux, voilà un champ ouvert aux conjectures; que ce fut une grue
ou quelque autre chose de semblable, il est très-probable qu’elle étoit garnie de
poulies. Du moins les poulies qu’on a trouvées dans les tombeaux permettent de
le supposer; mais je n irai pas plus loin, et je n’imiterai pas ceux qui ont donné
le dessin de la machine en coupe et en élévation (2).
Rechercher la dépense totale qu'a coûté l’érection de la grande pyramide,
seroit, ce me semble, un travail plus difficile encore et moins utile que le précédent.
Si, d’après l’auteur, une partie seule des alimens des ouvriers (3), sans
compter les vêtemens et le fer des outils, a coûté 1600 talens d’argent (4) » on
( i ) Voyez ci-dessus, pag. 165. , • (3 ) La nourriture en légumes, sans le pain.
(a ) Ailleurs je traite des moyens mécaniques employés (4) H n’est pas question ic i, je crois, de la dépense
dans l’architecture Egyptienne ( voyez Recherches sur de la chaussée.
l’art en Egypte ).